Quand on se cherche une base pour du sport auto, c’est pas forcément à une anglaise qu’on va penser en premier. Et pourtant, nos voisins d’outre manche ont su démontrer leur qualité pour dévergonder une caisse. Tenez, prenez l’Aston Martin V8 que je vous ai trouvée. Virez lui son cuir et sa ronce de noyer, boostez son V8 et donnez lui le look d’une psychopathe, vous risquez d’être surpris et de comprendre pourquoi son petit surnom c’est « Le Monstre »…

 

'72 Aston Martin V8 : Le Monstre 1

 

Des vaches, des moutons et des arbres ! 

Le problème des anglaises, c’est qu’elles misent tout sur le luxe. Impensable de ne pas s’afficher en cuir, en moquette et on ronce de noyer. Ok pour le sport, mais le look c’est tout aussi important. A croire que les anglaises se tapent des marathons en haute couture et talons aiguilles ! Bentley, Lagonda, Jaguar, Aston Martin, toutes revendiquaient un ADN sportif sans pour autant sacrifier confort et luxe. Même les Lotus pourtant fidèles au régime sans sel, s’affichaient en tenue de gala dès qu’elles le pouvaient. Cela n’enlevait pas leur potentiel. A tel point que les anglaises allaient truster les victoires aux 24h du Mans jusqu’à la fin des 50’s mais aussi voir la Type E et l’Aston DB4 GT vont s’imposer parmi les références des routières dynamiques au début des 60’s.

 

Place aux roadsters

C’est d’ailleurs à cette époque que les constructeurs anglais allaient définitivement basculer dans le fast et l’ostentatoire. Si on fait abstraction de Lotus qui est restée le cul entre deux chaises à hésiter entre luxe et sport radical, on remarque que les sportives ont évolué pour se la jouer roadsters. Plus compactes, plus simples, plus légers, ils ont commencé à arborer les nom de MG, Triumph, Austin Healey, AC, Morgan… et sont venus ringardiser les ex-références qui, pendant qu’elles tentaient d’en afficher toujours plus, sacrifiaient leur ADN sportif sur l’autel de l’opulence. Pourtant, pour la plupart, il suffisait de les vider, de les renforcer et de libérer leurs gaziers pour retrouver des bestioles capables d’aller taquiner et provoquer les italiennes et les allemandes les plus affutées.

 

RHAM/1

Au début des 70’s, deux ingénieurs de chez Rolls Royce décident de se lancer dans leur propre aventure en ouvrant Hamilton Motors. Robin Hamilton et David Jack, persuadés par le potentiel du V8 du gros coupé anglais. N’oubliez pas qu’à l’époque, la marque se passe d’annoncer une quelconque puissance, se contentant de dire qu’il y en a assez ! Cela ne l’empêchait pas de s’afficher comme l’une des GT les plus rapides du monde… et avec 4 places s’il vous plait. Quoiqu’il en soit les deux hommes vont développer une Aston Martin V8 dans le but de l’aligner aux 24h du Mans. L’Aston Martin RHAM/1 voit le jour. De 74 à 77, ils ne vont cesser de la faire évoluer, en la rendant de plus en plus impressionnante. A tel point qu’en 77, la marque met la main à la poche pour sponsoriser le projet de manière officieuse puisqu’elle s’apprête à faire son entrée aux 24h du Mans, homologuée en GTP. Logiquement, elle aurait dû l’être en Gr.5, mais son aéro ne la rendait pas compétitive face aux monstres de la catégorie. Une course qui se terminera par une 17ème place au général et une 3ème place en GTP.

 

Record du monde de vitesse… avec une caravane !

Après une élimination au Mans en 78 pour non conformité et un abandon en 79, l’Aston fera parler d’elle une dernière fois en 1980 en remportant le record du monde de vitesse avec une caravane avec 200,96 km/h de moyenne avec une pointe à plus de 244… puis elle est vendue alors que Hamilton Motors se lance dans un nouveau projet avec un Gr.C. Mais ceci est une autre histoire.

 

Aston Engineering

Si ce n’est que David Jack quitte Hamilton, et ouvre Aston Engineering en 83, avec la ferme intention de reprendre le projet de l’Aston Martin V8. Il est rapidement rejoint par Mike Cousins qui venait d’entamer une saison en course auto au volant d’une Aston Martin V8 de 72. Elle est encore loin d’afficher le look et la puissance du montre qu’elle va devenir. Mais les deux hommes sont convaincus qu’avec un peu de taff, elle est capable de jouer les troubles fêtes. Le gros coupé va passer en mode radical. L’habitacle est vidé afin de recevoir un arceau cage. La direction assistée est virée et remplacée par un crémaillère plus directe mais sans assistance. De la fibre se charge de tous les ouvrants histoire de gagner du poids. Au niveau du V8, les carbus Weber sont réalésés à 50 mm, les culasses reçoivent de nouveaux arbres à cames ainsi que de nouvelles soupapes, l’échappement est entièrement réalisé sur mesure et David Jack annonce une puissance de 470 ch… soit à peu près 100 de plus que les meilleures italiennes. Lors de sa première course dans cette config’ sur le circuit de Silverstone, Mike Cousins va s’offrir une belle 5ème place quand l’année précédente, il avait dû se contenter de la 14ème.

 

Le Monstre

Mais ça ne convient toujours pas à David Jack. Le V8  va se retrouver avec des culasses et de nouveaux pistons signés Cosworth. Il emprunte ensuite une pipe d’admission et un carter sec à une Lola T70 victorieuse du Mans en 67. Le bloc passe la barre des 500 ch. Il regagne son emplacement, si ce n’est qu’il va être reculé de 300 mm et abaissé de 80 mm afin recentrer et de rabaisser le centre de gravité. Jack réussit à gratter encore un peu poids. La suspension est entièrement revue et maintenant réglable. Aux quatre coins, derrière un freinage laissé d’origine (!), des Gotti se chargent de remplir les larges ailes sachant que les gommes arrière affichent du 330 de large. C’est à ce moment là qu’un kit en fibre va venir habiller l’Aston. Extensions d’ailes, bas de caisse, lèvre avant et aileron de type NASCAR et gros bossage sur le capot… de quoi l’appeler « Le Monstre ».

 

Objectif rempli avant une retraite bien méritée !

En 86, Mike Cousins va remporter le trophée ASCAR britannique. L’année suivante, avec un freinage AP Racing est de nouveaux trains roulants, elle remporte une 2nde fois le titre face à une armada de Porsche enragées. En 88, le V8 passe à l’injection Lucas et reçoit de nouvelles culasses. Il flirte avec 600 ch et affiche seulement 1130 kg. Mais malgré quelques victoires, elle ne rééditera pas son exploit une 3ème fois. A la fin de la saison elle a rejoint la collection de Peter Möller, dont elle sort de temps en temps pour des shows et démonstrations sur les différents circuits britanniques.

 

 

© Classic Driver via Alen Haseta