Pauvre destin que celui d’un Concept Car… en fait, c’est un peu comme ces crétins des télé réalités. On les balance sous les projecteurs et devant les caméras, on leur fait croire qu’il ont un potentiel intéressant, mais la plupart finissent par retomber dans un anonymat dépressif une fois revenu dans la réalité… Eh bien c’est grosso modo c’qui est arrivé à cette Porsche 914 Goertz !

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Rappelez vous, il y a quelques années, je vous racontais l’histoire du prototype Porsche HLS. D’ailleurs il devait renaitre de sa rouille, mais il faut croire que Manfred Hering, qui a racheté l’épave en promettant sur la vie d’sa mère, croix d’bois croix d’fer… bref, ce cher Manfred a eu plus de gueule que de couille !

L’histoire de cette Porsche 914 Goertz est largement différente. Goertz, c’est le diminutif du comte Albrecht Graf von Schlitz genannt von Goertz von Wrisberg… plus connu sous le nom d’Albrecht Goertz, c’est plus pratique pour la carte de visite ! Après une courte carrière dans le milieu bancaire, Albrecht s’est exilé aux Etats Unis. Il a commencé à travailler dans une boite spécialisée dans le lavage des voitures, puis à basculé chez un fabricants de moteurs d’avions avant de louer un garage pour y réaliser son rêve, créer ses propres voitures. Il acheter une Ford A et une Ford B et commence à les modifier pour les adapter sur un châssis Mercury, et en faire un coupé 2 portes qu’il va appeler Paragon, et qui se retrouvera exposé à l’exposition universelle de New York en 1939.

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Mais la 2nde guerre mondiale vient perturber son projet. Il passe 5 ans dans l’armée et une fois le conflit terminé, il rejoint le studio de Raymond Loewy, à qui on doit le logo de Shell ou l’original dessin de la Studebaker Avanti. En fait, Loewy avait repéré le Paragon et était tombé sous le charme de l’excentricité et du talent de Goertz. Il lui propose de lui financer une formation dans le design et de le faire entrer chez Studebaker. Albrecht accepte mais rapidement, préfère reprendre son indépendance.

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Il s’installe en Californie, monte sa propre entreprise de design et commence à collaborer avec plusieurs secteurs d’activité. Il dessine des meubles, des caméras, des stylos, des vélos… et au fil de ses réalisations, termine par croiser la route d’un certain Max Hoffman, qui à l’époque, importe BMW sur le sol américain, et justement, met la pression au constructeur allemand pour qu’il lui développe un roadster sportif. Hoffman met alors Goertz à contribution et de cette association de talent va naitre la magnifique BMW 507. Nous sommes dans la première moitié des années 50.

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Il faut savoir que pour créer ses créations, Goertz utilise une méthode originale. Il dessine ses ébauches qu’il modélise ensuite en Plasticine, de la pâte à modeler. Cette technique va révolutionner le milieu du design auto… Au début des années 60, Nissan l’embauche en tant que consultant pour former ses designers internes à cette nouvelle méthode. Il participera aussi au projet Datsun Coupé 1500 qui deviendra plus tard la Nissan Silvia CSP311, ainsi qu’à celui, en partenariat avec Yamaha, de la Nissan 2000GT. Mais comme Nissan refusera le concept, Yamaha ira le proposer chez Toyota qui l’acceptera, fera retoucher le dessin par son designer interne, Satoru Nozaki, et elle deviendra la Toyota 2000GT.

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Dans les années 60, Goertz prétend aussi qu’il travaille pour Porsche… En fait, ayant entendu dire que le constructeur allemand réfléchissait à proposer une sportive qui devra venir compléter la gamme auprès de la 356, il s’empresse de faire une proposition de concept… qui sera refusé. La 901 ne sera donc pas signée Albrecht Goertz.

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Cependant, quand la Porsche 914 débarque en 1969, encore une fois, Goertz se rend compte que la voiture est plus critiquée qu’encensée. Outre son statut de VW sportive… ou de Porsche au rabais, on lui reproche son dessin qui n’a pas réussi à convaincre aussi bien que celui du Coupé (et cabriolet) Karmann qu’il devait remplacer et qui était un véritable succès commercial aux USA. Encore une fois, Goertz décide de montrer à Porsche ce qu’il sait faire… et ce coup ci, plutôt que d’envoyer un croquis, il achète à Sonauto une Porsche 914, mais pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit ni plus ni moins de la 914/6 GT qui vient de terminer 6ème aux 24h du Mans de 1970 ! 

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Il réalise son concept en Plasticine, puis une fois ses gabarits terminés, il les envoie chez Eurostyle, un carrossier turinois qui se charge de les réaliser en tôle. Pendant ce temps, la 914 GT embarque sur un bateau, et le temps de traverser l’Atlantique pour débarquer en Italie, les éléments sont prêts à être posés pour que la voiture puisse être alors exposée au salon de Turin. 

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Cette 914 transformée en sorte de Breadvan aussi original que séduisant, tape dans l’oeil de l’état major de Porsche. Mais avec la 911 et la 914, la marque ne voit pas trop où et comment positionner ce modèle dans la gamme. Surtout qu’elle réfléchit en interne à un nouveau projet commun avec VW, pour développer une sportive plus basique et avec un moteur avant… projet qui donnera naissance quelques années plus tard à la 924. De son côté, Goertz retourne aux USA la queue entre les jambes et avec son concept sous le bras (Enfin… c’est une image hein ! N’essayez pas de faire ça chez vous !).

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Albrecht gardera son prototype qui deviendra sa voiture personnelle avant qu’il en fasse don au musée de l’automobile de Langenburg, entre Francfort et Stuttgart. Après l’épisode de la 914, il ne collaborera plus avec le milieu de l’auto et clôturera sa carrière de designer en signant un piano à queue pour la marque Steinway & Sons afin de célébrer le 125ème anniversaire de leur usine de Hambourg. Il est décédé en 2006, en emportant avec lui l’histoire du concept car surement le plus étrange de l’histoire de Porsche. 

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