Sous ses airs de coupé échappé d’un anneau de Nascar, la Kellison J-4R cache l’histoire de son géniteur, Jim Kellison, un ingénieur visionnaire qui, du fond de son garage, va créer ses propres carrosseries à partir d’un matériau qui allait révolutionner le monde de l’auto dans les années 50, la fibre de verre. Père Motor est dans la place !

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A la fin des années 40, Jim Kellison est un vétéran, ancien pilote de chasse de l’US Air Force, lorsqu’il quitte l’armée pour reprendre des études afin de se spécialiser dans le travail de la fibre de verre qui est, a ses yeux, une matière à utiliser dans l’automobile. En effet, elle offre pas mal d’avantages… simple à utiliser, pas chère, résistante, elle ne rouille pas et ne pèse pas lourd. Son seul défaut, c’est qu’elle n’est pas adaptée aux grosses productions… Mais ça, ça ne va pas gêner Jim.

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En 1950, il ouvre Kellison Engineering, un atelier spécialisé dans le travail de la fibre de verre et plus particulièrement celui des kit cars tout droit sortis de l’imagination de Jim, un véritable petrolhead. Il va alors passer plusieurs années à concevoir, développer et tester ses créations jusqu’à obtenir les résultats qu’il souhaitait et finir par les mettre en vente à partir de 1957.

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Rapidement, la gamme va grandir avec plusieurs coques proposés en fonction des bases techniques. La J-1, qui vient se poser sur un châssis d’Austin Healey Sprite ou de Crosley, ouvre le bal, rapidement suivie de la J-2 adaptée à une base de Triumph ou de Renault. Toutes les deux sont disponibles en roadster ou coupé exclusivement biplace. Jim continue avec la J-3, un roadster qui vient habiller des entrailles de MG, Austin Healey ou celles d’une VW Cox (ou Porsche 356). Les prix sont accessibles, par exemple une J-3 se vend, prête à monter, pour 520 $… soit moins de 5000 € si c’était aujourd’hui. Soucieux de la qualité et de la rigidité de ses coques, Kellison va les équiper de garde-boues intégrés, de panneau pare-feu et d’un plancher. Dans une Amérique en pleine expansion économique, les kits Kellison trouvent leur clientèle et le succès est au rendez-vous.

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Mais l’histoire ne s’arrête pas là puisqu’en 59, la J-4 va rejoindre le game ou la gamme, c’est comme vous voulez. Mais au delà d’une habituelle coque en polyester disponible pour être posée sur un châssis de Corvette, et contrairement à ses frangines, Jim a voulu en faire également un modèle à part entière. En effet, l’acheteur pouvait aussi commander sa J-4 complète, déjà montée sur son propre châssis, sorti des ateliers de chez Kellison. Pour cela, Jim s’était rapproché de Chuck Manning, concepteur de voitures de course, et spécialisé dans les treillis tubulaires. Deux essieux, un cadre en X et les suspensions de la Corvette plus tard, la J-4 prenait la route avec sa gueule digne d’un custom.

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Long capot, ailes proéminentes bombées, habitacle complet et fonctionnel rejeté à l’arrière, pilote assis sur l’essieu arrière, aucun doute on est bien devant une sportive américaine des 50’s ! Posé entre le train avant et le tableau de bord, on retrouve l’obligatoire V8, en l’occurence un Chevy 283 ci accompagné de sa boite 4. Bon, on était loin des standards de la GM ou de Ford en terme de finition et d’équipement, mais la Kellison faisait le job et était surement la sportive la plus originale disponible aux States.

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Encore plus pour le modèle qui défile sous vos yeux… C’est en 59 que Jim Kellison allait recevoir une commande un peu différente des autres. Don Rodimer, directeur exécutif du SCCA (l’équivalent de notre FFSA) veut rouler en en Kellison J-4, sauf que lui, il veut la poser sur circuit. Une demande qui va alors donner naissance à la J-4R et à une petite série de voitures.

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Le châssis est renforcé et se complète d’un arceau, les trains roulants et suspat’ sont revus, le freinage fait confiance à 4 disques, l’engin reçoit maintenant un V8 de 406 ci gavé par un gros carbu Holley quatre corps 750 Double Pumper. De quoi envoyer 496 ch. Don va s’aligner en course avec sa voiture sans grand succès. Fiable et performante, elle sera abonnée aux places d’honneur. Il n’empêche que le pilote aimera tellement sa Kellison qu’il n’en sera séparé que le jour où il rejoindra sa dernière demeure en 1985. Rachetée par Rich Taylor, lui aussi ex-pilote pro, il va lui offrir la restauration qu’elle méritait et notamment un nouveau V8 qui reprend la même cylindrée de 406 ci, et préparé par Lalinsky Engineering qui va réussir à lui faire sortir 497 ch et 627 Nm de couple à 4500 trs. Depuis, elle a retrouvé les circuits lors de courses historiques.

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Et Jim Kellison dans tout ça ? Eh bien notre homme n’a pas chômé !  Après l’aventure des J, il va reprendre plusieurs licences, comme le Byers-SR100, ou les différents buggies Clodhopper, Sand Piper et Dagger Dune. Proposer une carrosserie de voiture de course, des dragster (l’idée du long châssis tubulaire, c’est lui !), va engager des voitures en CanAm, en habillant des châssis rachetés à Hans Adam. A la fin des années 60, il sort sa Formule Vee. Il va également fabriquer des éléments pour Jaguar, pour Corvette, des hard-top pour MG et Austin Healey, ainsi qu’une gamme d’éléments de carrosserie, et des jalousies pour lunettes arrière, toujours en fibre.

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Au début des 70’s, il va commercialiser, non sans succès, une coque en réplique de GT40 développée pour être montée sur des châssis de VW. Il va également proposer des kit moteur pour Chevrolet Corvair et plus tard, un châssis tubulaire complet capable de recevoir un V8 Chevy ou Ford en position centrale arrière. A la fin de la décennies, Kellison devient Red Stallion et s’oriente exclusivement sur la production de répliques dont la plus connue sera celle de la Cobra appelée Stallion. Au milieu des années 90, Jim Kellison se retire pour profiter d’une retraite bien méritée. Il disparait 30 septembre 2004 quelques mois avant de fêter ses 72 bougies.

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Aujourd’hui, il existe plusieurs structures spécialisées dans la restauration des Kellison, dont une installée en Angleterre.

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