Vous voulez jouer ? Alors citez moi des légendes du rallye. Allez, vous avez 30 secondes. Delta HF Integrale, Alpine A110, Sierra et Escort Cosworth, Audi Quattro, 205 T16, Impreza GT, Clio et 306 Maxi, Xsara WRC, Toyota Yaris GR, Lancer Evo… Mais voilà, dans le lot, il y en a une qui est loin de venir spontanément, la Corolla WRC… et si je vous parle de sa version civile Corolla G6, là c’est le néant total. Et pourtant, elle a été championne du monde et pose aujourd’hui ses roues sur DLEDMV…

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Remettons nous dans le contexte (c’est important le contexte !). Depuis 1973 Toyota court après le titre en championnat du monde des rallyes. Son arme, c’est la Celica. Pourtant, il faudra attendre 1990 pour voir Carlos Sainz remporter le titre pilote au volant d’une GT4 ST165. Avec l’arrivée de la ST185, les choses s’accélèrent avec 5 titres raflés, trois pilotes en 92 (Sainz), 93 (Kankkunen) et 94 (Auriol) associés à celui des constructeurs les deux dernières années. La marque japonaise est enfin devenue l’une des références de la discipline et devient celle qui mettra un terme à l’insultante domination de la Lancia Delta HF Integrale.

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Mais voilà, en 95, la machine s’arrête. La Celica a évolué pour devenir GT4 ST205. Dès le début de la saison, pilotées par Auriol, Kankkunen et Schwartz, les japonaises sont quasiment dans le coup. C’est que la concurrence a su rattraper le retard, notamment les Subaru Impreza et les Mitsu Lancer Evo. Après deux podiums pour Kakkunen au Monte Carlo et au Portugal, Auriol arrache la première victoire au Tour de Corse. En Nouvelle Zélande le français et le finlandais font 2 et 3 puis en Australie Kankkunen repart avec une nouvelle 3ème place.

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Si la marque veut décrocher le titre, il faudra absolument remporter les deux derniers rallyes de la saison, au Catalogne et au RAC. Dans tous les cas, pour une première saison, la Celica ST205 a montré son potentiel. L’équipe Toyota Castrol Team débarque en Espagne le couteau entre les dents… pour assister à un triplé des Subaru, Auriol terminant au pied du podium.

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Mais la course à peine terminée, la FIA déclenche un contrôle des Celica… et met à jour un ingénieux système de bride intelligente au niveau du turbo, un dispositif interdit par le règlement. La sanction tombe, l’équipe Toyota est bannie de la saison 95, ses points lui sont retirés et sa licence sera suspendu pendant 12 mois, l’excluant ainsi de la saison 96. Toyota réfute la triche et annonce qu’il ne s’agit que d’une évolution mécanique mise en place avec la validation de la FIA. Cette dernière dément… et l’histoire vire au règlement de compte entre Max Mosley (président de la FIA) et Ove Anderson (Boss de TTE… Toyota Team Europe). Malgré un appel du constructeur, la FIA valide sa sanction et Toyota ne pourra pas participer au championnat en 96… du moins en tant que team officiel, puisqu’elle le fera par le biais de teams privées sans réels résultats.

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Pendant ce temps là, chez Toyota, on se focalise sur la saison 97. Hors de question de donner raison à la FIA. L’objectif est de revenir et de prouver que la marque sait encore gagner. Pour cela, il faut trouver une voiture, d’autant plus que le règlement va changer. Le Gr.A s’apprête à s’effacer pour laisser la place au WRC.

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Si avec le premier il fallait partir d’une base d’homologation routière équipée du même bloc et de la même transmission, avec la WRC, les choses vont être plus simples. La voiture devra être produite à plus grande diffusion et pourra recevoir un moteur et une boite issus d’autres modèles à partir du moment où ils font partie du catalogue du constructeur. Pour le reste, c’est open bar… greffe d’un turbo, passage en 4 roues motrices, même les points d’ancrage de la suspension pourront être modifiés. L’objectif est d’attirer de nouveaux constructeurs sans les obliger à développer des versions routières (c’était donc aussi la fin des stradale !).

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Chez Toyota on décide de ne pas renouveler la Celica et on préfère basculer sur la plus populaire Corolla. Pour le moteur, le 3S-GTE fera largement l’affaire, il a déjà montré c’qu’il valait sous le capot des Celica ST185 et ST205. Sauf qu’il manque une boite 6 au catalogue… obligatoire pour pouvoir l’homologuer.

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Partant de ce constat, Toyota va lancer une version pimentée de sa compacte, la Corolla G6. La marque ouvre le tir avec une série limitée G6R de 50 exemplaires avec kit spécifique, châssis renforcé, capot alu et bien sûr une boite 6 aux rapports courts, associés à un 4 cylindres 16s de 1.6 l de 110 ch, le 4A-FE, une version assagie du 4A-GE. Puis rapidement, la G6R devient G6 et rejoint le catalogue du constructeur. Elle perd son capot alu et son kit mais garde tout le reste et même plus puisqu’un 1.4 l 16s de 86 ch emménage sous le capot. En 2000, la Corolla est restylée et le 4A-FE est remplacé par le nouveau 3ZZ-FE, toujours un 1.6 l 16s VVTi qui affiche aussi 110 ch mais qui a troqué son caractère pour une conso et des émissions en baisse.

