“Driving a Porsche make sense”. C’est sur ces mots que Stirling Moss s’engagea sur le hill de Goodwood en 2011 au volant de sa propre Porsche 718 RS de 1961, qui allait être vendue aux enchères quelques années plus tard. Focus sur la dernière de ses voitures, et surement sa favorite !
Au commencement il y avait la Porsche 356, l’un des plus beaux roadsters du 20e siècle. Elle servit de base pour le développement de la 550 qui, des dires d’un certain James D. de Marion dans l’Indiana, était mortelle sur route ! La Porsche 718 n’est ni plus ni moins que la descendante de cette 550. Mais pour aller de 550 à 718, il a fallu concevoir un nouveau châssis tubulaire pour y adapter la nouvelle carrosserie affinée et abaissée, améliorer le freinage grâce à des freins à disque, rajouter des prises d’air latérales pour améliorer le refroidissement du moteur, dont la puissance à été augmentée.. La 718 reçoit donc le moteur Flat 4 refroidi par air de 1498cc, celui de sa devancière, mis à part que sa puissance sera portée à 150 ch contre 110 pour le roadster 550. Ce moteur prendra du grade en 1960 et grimpera à 1.6L afin de développer 160 ch pour coller au nouveau règlement FIA. Tout ça dans une coquille de noix de 570 kg ! On lui donnera l’appellation RS pour “Rennsport” (littéralement sport de course en Allemand), puis RSK de par la forme des tubulures de suspension avant qui formaient la lettre K. D’ailleurs ce montage n’a pas perduré sur la version finale de la 718, mais l’appellation a été conservée.
L’une des grandes forces de la Porsche 718 est sa polyvalence. Elle pouvait être vendue en monoplace ou avec un volant décalé, en carrosserie intégrale ou en spyder, un vrai couteau Suisse ! Stirling avait qualifié cette auto de “Driver Friendly”, car elle était agile, maniable et nerveuse.
L’écurie Porsche KG aligne pour la première fois une 718 RSK au 24H du Mans en 1957 avec à son volant Umberto Maglioli et Edgar Barth, tout en conservant, en parallèle, deux équipages sur des 550. Mauvaise année pour la marque Allemande puisque les trois équipages ont été contraints à l’abandon. La seule Porsche qui finit la course cette année-là fut celle d’un team privé, la 550A RS de Ed Hugus, qui termina huitième au classement général, pour empocher au passage, la victoire de sa catégorie. Mais qu’importe, on n’attend pas d’une nouvelle auto qu’elle remporte sa première course officielle !
En 1958, la 718 remit tout le monde à l’heure. Elle remporta le championnat d’Europe de la montagne, les troisième et quatrième place aux 24h du Mans au général et première place dans deux catégories différentes, puis diverses victoires de rang avec Jean Behra à son volant.
A partir de 1959, elle commence à s’exporter hors du vieux continent, et les victoires s’enchaînent. Daytona, championnat SCCA, Targa Florio, Sebring… Rien ne peut l’arrêter ! Rien si ce n’est Ferrari, Maserati ou Aston Martin… En attendant, de grands noms du sport automobile se sont succédés à son volant comme Graham Hill, Jean Behra ou encore Dan Gurney. Finalement née pour la route, tous les modèles auront été coursifiés avec talent pour truster les podiums à travers le monde. La Porsche 718 n’a pas réellement eu de descendance. Puisqu’à partir de 1961 la 718 devint une pure monoplace et n’a alors plus rien à voir avec un modèle de série.
