Mais avant tout, je me dois de commencer cet article en remerciant Stéphane de VDR84, adepte du culte à la déesse « Delta HF Integrale », car, c’est lors de l’essai de sa sympathique Verde York qu’il m’a remémoré cette rare version de revue et corrigée par Zagato. Séquence souvenirs…
Avant de parler de la Hyena, essayons, brièvement, d’aborder le styliste Zagato. Ugo de son prénom, débute dans l’aéronautique au cours de la première guerre mondiale. En 1919 il fonde son officine et décide de mettre ses connaissances au services du design et de la technologie automobile. Son style est donc bien personnel, ses voitures seront avant gardistes et légères. 10 ans plus tard, il gagne son ticket d’entrée dans le cercle fermé des « maîtres » du design, grâce à ses réalisations pour Alfa Romeo, la 6C 1500 de 1929, la 1750 de 1932 ainsi que la 8C 2300.
Après la seconde guerre mondiale, Zagato étudie son propre modèle, la Panoramica, qui, 50 ans avant la mode, propose une voiture avec une partie du toit vitrée. Autre spécificité du designer la fameuse « doppia bolla », ou le toit à double bulle qui reste, aujourd’hui encore, le signe distinctif des productions Zagato. Parmi les créations de l’officine, on compte les Alfa Romeo Giulietta SVZ, puis SZ, la Lancia Flaminia Sport, l’Aston Martin DB4 GT « Z », l’Osca 1600 GT, la magnifique Alfa Giulia TZ de 63, la 2600 Sprint Z, la Lancia Fulvia Sport Z de 66, l’Alfa GT Junior Z en 1300 puis 1600, la Beta Spider, les Aston Martin Vantage en 87, suivi des Alfa SZ et RZ fin 80, début 90.
Depuis le début des années 2000 Zagato est revenu en force, notamment grâce à Aston Martin qui compte 4 créations, la DB7 Z, le concept AR1, la Vanquish Roadster et il y a peu la V12 Vantage Z. On reste chez les anglais avec la Bentley GTZ, un petit crochet en Hollande avec la Spyker C12 Z, passage par la Bavière et la BMW Z coupé, puis retour en Italie avec la Lancia Ypsilon Sport Z, la Fiat 500 coupé Z et l’Alfa TZ3 Stradale Z …
Je précise que Zagato n’a absolument rien à voir avec la série des DBZ… (Elle est con, mais elle me fait rire !). Voilà, ça c’était brièvement… Passons donc dorénavant à notre invitée du jour… La Hyena. Elle voit le jour la même année de l’Alfa RZ, en 1992. Peut être pour cela qu’elle est passée autant inaperçue, la presse n’ayant d’yeux que pour le spectaculaire roadster. Et pourtant, la Hyena était très loin d’être dénuée d’intérêts, bien au contraire. C’est sûr que vous n’en croiserez peut être pas de toute une vie, puisque seulement 25 ont vu le jour. Et si vous ôtez celles qui sommeillent sagement sur la moquette d’un musée, et celles que les collectionneurs gardent secrètement au fin fond d’un garage, il doit pas y en avoir beaucoup qui usent leurs pneus !
L’initiative est venue du concessionnaire et restaurateur de la marque, basé en Hollande, Paul Koot, connu et reconnu dans le monde fermé des Lancia. La belle est donc née sous la plume de Marco Pedracini, designer pour la maison Zagato. Les feux rappellent l’Alfa SZ mais la ligne générale est nettement inspirée par la Lancia Fulvia Sport déjà signée Zagato au début des années 70.
500 modèles furent planifiés, puis 75, mais lâchés par Fiat, et encore plus par Lancia qui refuse de vendre les châssis, Paul Koot et Zagato ne purent assumer les coûts engendrés. Les châssis sont alors achetés neufs par la concession hollandaise, désossés, la carrosserie en composite faite en Italie, puis réexpédiée en Hollande… Un gros bordel lourd financièrement pour les deux acteurs. Lancia accepte cependant que la marque soit laissée sur les modèles, mais, un prix de vente supérieur à celui d’une 911 Carrera 4, remettra le projet dans les cartons.
Et pourtant, la Hyena était bien née. Plus légère que la génitrice Delta HF Integrale, elle pesait 1150 kg grâce à un usage massif de carbone et d’aluminium. Niveau mécanique, le 4 cylindres reçoit une cure qui lui permet de sortir 250 ch (ou 280 avec l’option « stage 2 »). Les perfs sont à l’avenant avec les 100 km/h atteint en seulement 5,4 secondes et 230 km/h à fond de 5 !
Pour résumer, on se retrouvait avec un coupé qui a de la gueule, basé sur la Delta HF Integrale Evo, mêlant technologie et exclusivité, mais sans oublier les perfs et l’efficacité qu’offrait l’ensemble châssis – moteur déjà démoniaque sur la Delta. Le tout désavoué sur l’autel de la rentabilité et des volumes de production.
La conclusion d’une histoire comme celle de la Hyena, elle est flagrante aujourd’hui… Les constructeurs ont oublié ce que jadis, on appelait « l’image de marque ». Fiat développe une gamme qui tourne autour de la 500… Comme quoi le passé… Et Lancia n’est devenu qu’un blason qui orne les calandres des Chrysler ! Lancia… une telle marque, avec un tel passé sportif, qui refera le coup de la Hyena 20 ans plus tard avec une nouvelle Stratos magnifique mais qui restera, elle aussi dans les cartons ! Peut être le reflet de notre société actuelle…
Ce qui reste sur, c’est qu’au milieu de tous ces designers italiens, Zagato, qu’on aime son style, ou pas, peut s’enorgueillir justement d’avoir un coup de crayon bien personnel. Autant Bertone, Pininfarina, font du beau, mais une Zagato elle se reconnait au premier coup d’oeil, et elles ont du caractère. La Hyena en est une parfaite illustration. CQFD !
© photos : RM Auctions