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Une fois le jogging enfilé, la Corolla se transforme en bad girl. Pour la saison 97, elle entre en jeu pour les quatre derniers rallyes de la saison, dont l’Australie où Auriol grimpera sur la troisième marche du podium. En 98, Auriol et Sainz sont aux commandes et l’espagnol ouvre le bal en s’imposant au Monte Carlo. Le reste de la saison va tourner au fight entre la Sub’ de McRae, l’Escort WRC de Kankkunen, les deux Toy’ et les Mitsu de Mäkinen et Burns. Au terme d’une saison dantesque, c’est Tommi et sa Lancer Evo qui décrocheront la double courone pilote et constructeur pour deux points d’écart avec Sainz et sa Corolla.

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Mais ce n’est que partie remise pour 99. Chez Toyota, on a gardé le duo magique Auriol – Sainz. Mitsu mise tout sur Makinen (la Lancer est toujours une Gr.A et commence à afficher son âge). Burns et Kankkunen sont maintenant chez Subaru alors que McRae est parti chez Ford. En dehors des deux victoires de Philippe Bugalski qui impose sa Xsara Kit Car au Catalogne et au Tour de Corse, les autres pilotes se partagent les victoires des 12 autres rallyes de la saison. une fois encore, au terme d’une bagarre spectaculaire, Mäkinen réussit à accrocher son quatrième titre consécutif alors que la Corolla rafle celui des constructeurs… lavant ainsi l’affront de la saison 95. Soulagée, la marque japonaise se retire alors du WRC pour aller s’essayer à la F1… mais ceci est une autre histoire.

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Tout ça pour en revenir à c’te Corolla G6 de 99… qui est venue prendre la place de mon ancienne XJ40. Et là déjà tu te demandes comment le gars il a pu passer d’une paquebot anglais à une excitée japonaise ?! Eh bien parce qu’après une anglaise, rien de mieux pour se réconcilier avec la fiabilité que de repasser à une jap’ ! Oui, je dis repasser parce qu’entre les Honda et les Mazda, une grosse dizaine de jap’ sont déjà passées par mon garage et que, je dois le reconnaitre, elles ne m’ont jamais trahi.

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La Celica G6, j’en avais entendu parler. Je m’étais déjà penché sur son sujet et pour être franc, je n’en avais jamais trouvé de propres. Soit rincées, soit surkilométrées, soit en 1.4 l, soit des ph2 avec leur VVTi… puis de toute façon, les ph2, j’aime pas leur gueule ! Et alors que je me retrouvais à pied, j’allais choper une 325Ti compact que son vendeur n’avait pas vraiment envie de vendre, une Mercedes C180K où un « professionnel » marseillais allait essayer de me la faire à l’envers, suivie d’une Accord 2.0 l vendue par un gars qui changeait de prix tous les matins ! Dépité et réellement emmerdé, je tombais par le plus grand des hasards et absolument sans la chercher, sur cette Corolla G6 avec son 4A-FE, moins de 90.000 km et dans un état quasi neuf ! Le temps de trouver un Bla Bla Car et l’affaire était conclue.

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Rapidement, elle recevait un jeu de ressorts courts Eibach pour y baisser le centre de gravité de 40 mm, quatre Speedline Corse en 16″, avant de libérer le gazier avec une admission directe et une ligne décatalysée et full inox réalisée sur mesure par Daniel, un spécialiste très connu de ceux qui courent en HTCC. Dans l’habitacle, j’y collais un Momo Prototipo en lieu et place d’un vilain volant d’origine.

Avec elle, je reste fidèle à mon adage… il y a ceux qui arrivent les premiers et ceux qui arrivent avec le sourire. Et c’te Corolla G6, une fois que vous la mettez sur les p’tites routes défoncées et sinueuses du Luberon, vous n’avez pas besoin de plus. Vous savez ce que c’est qu’un jouet ? Elle se place, elle colle à la trajo’ avec vivacité et agilité. Rien à voir avec mon ancienne Escort XR3i 16v au comportement caricaturale avec un avant qui n’avait pas de grip et un cul qui décrochait sur un transfert de masse même au ralenti ! Non, la Corolla elle ne surprend pas… elle est sérieuse, efficace, tolérante et ne surjoue pas. Plus basse, plus raide et bien chaussée, elle est devenue plus incisive mais pas pour autant plus virulente dans ses réactions. Le gazier fait le reste… en bas, y’a pas grand chose. Faut juste le provoquer en envoyant l’aiguille flirter entre 5000 et 7000 trs. Et pendant que le 4A-FE hurle sa race, c’est à ce moment là que les 6 rapports courts et ses 1080 kg entrent en jeu. Ca faisait longtemps que je ne m’étais pas amusé comme cela au volant de mon daily. Comme quoi c’n’était pas si compliqué… juste se retrouver au volant d’une championne du monde !

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