Stirling Moss disait à propos de la Porsche je cite : “Ce sont juste de super voitures, magnifiquement équilibrées et simplement faites pour des courses comme la superbe Targa Florio et ses 440 miles de route de montagne Siciliennes ». Il s’était d’ailleurs levé ce matin du 8 mai en se disant : « Pour la course d’aujourd’hui, tu as la voiture idéale !”. Le moteur 1.7L avait même été remplacé par un 2.0L afin d’assurer l’endurance et répondre aux exigeantes diffiultés des routes siciliennes. Et le reste de la journée allait lui donner raison, enfin presque. Parmi les écuries officielles cette année-là, il y avait évidemment Porsche KG, Osca, mais surtout Ferrari. Et bien que les trois équipages de la firme Italienne étaient engagés dans la catégorie supérieure, ils étaient les seuls à pouvoir rivaliser avec Porsche. Moss partit sur le premier relais et colla 90 secondes dans la vue des Féfé. Lorsqu’il remit le volant à Graham Hill, encore peu expérimenté, celui-ci fit de son mieux mais ne parvint pas à contrer le retour de Von Trips et Gendebien sur la 246SP. Les italiennes reprirent la tête. Lors du dernier relais, Moss mit les bouchées doubles et parti le couteau entre les dents pour récupérer la première place alors que la Ferrari avait déjà presque deux minutes d’avance.
Moss fait le job. Il rattrape l’italienne, la double et lui colle ne minute dans la vue ! Il ne lui restait plus qu’à assurer la victoire… Mais le sort allait en décider autrement quand le différentiel de la Porsche décida d’exploser dans le dernier tour, à seulement 8 kilomètres de l’arrivée, laissant la victoire à la Ferrari de Wolfgang Von Trips et Olivier Gendebien. Les 2e et 3e place revinrent aux deux autres Porsche 718 RS 61 de Jo Bonnier et Dan Gurney suivis d’Hans Hermann et Edgar Barth. A propos de cette course, il dit que “Nous avons depuis été décrits comme les gagnants moraux de cette course, ce qui est regrettable, car la première place morale ne fait pas gagner le prize money de la première place”. Il n’avait certes pas gagné la course, mais il gardait un souvenir impérissable de la voiture. Souvenir qui allait se rappeler à lui bien des années plus tard.
En 2010, Stirling Moss est malheureusement victime d’un accident. Il chuta de l’ascenseur de sa maison de Mayfair et subit de graves blessures aux membres inférieurs. A ce moment-là il avait déjà repéré une Porsche 718 RS 61 châssis n°070 d’une vente aux enchère de la maison Bonhams.
Mais alors qu’il est toujours convalescent dans un hôpital de Londres, Moss ne pensait qu’à une chose : Remporter la vente de celle qu’il appelait déjà “sa” Porsche. Il engagea une personne de confiance pour aller enchérir pour lui, et remporta le bébé pour la modique somme de 1.7 millions de dollars. Moss avoua plus tard qu’il aurait certainement payé encore plus cher pour l’avoir ! Nul ne sait si cela l’a aidé à se rétablir plus rapidement, d’aucuns aiment à penser que oui ! Car l’échéance de Monterey Historics de Laguna Seca arrivait à grands pas, et il était impossible que l’Anglais n’y participe pas. D’autant que sa 718 avait été préparée spécialement pour l’événement par VRM aux U.S.A. Malheureusement, suite à un problème mécanique, il fut victime d’une collision sans gravité avec une Lotus. Enfin sans gravité pas tant que ça, car son moral en prit un sacré coup. D’une part sa 718 était accidentée à sa première sortie, et d’autre part l’accident révéla qu’elle avait été restaurée à la va-vite avant la vente Bonhams. Avec, entre autres joyeusetés, de la choucroute un peu partout, problème de châssis, de suspensions, etc…
Après cette mésaventure, la Porsche fut restaurée dans les règles de l’art en Angleterre. Juste à temps pour Le Mans Legend de 2011. Mais lors de cette course, Moss prit conscience du poids de ses 81 ans sur son mental de pilote, tout chevronné soit-il. C’est là qu’il annonça qu’il mettait fin à sa carrière de pilote automobile. Malgré le nombre incalculable de voitures que Moss à conduit, la Porsche 718 RS 61 est et restera sa dernière caisse mais aussi sa préférée…
<histoire poignante qui confirme la mentalité du "bonhomme". Elle confirme aussi je ce que je pense des maisons de vente aux enchères…