Pininfarina Coupé Speciale 33/2… Ferrari a dit non !
par Thierry Houzé | 28 avril 2024 | Street |
Quand un designer imagine puis dévoile un concept car, il essaie d’attirer l’attention du public mais surtout celle d’un constructeur qui pourrait être intéressé pour s’en inspirer, en faire un modèle et le rajouter à son catalogue. C’est le cas de ce Coupé Speciale 33/2 signé par Pininfarina et qui devait s’appeler Ferrari… mais Enzo en a voulu autrement !
Ferrari 250 P5 Berlinetta Speciale
Nous sommes au salon de Genève en mars 68. Alors que Simca y dévoile sa 1000, que la R16 TS se la joue berline dynamique et que Toyota affiche sa 2000GT, Pininfarina tente le drop avec un concept Ferrari 250 P5 Berlinetta Speciale. L’objectif est de taper dans l’oeil du Commendatore afin qu’il lance une sportive inspirée de cette étude de style qui embarque un V12 en position centrale arrière (pour aller affronter la Miura).
Un suppositoire !
Mais voilà, quand Enzo Ferrari va apercevoir cet engin, il va demander des explications sur ce truc avec une gueule de suppositoire ! Bon, il ne l’a pas dit comme ça, mais en gros, ça voulait dire ça. Heureusement que Giovanni-Battista Farina (surnommé Pinin) et Enzo étaient amis… le designer venait de dessiner la sculpturale Ferrari Daytona et 5 ans plus tard, leur collaboration allait donner naissance à la Berlinetta Boxer. L’affront était lavé, même s’il n’empêche que sur ce coup, le vieil Enzo avait presque tiré à balles réelles…! Quoiqu’il en soit, Pininfarina allait remballer son concept… pour en faire autre chose.
Hommage aux Ferrari P raté…
Cette autre chose, elle défile sous vos yeux… et on s’dit que Ferrari aurait peut être du prendre quelques jours de réflexion en plus. Il faut savoir que les Ferrari P (qui courraient en catégorie des Prototypes) font partie des plus belles voitures de course des 60’s. Maranello leur a d’ailleurs rendu hommage en 2006 avec la superbe P4/5 assemblée pour James Glickenhaus et plus récemment avec les SP. Mais ceci est une autre histoire…
Coupé Speciale 33/2
Pour en revenir à Pininfarina, le concept Ferrari P5 Berlinetta Speciale va évoluer… et devenir Coupé Speciale 33/2. Si Ferrari n’en veut pas, peut être que du côté d’Alfa… du coup, le carrossier emprunte un châssis d’Alfa 33 Stradale et revoit sa copie pour façonner la sculpture qui défile sous vos yeux et va être dévoilée lors du salon de Paris en 69.
Des coubes féminines !
Alors que l’approche des 70’s signait l’entrée des lignes acérées et tracées à la tronçonneuse, Pininfarina va prendre la tendance à contre pied. La carrosserie full alu affiche des courbes voluptueuses, presque féminines. Rien n’est exagéré… tout est cohérent aussi bien dans l’ensemble que dans les détails. Le cockpit s’inspire des verrières des avions de chasse. Portes papillon, sellerie tartan, phares pop-up… les signes distinctifs sont omniprésents. Du Pininfarina en très grande forme.
Une Alfa 33 Stradale rhabillée
Les trains roulants et le moteurs sont ceux de la 33 Stradale. C’est donc du sérieux. Châssis tubulaire avec trains roulants à double triangulation, freins à disque et ce V8 2.0 l quatre arbres et 16 soupapes, à double allumage, carter sec et gavé par une injection Spica pour y tirer 230 ch à 8800 trs. 115 ch / l à la fin des 60’s, ça rigolait pas ! D’autant plus qu’avec seulement 720 kg sur la balance, la Coupé Speciale 33/2 est une vraie sportive qu’on peut cravacher et capable de vous mener à 260.
Pas de voitures… pas de voitures !
Malheureusement, la 33 Stradale coutait cher à produire. Cher à produire, cher à vendre. Cher à vendre, pas de ventes. Pas de ventes, pas de voitures. Et pas de voitures… pas de voitures ! Enfin seulement 18 Alfa 33 Stradale, comprenez qu’Alfa ne cherchera pas à s’prendre une deuxième couche avec la Coupé Speciale 33/2.
Enzo a eu tout faux ?!
Du coup, concept tu es, concept tu resteras. Magique… mais unique. Dire qu’il est né avec le cheval cabré sur ses ailes… et que le Commendatore a vu à travers lui un suppo ! Comme quoi, l’erreur est humaine… même quand tu t’appelles Ferrari.
En 1968, pas de Simca 1000, qui existe depuis 1961, mais la 1100, première traction avant de la marque.