Début 1978, la FIA annonce un bouleversement dans la Force ! Enfin, dans les différents groupes. Tout va être simplifié… Gr.N, Gr.B et Gr.A vont remplacer les 9 groupes en vigueur. Pour Lancia, cette nouveauté tombe au bon moment. La Stratos commence à vieillir et il est temps de la remplacer. Ce sera le rôle de la Lancia 037, course ou stradale…
La Stratos a vu le jour en 73. Engagée en Gr.4, elle va décrocher 3 titres consécutifs constructeurs en championnat du monde des rallyes en 74, 75 et 76. Le titre pilote ne fera son apparition qu’à partir de l’année suivante et elle permettra à Sandro Murani d’être le le premier titré pendant qu’au niveau des constructeurs, c’est Fiat qui rafle la mise avec sa 131 Abarth. Elle va également remporter une belle brochette de titres nationaux, France, Espagne, Italie… Bref, là où la Stratos passe, les podiums trépassent !
Face aux succès en rallye, Lancia a bien tenté de récidiver sur endurance. Du coup, les ingénieurs vont greffer un turbo au V6 Dino et la faire homologuer en Gr.5 Silhouette dans lequel ils vont aligner deux voitures. Avec son usine à gaz au centre, la Stratos chauffe trop, mettant à mal sa fiabilité. Ajoutez à cela qu’en face, il y a une certains Porsche 935 aussi performante que fiable. Malgré quelques victoires, Lancia cesse rapidement l’hémorragie fin 78. La Stratos est mise à la retraite et c’est désormais la nouvelle Beta Montecarlo qui représente la Scuderia Lancia mais maintenant sur circuit.
En 79, la Lancia Beta Montecarlo Turbo entre en piste. Contrairement à la Stratos qu’il a fallu adapter, la Beta Montecarlo a été spécifiquement développée pour répondre aux contraintes de la piste. Avec son aéro optimisée, le 4 cylindres 1.4l turbo (Dérivée de la 131 Abarth) ne manque pas d’air. Avec 500 ch pour moins de 800 kg, le monstre italien rivalise avec la 935, se permettant même de devenir la 1ère voiture non allemande à remporter le titre DRM en 1980. Elle accroche aussi le titre au championnat du monde de voitures de sport (WSC) en 80 et 81 (En 79 elle décroche le titre en moins de 2.0l, même si elle termine 2ème au classement général).
Du côté du rallye, dès l’arrêt de la Stratos, Lancia réfléchissait déjà à une nouvelle voiture pour venir la remplacer dans les spéciales mondiales et pour cela, on comptait profiter de l’arrivée du nouveau Gr.B pour développer un nouvel engin. Cesare Fiorio, alors directeur de la Scuderia Lancia, va décrocher une équipe d’ingénieurs menée par Sergio Limone. Ils récupèrent une Beta Montecarlo turbo pour en développer une version destinée au Gr.B, la Lancia Rallye Projet 037. Le règlement est permissif, et la base, déjà bien énervée, convient parfaitement. La voiture sera une propulsion deux places, avec le 4 cylindres de la 131 Abarth en position centrale arrière. Le bloc est réalésé à 2.0l et monté longitudinalement (Transversal dans la Montecarlo) pour pouvoir y greffer un compresseur Volumex (Plus linéaire qu’un turbo) qui lui fera atteindre plus de 300 ch dans ses dernières évolutions. Elle devra être légère (Moins d’1 tonne) avec une accessibilité technique pensée pour faciliter toutes les interventions mécaniques. Il opte pour une solution traditionnelle, car en face, Audi a déjà présenté sa future Audi Quattro avec sa transmission intégrale. A la différence que le constructeur allemand est partie d’un modèle de série alors que les italiens développent, au contraire, un modèle de course, dont la version d’homologation sera tout juste civilisée.
Car pour décrocher l’homologation, il faut 200 modèles routiers (Au lieu de 400 pour l’ex Gr.4). La voiture est présentée au salon de Turin en mars 82 et le 1er avril, 207 Lancia 037 Stradale ont été assemblées. Hormis les peintures de guerre, la bête a gardé le même physique que le modèle de course. Le dessin, signé Pininfarina est aussi violent que réussi. On ne parlera pas d’élégance, mais on devine de suite que la 037 n’est pas là pour faire de la figuration. L’aileron, les prises d’air, le travail aéro, le profil de cette voiture basse et large, la carrosserie en fibre et kevlar… On sent bien que pour aller chercher le pain, il n’aura pas le temps de refroidir le temps de revenir à la maison !
