La Maserati Bora, c’est un tournant dans l’histoire de la marque au trident. Née sous le signe du double chevron, elle signe surtout l’arrivée du moteur central arrière du côté de Modène. De quoi en faire une vraie GT, aussi performante que sexy mais aussi une version compet’, encore plus violente et bestiale mais à la carrière beaucoup trop courte…
A la fin des 60’s, en sport auto, Maserati n’a plus rien à prouver. La marque fait partie de l’élite si ce n’est que les programmes sportifs coutent plus cher que ce que les ventes rapportent. C’est une sale habitude chez le constructeur originaire de Bologne qui est régulièrement en proie à des difficultés financières pour voir les acheteurs se succéder. En 68, c’est donc Citroen qui va venir sauver Maserati de la banqueroute avant de lancer le projet Tipo 117 qui deviendra Bora (du nom d’un vent Trieste pour respecter la tradition).
Quand la Maserati Bora pointe le bout de son trident, la marque appartient à Citroen depuis 3 ans. Malgré un impressionnant palmarès en F1, les sportives au trident se trainent une image un peu vieillote. Elles ont beau être belles et performantes, on leur reproche d’user de technologies dépassées voire obsolètes. La Bora va devenir l’occasion de remettre les pendules à l’heure en adoptant un moteur en position centrale arrière et enfin une suspension indépendante. Eh oui, si la marque avait été l’une des premières à utiliser ces solutions sur ses monoplaces, pour ses sportives, c’était une autre histoire. Au point de se faire dépasser par Lamborghini ou De Tomaso. Il était donc temps de réagir.
Au final la Bora est impressionnante et… belle. Cette magnifique GT biplace au dessin signé Giugiaro, repose sur une monocoque en acier sur lequel sont greffés la carrosserie et deux treillis tubulaires, un à l’avant et un autre derrière le cockpit. Tous les deux reçoivent les trains roulants et le moteur est réservé à l’arrière.
L’ensemble est maintenu par une double triangulation avec des suspensions qui font confiance à des combinés amortos / ressorts avec barres antiroulis. Citroen a adopté son innovation hydraulique LHM avec un circuit principal pour l’assistance au freinage et un secondaire qui se charge des phares, de la commande d’embrayage, mais aussi du réglage en hauteur du siège conducteur et de celui du pédalier capable d’avancer ou de reculer via un bouton à proximité du volant.
Au centre, on va retrouver les deux V8 qui équipaient déjà la Ghibli… le 4.7 l dans un premier temps, rejoint en 75 par le 4.9 l proposé en option. Le premier était adepte des hauts régimes quand le deuxième était censé répondre aux strictes normes américaines et gagnait en souplesse et en puissance ce qu’il perdait en hargne dans les tours. Deux salles, deux ambiances ! Même si avec plus de 310 ch dans les deux cas, la Bora était capable de passer la barre des 100 km/h en 6,7 secondes, de poutrer les 400 m 8 secondes plus tard, avant de filer à plus de 260 km/h. Plutôt pas mal pour un bébé d’1T800 ! D’autant plus que le comportement était réellement bluffant d’efficacité.
