La Ford GT40… Certains en ont écrit des encyclopédies. Moi j’me les coltine articles après articles, en découvrant à chaque fois une nouveauté qui fait que forcément, à un moment, faut bien qu’on en parle. Mais c’est ça l’histoire de l’auto, une succession d’anecdotes qui forgent la passion. Donc après vous avoir presque tout raconté sur la GT40, sur ses origines, les MkI, MkII, MkIII ou Street Legal et même roadster, voilà que débarque sur DLEDMV la MkIV appelée aussi J-Car…

Ford GT40 J-Car : Appelez la MkIV... 1

Nous sommes à la fin de l’année 1963. Ford a aligné un budget digne de la NASA pour aller botter le cul aux sportives de la Scuderia Ferrari dans le championnat des voitures de sport mais surtout, aux 24h du Mans. En partenariat avec Lola, Ford a monté une base technique en Angleterre, la Ford Advanced Vehicles, où le projet GT40 prend forme. Les première GT40 MkI sortent d’usine en avril 64 et commencent à venir taquiner les voitures du Commendatore… sans grande réussite. 

Ford multiplie les groupes d’ingénieurs, met Carroll Shelby à contribution, et les versions s’enchainent et se complètent… MkI et MkII (La MkIII étant la version route) ont chacune leurs spécificités et attaquent les Ferrari dans plusieurs catégories différentes… La guerre est déclarée et ça bastonne dans tous les sens du côté de l’ovale bleu !

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Mais voilà, le règlement de la FIA voit apparaitre l’annexe J au cour de l’année 1965, qui sera mise en vigueur pour la saison 66. Grosso modo, elle marque l’arrivée de protos pour donner plus de liberté en terme d’aéro, au niveau du châssis, de la carrosserie et du poids… L’occasion aussi chez Ford de combler une frustration interne. Jusqu’à maintenant, les MkI et MkII, bien que passées entre les mains de Shelby et motorisées par des V8 élevés à Détroit, sont nées en Angleterre. Et le côté patriote des américains en prend un coup.

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Ainsi, l’annexe J va permettre à Ford de réduire son partenariat anglais. La marque revend Ford Advanced Vehicles à John Wyer qui va continuer de faire courir les GT40 MkI sous le nom de son team Mirage. De son côté, Shelby se chargera des MkII avec le V8 7.0l du Texan.  Enfin Ford rapatrie tous ses ingénieurs pour mettre en place une nouvelle filiale américaine, la Kar Kraft, dirigée par Ed Hull.

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Ford lance donc la J-Car, répondant à cette fameuse annexe J, Ford allant même jusqu’à lui donner cette référence de châssis. Elle n’a plus grand chose à voir avec la GT40… c’est un proto qui en reprend vaguement les traits sur la face avant alors que son cul est tronqué tronqué à l’image du Breadvan de Ferrari. La voiture se passe d’aileron, misant sur un fond plat et une portance travaillée en soufflerie. De plus sa structure en alu sous forme de nid d’abeille lui a permis de peser seulement 1207 kg, c’est 136 kg de gagnés par rapport à la MkI. Elle est rapide mais entre l’empattement un peu plus court et l’aéro innovante, elle reste très instable.

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La première GT40 J-Car va être prête en mars 66 et Ford décide de l’envoyer participer aux essais du Mans. Elle y réalisera le meilleur chrono… mais entre sa stabilité effrayante dans la ligne droite et sa fiabilité qui n’est pas encore satisfaisante, la marque va préférer engager officiellement pour la course, des MkII Shelby avec leur V8 de 7.0l… décision sage puisque la sportive va offrir à Ford sa 1ère victoire au Mans avec en cadeau un triplé retentissant. Enfin, notez au passage que cette édition 66 comptait pas moins de 13 Ford GT40 MkI et MkII confondues entre les trois officielles et les teams privées… A part les trois qui monteront sur le podium, aucune autre ne terminera la course !

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Pendant c’temps là, la J-Car repart aux Etats Unis, une deuxième voiture est construite et les deux vont enchainer les essais et tests. Mais en Aout 66, sur le circuit de Riverside, Ken Miles perd le contrôle de son proto devenu incontrôlable alors qu’il était à fond en ligne droite. La voiture percute les rails, le châssis se disloque et s’enflamme tuant Miles sur le coup. L’aéro est aussitôt mise en cause et les ingénieurs, encore sous le choc, décident de prendre une toute autre orientation. 

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Une nouvelle carrosserie va être dessinée, plus conventionnelle avec sa longue queue (Calme toi Tim, je parle de la voiture !) mais plus aérodynamique… la GT40 MkIV est née. Le châssis J est renforcé et suite à l’accident de Miles, un arceau est intégré dans l’habitacle, mais son poids lui fait perdre le gain de conception. La voiture conserve le V8 7.0l Shelby de la MkII à qui elle emprunte aussi la boite de vitesses, et quelques éléments de suspension et du freinage. Tout le reste est totalement nouveau et spécifique à la MkIV. Elle est aussi la plus radicale des GT40. 

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Pour la saison 67, Ford décide d’engager les MkIV aux 12h de Sebring où le duo Bruce McLaren et Mario Andretti va s’imposer avec 12 tours d’avance sur l’autre GT40 MkII officielle. Comblée par les performances et la fiabilité, la marque est donc prête pour le Mans.

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Ford va donc débarquer dans la Sarthe pour la 35ème édition des 24h du Mans avec quatre voitures ! Dan Gurney, l’un des pilotes, se plaint du poids… la MkIV accuse quand même 270 kg de plus que les Ferrari 330 P4. Mais par contre, le V8 de 7.0l en a à revendre. Le duo de pilotes va donc devoir prendre l’habitude de préserver les freins dans la partie sinueuse, en sacrifiant quelques secondes sur chaque freinage. Mais une fois dans les lignes droites, Gurney et Foyt peuvent lâcher les watts et la MkIV est de loin, la voiture la plus rapide du plateau puisqu’elle va dépasser les 340 km/h au bout des Hunaudières avant d’attaquer le freinage de Mulsanne. Ils remportent l’édition 67, avec 4 tours d’avance sur la Ferrari 330 P4. Et Ford s’offre une 2ème victoire d’affilée au nez et à la barbe d’Enzo !

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Mais l’histoire de la MkIV va vite s’arrêter… à la fin de la saison 67, la FIA limite la cylindrée des voitures. 3.0l pour les protos et 5.0l pour les voitures de productions issues d’une production mini de 50 exemplaires. Cela n’empêchera pas Ford de s’imposer encore 2 années de suite en 68 et 69 avec des MkI dont la cylindrée a été rapportée à 4.9l et engagées par le JW Automotive Engineering, si rappelez vous, John Wyer à qui Ford avait vendu la Ford Advanced Vehicles avant de se lancer dans le projet J-Car. Coupée dans son élan, la Ford MkIV se retrouve hors règlement et ainsi, poussée à la retraite. Elle reste jusqu’à ce jour, la seule voiture 100% américaine, châssis, moteur, conception, origine, pilotes et même pneus, à s’être imposée dans la Sarthe.

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