Facel Vega… vas y mon gars, lance toi ! Tu l’as voulu, va falloir que tu t’en sortes maintenant. Des historiens de la mécanique ont écrit des encyclopédies complètes sur la marque française, et moi, j’dois vous la planter là, comme ça, sans filet. Genre c’est moi qui ai perdu à la courte paille ! Il n’empêche que la Facel Vega FV4 Typhoon, c’est une put*** de caisse !
J’en ai vu une pas plus tard que le week-end dernier, trônant fièrement sur un stand à Epoqu’Auto… presque cachée, trop discrète par rapport à la prestance de l’engin. Une classe inimitable, aussi bien dehors que dedans… symbole d’une époque où la France pouvait représenter l’excellence sur la route, sans craindre les anglaises ou les allemandes.
La société Facel voit le jour 3 mois après la déclaration de guerre en décembre 1939. A l’époque, il s’agit d’une filiale de Bronzavia, spécialisée dans l’aéronautique militaire et dont le directeur technique est un certain Jean Daninos. En 45, la paix est de retour, et Daninos prend la direction de Facel qu’il fusionne avec la société Métallon. Il s’oriente alors vers la construction de carrosseries, qu’elles soient de série ou sur-mesure. Il travaille pour Simca, Ford, Panhard, Delahaye mais aussi pour Bentley pour qui il va réaliser 12 Cresta en collaboration avec Pininfarina. En 1951, il réalise en partenariat avec le constructeur anglais, la seule et unique Bentley Cresta II qu’il réservera à son usage personnel. Tant qu’à faire…
Bon, vous comprenez que notre homme a du talent, un bon carnet d’adresse et s’est fait un joli nom dans le milieu. Surtout que les réalisations de Facel Métallon impressionnent par leur qualité. Du coup, en 1952, Jean Daninos se dit qu’il est temps de montrer définitivement l’étendu de ses capacités. Il lève une équipe à qui il confie le développement d’un prototype, un luxueux coupé 2+2. Souhaitant un moteur noble et puissant, il se tourne vers les Etats Unis (Oui, déjà à l’époque on avait peur de faire de gros blocs en France !) et va frapper à la porte de Chrysler qui accepte de lui confier un V8. Après 130.000 km d’essais, le partenariat est validé.
L’année suivante, Daninos sépare Métallon de Facel. C’est cette dernière qui va être en charge de la mise en production de la voiture qui va s’appeler Vega, un nom suggéré par Pierre Daninos, le frère de Jean. Vega est l’étoile la plus brillante de la constellation de la Lyre, symbole du luxe, du prestige et de la puissance.
Le 22 juillet 1954, un 1er prototype est présenté aux représentants du gouvernement sous la marque Véga « construite par Facel ». Une semaine plus tard, c’est la presse internationale qui est conviée. Enfin en octobre, elle trône fièrement sous les projecteurs du salon de l’auto de Paris. L’accueil est unanime, et dès l’année suivante, l’histoire de celle qui est devenue Facel Vega est en route…
Les modèles vont se succéder… les coupés FVS de 1 à 4 jusqu’en 58, remplacés par la HK500 puis par la Facel II. En parallèle la berline Excellence entre en scène. A partir de 1959 et dans le but de développer les ventes, Jean Daninos lance une gamme de voitures plus petites, les Facellia, Facel III et Facel 6 se succèderont.
Les voitures sont somptueuses, aussi bien dans les formes que dans leur technologie. Freins à disques, portes antagonistes sur l’Excellence, boites 4 rapports synchronisés, châssis rigide, centre de gravité abaissé, roues à suspensions indépendantes, rien n’est trop beau pour les élever au firmament de la route ! Surtout que les habitacles sont des écrins tendus de cuir, de moquette épaisse, de chrome… le tout faisant face à un tableau de bord en acier sur lequel est peint un trompe l’oeil sous forme de ronce de noyer !
Les Facel Vega deviennent les voitures des stars, des chanteurs, des acteurs, des hommes d’affaire… Ava Gardner, Dean Martin, Albert Camus, Jean Marais, Ringo Starr, Robert Wagner, Frank Sinatra, Pablo Picasso, Fred Astaire, Stirling Moss, le roi Hassan II… C’est la voiture des people et de la jet set de la fin des 50’s et début des 60’s ! De quoi rendre jaloux Rolls et Bentley.
Mais bien entendu, l’histoire est trop belle ! N’oubliez pas que ous sommes en France, le pays où on critique la réussite et où on aime les loosers. Surtout que l’arrivée de la Facellia va s’avérer être un succès… qui va tuer la marque ! Lancée trop tôt, la voiture souffre d’un manque de développement et de fiabilité. Les voitures se vendent, mais les moteurs cassent les uns après les autres. Daninos réagit aussitôt, les échanges standards sous garantie se succèdent et la copie est rapidement revue avec l’arrivée de la Facellia F2 en 61. Mais le mal est fait et les soucis de la Facellia ont ruiné la réputation de la marque mais aussi vidé les caisses, à tel point qu’en 1962 et malgré une aide de l’état d’1 milliard d’anciens francs, l’entreprise est placée en liquidation, même si le tribunal de commerce autorise Facel à continuer son exploitation.
Ainsi la Facel II et son V8 6.3l entrent en scène. Aujourd’hui encore elle est considérée comme l’une des plus belles voitures françaises. En 1963, toujours en difficulté, la marque est confiée à la Sferma, une filiale de Sud-Aviation. Malgré un succès retrouvé, Facel Vega n’arrive pas à combler les pertes trop importantes et c’est l’état à travers le ministère des finances et celui de l’industrie, qui décide alors de tout arrêter. Le 31 octobre 1964, après 10 ans d’activité et 3000 voitures construites, Facel Vega ferme définitivement ses portes !
Le coupé FV4 qui m’a permis d’illustrer cet article, a été produit en 57 et 58 pour le marché américain. Il reçoit un V8 de 354ci (5.8l) de 340 ch qui sera ensuite remplacé par un 392ci (6.4l) fort de 375 ch. La marque en assemblera 36 puis 30. Et je suis à chaque fois scotché par la classe de ces lignes, tout comme l’atmosphère qui se dégage des habitacles. En pleine mode vintage, où les marques luxueuses ressortent du passé, on se demande ce qu’attend un groupe d’investisseurs pour redonner vie à Facel. En 10 ans seulement, cette marque française s’est forgée une notoriété mondiale et quasiment immortelle… qui ne demande qu’à renaitre !
© Mecum
Pour la renaissance de Facel Vega, la dernière tentative avortée devrait malheureusement en refroidir plus d’un.
Facellia automobiles serait encours de fermeture. Dommage.
Mais en même temps, qui peut espérer produire un jour une voiture française aussi racée que la HK500 ?
Cette voiture a sa place d’honneur dans le garage de mes rêves depuis que j’ai 13 ans.