Salon de Genève, mars 93… Alors que les berlines haut de gamme font preuve d’un classicisme aussi technologique que chiant, Bugatti lance un gros pavé dans la marre ! Une berline qui affiche et assume ses prétentions derrière une fiche technique encore inédite pour la catégorie accompagnée d’une ligne baroque qui va faire parler… La Bugatti EB112 venait de débarquer et Père Motor va vous en causer !

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En 1986, Romano Artioli, un riche homme d’affaire italien, fait renaitre Bugatti… le 15 septembre 1991, jour où Ettore Bugatti aurait fêté son 110ème anniversaire, l’EB110 est dévoilée avec son V12 Quadriturbo et ses 550 ch. La supercar fait son effet, et malgré un développement qui aura vidé les caisses, Artioli veut maintenant qu’une berline porte la calandre Bugatti… et au salon de Genève 1993, les flashs crépitent devant le concept Bugatti EB112.

La ligne est signée Giugiaro et offre un style pas forcément fin, mais largement classieux et baroque… En tout cas, si vous la mettez à côté des berlines premium de l’époque, Rolls Silver Spirit, BMW Série 7, Audi V8, Mercedes Classe S ou Jaguar XJ40, il faut reconnaitre que la Bugatti fracasse les codes de la catégories. Alors que la sobriété des lignes cherche à camoufler les gabarits XXL, la Bugatti ne cache rien, au contraire, elle en rajoute pour qu’on ne remarque qu’elle, d’autant plus avec un profil 2 volumes qui rompt avec le classicisme habituel !

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Pare choc largement aéré, nez en pointe avec la calandre intégrée, feux profilés, ailes galbées, cul bombé, lunette arrière de type Split Window comme sur l’Atlantic, avec cette nervure qui court sur toute la longueur, robe bordeaux métal, jantes pleines en alu poli et habitacle qui se vautre dans le luxe et le cuir pleine fleur. Et pour ne rien gâcher, une V12 atmo sous le capot (Celui de l’EB110, débarrassé de ses turbos).

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La force de l’EB112, c’est qu’elle ne laisse personne indifférent… On aime, ou pas. Elle sera jugée caricaturale, exubérante, splendide, vulgaire, magnifique… bref, chacun y trouvera quelque chose à dire, et c’est finalement bien là l’essentiel. Surtout qu’au salon de Francfort, Bugatti présente sa première version roulante, qui permet également d’admirer l’habitacle qui offre un luxe qui n’a rien à envier aux meilleures productions mondiales, avec la final touch’, une ligne de bagages spécifiques, spécialement adaptés aux dimensions du coffre. L’EB112 fait encore parler d’elle…

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Et même au delà de son apparence puisque sous son capot, le V12 de 6.0 l à respiration naturelle et avec sa culasse à 5 soupapes par cylindre, balance 460 ch sur les 4 roues motrices à travers une boite 6 manuelle. Le bestiaux accuse « seulement » 1T800, un prouesse quand on voit le niveau de finition et le gabarit qui revendique quand même 5m10 x 2m. Et encore, elle embarque un châssis carbone et une carrosserie en alu. Mais une fois énervée, la Bugatti 4 portes passe le 0 à 100 en 4,4 secondes avant de filer à 300 km/h.

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Devant le succès rencontré, Artioli décide d’accélérer les choses afin de pouvoir commencer la production de l’EB112 à partir de 1996. Il se dit même que la berline pourrait sauver Bugatti d’un situation financière qui s’avère de plus en plus critique.

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Début 95, la situation s’aggrave… Artioli perd Suzuki dont il était l’importateur officiel en Italie. Mais la marque japonaise décide d’y reprendre en main son réseau et sa distribution. Ajoutez à cela le fait que les sous traitant de Bugatti se retrouvent dans un situation délicate. En effet, Ferrari leur met la pression et les menace de stopper toute collaboration s’ils privilégient Bugatti par rapport à lui. Mais emporté par sa fougue et ses espoirs, Romano motive ses ingénieurs pour qu’ils continuent la mise au point de son EB112… il leur demande même de mettre en chantier deux nouveau prototypes afin d’accélérer son développement.

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Mais le 23 septembre 95, l’aventure s’arrête… Les dettes sont trop lourdes, les fournisseurs n’en peuvent plus et Bugatti est placée en cessation de paiement. La vente de Lotus à Proton n’y changera rien (Lotus appartenait également à la holding propriétaire de Bugatti). En janvier 96, la liquidation est prononcée et le 4 avril 97, les actifs de Bugatti sont alors vendus aux enchères. 

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Parmi eux, on compte des châssis, des caisses et des moteurs d’EB110 qui feront le bonheur de Dauer. Pendant ce temps, deux EB110 qui attendaient leur homologation pour les States et les trois protos de l’EB112 sont rachetés par Gildo Pastor, fils d’une richissime famille monégasque et futur racheteur de Venturi. Son objectif est simple, faire reprendre les 3 protos par ls ingénieurs de sa structure compétition Monaco Racing Team afin de les terminer et d’en faire deux voitures 100% aboutis, utilisables, fiables et homologuées.

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L’équipe se met au boulot… Le premier modèle conservera sa robe bordeaux d’origine. Le second deviendra noir. Gildo va alors en faire ses voitures personnelles, et il arpentera les routes de Monaco et de la côte d’Azur au volant de ces Bugatti. En 2000, il cède aux avances d’un milliardaire russe qui le harcèle pour lui racheter le modèle bordeaux… il conservera la noire qu’il utilisera occasionnellement jusqu’en 2015, où il finira par la vendre à un riche spéculateur puisqu’il n’hésitera pas à la faire passer sous le marteau de Maitre Poulain lors d’une vente Artcurial dès l’année suivante.

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Voilà, vous pourrez vous la péter un peu dimanche à table face au beauf qui croit toujours tout savoir, et qui vous explique que sa 520d est une sportive ! Vous pourrez lui claquer le bec avec une belle histoire de Père Motor… bah vous savez, quand on peut aider !

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