Le tout, dans un confort étonnant. Chaque treillis « technique » était raccordé à la monocoque par des liaisons avec silents blocks, alors qu’une cloison à double vitrage séparait l’habitacle de la salle des machines parées de moquette épaisse pour absorber les bruits et les vibrations. Moquette qui s’étendait dans le cockpit avec baquets et tableau de bord tendus de cuir. Manos, commandes électriques, volant réglable et inclinable pour faciliter l’accès, en bonne GT, la Bora préférait laisser la priorité au luxe et à l’équipement plutôt qu’au sport pur et dur. Malgré un fiche technique aussi séduisante que ses lignes, la Bora ne s’écoulera qu’à 564 exemplaires avant de voir sa carrière s’interrompre en 78. Oui, entre la SM et ses ambitions démesurées, Citroen fait faillite en 75. Alors qu’elle sera sauvée par Peugeot, c’est De Tomaso qui va récupérer Maserati, abandonner les évolutions de la gamme existante, essayer de sauver les meubles avec la Kyalami (une De Tomaso Longchamp rebadgée) avant de lancer la famille des Biturbo sensée relancer la marque. Mais ceci est une autre histoire…
C’que je n’vous ai pas encore raconté (et c’est surtout pour cela que vous êtes là !), c’est qu’avant de sombrer, Citroen avait donné son accord pour lancer une version course de la Bora. Une façon de montrer qu’elle était bien née et capable, une fois passée en mode véner, d’aller chasser sur les terres de Ferrari ou de Porsche. L’idée va venir de Thepenier, l’importateur français de la marque qui voulait engager la Bora au Tour de France auto et aux 24h du Mans. Deux Bora 4.9 l vont être récupérées, vidées et modifiées pour répondre au règlement du Gr.4. Le V8 à carter sec est légèrement revu avant de voir débarquer une nouvelle batterie de Webers. Mais voilà, Citroen n’a plus les budgets et chez Maserati, on est plus proche du bricolage que de la véritable prépa. Pour ne rien arranger, la FIA refuse l’homologation aux voitures. Même si elles ont été finalisées, le projet est arrêté et les deux Bora Gr.4 ne verront jamais la moindre ligne de départ.
Celle que je vous ai trouvée est une sorte d’hommage. Cette Bora 4.7 l a commencé sa carrière en Belgique en 71 avant de partir pour le Royaume Uni, puis la Suède et enfin traverser l’Atlantique en 2017 pour rejoindre le garage d’un fan de la marque qui manifestement connaissait l’histoire de ces deux Gr.4. En tout cas, elles l’ont inspiré lorsqu’il a offert une restauration à son italienne pour en faire une réplique de ces deux machines.
Esthétiquement elle perd ses pare-chocs et ses pop-up pour des phares fixes sous plexi. Les ailes arrière ont pris du muscle pendant que les vitres arrière latérales et la lunette ont gagné des events. Un robe rouge habille la tôle. Les jantes en 15″ sont passées au Magnesium, puis enrobées de Pirelli P Zero Asimmetrico en 225/50 et 345/35. Le freinage d’origine et son assistance hydraulique spécifique ont été remplacé par un système plus conventionnel et efficace. Tout comme les combinés qui ont été réalisés sur mesure pour rendre le comportement plus incisif. L’habitacle n’a pas bougé… si ce n’est que la sellerie, la moquette et le faisceau sont maintenant neufs.
De son côté, le V8 4.7 l a reçu une bonne cure de jouvence. Pistons forgés Ross Racing, segments Total Seal, bielles Auto Verdi Racing, soupapes plus grosses et ressorts plus rigides, allumage électronique MSD, collecteur d’admission et quatre carbus Weber 48, ligne libérée en inox des collecteurs aux silencieux qui ressortent de chaque côtés de la jupe arrière. Pour le proprio, ce sont maintenant plus de 350 ch qui filent aux roues arrière via une boite ZF 5 rapports manuels associée à un différentiel autobloqu’.
Au final, cette Maserati Bora est devenue bestiale. Fallait oser s’en prendre à elle, mais l’idée de la passer en Gr.4 replica était plutôt bien vue. De quoi la rendre plus méchante et performante tout en trouvant un légitimité à cette resto qui cache finalement une magnifique prépa. Une belle trouvaille… (ouais, de la pure autosatisfaction… c’est cadeau !).
© Raffi via BaT
Ou quand un « particulier », fini le travail abandonné par l’usine, 45 ans après!!!
Bel article sur une auto peu connue (il est vrai qu’avec si peu d’exemplaires…). Le V8 Masérati, toujours un enchantement et j’ai eu le plaisir d’être passager dans les années 80,d’une Bora pilotée par Jacques Zuliani, spécialiste des grandes marques italienne.