Au niveau du châssis, on retrouve une cellule centrale monocoque en alu avec de chaque côté, deux treillis tubulaires sur lesquels sont greffés les trains et suspensions et à l’arrière, le moteur et la boite. Le 4 cylindres à carter sec fait désormais 2.0l. Il est couvert d’une culasse 16 soupapes à double arbres et est gavé par une injection Weber. Le compresseur Volumex est revu en mode soft pour lui faire sortir 205 ch. La boite est une ZF à 5 rapports manuels. La voiture repose sur des roues Speedline en 16′ chaussés de Pirelli P7 en 205/55 devant et 225/55 derrière.
L’habitacle est aussi sobre que sportif. Tableau de bord spécifique, console centrale parsemée d’interrupteurs rouge, sièges baquets en velours. C’est artisanal mais loin du level centre d’essai d’une BX 4TC. Ca fait le job sans tomber dans l’ostentatoire, c’qu’il faut, où il faut et comme il faut !
Sur la route, la 037 ne cherche pas à cacher ses origines. Au rayon des perfs, rien de transcendant… 0 à 100 en 7 secondes, 400m en 15,3 le kilomètre en 27,5 et la Vmax à 220 km/h… son truc, c’est le pilotage, l’efficacité et la sportivité, surtout avec seulement 1170 kg sur la balance. La voiture n’affiche pas beaucoup de compromis, comme si elle avait oublié toute notion de civilité au garage. C’est bruyant, il y fait chaud, c’est viril, ça cogne, ça couine, ça grince, mais une fois en mode attaque, on oublie tout ça pour entrer dans un monde jubilatoire. Le moteur est plein et pousse de bas en haut avant de couper à l’approche des 8000 trs. Le voiture est efficace et vive. un peu délicate à la limite, mais ce genre de caisse, ça se mérite.
Sans trop de difficultés, Lancia va écouler toutes les stradales sur l’année 82. Comme l’autorise le règlement, elle va avoir droit à une évolution en 1984, pouvant être homologuée sur le modèle de compet’ par seulement 20 exemplaires. L’Evo 2 voit son 4 cylindres passer à 2.2l grâce à l’arrivée d’un nouveau vilebrequin, de nouveaux pistons et bielles, d’arbres à cames de la version course, de soupapes plus grosses, de poulies et d’un volant moteur allégés. Le gazier fait un bon jusqu’à 249 ch. Pour encaisser, le châssis est équipé des triangles renforcés de la Rallye, d’amortos réglables, de ressorts plus courts et rigides. Le freinage est renforcé tout comme l’embrayage et les pignons de boite. Chaque propriétaire d’une Evo 1 pouvait s’offrir un kit pour faire passer sa voiture en Evo 2. C’est le cas du modèle qui vous a pulvérisé les rétines tout le long de cet article.
Enfin en compet’, la Lancia 037 s’est offerte un sacré palmarès. Victime de quelques soucis de fiabilité en 82, Audi en profite pour imposer sa transmission intégrale. Alors qu’on pense que la messe est dite, tout rentre dans l’ordre pour la saison suivante, et la 037 va réussir à décrocher le titre mondial constructeur. En 1984, malgré quelques coups d’éclat, les propulsions ne sont plus à la fête. Lancia l’a compris dès la saison 83 en lançant le développement d’une nouvelle voiture, la Type 038 qui deviendra en 84, la Lancia Delta S4.
A ce jour, la Lancia 037 est la dernière propulsion à avoir remporté le titre mondial en rallye, face aux 4 roues motrices. De quoi rentrer dans la légende !
un pure merveille et une marque historique qui a malheureusement mal fini 🙁
Le film de la saison 83 est d’ailleurs une histoire rocambolesque comme seul les italiens savent les produire!!!
Bel hommage à un monstre de compet’, même si les versions sont exigeantes, hors de prix, avec un entretien « stratos »phérique pour des perfs décevantes en soi, même par rapport à des concurrentes civiles de la même époque (c’est pareil pour quasi toutes les « road version » des groupe B, Quattro Sport mise à part).
Les GT1 « road version » de la décennie suivantes auront au moins les perfs pour elles, comme les ersatz civils de Groupe C!!!