Lamborghini réfléchissait à une succession digne des 26 ans de vie de la Countach. La Lamborghini Diablo était pour eux, une preuve que oui, on peut se coller front à front à Ferrari. En 1990, elle apparut en même temps que le groupe The Prodigy et leur premier single « What Evil Lurks » (« quel mal se cache » en français). Il est là le mal, sur 4 roues dans un bruit métallique assourdissant à hauteur d’estomac.
Dans les limbes abyssales de l’enfer, la Lamborghini Diablo se place pile à cet endroit ne sachant pas si il faut se repentir de ses péchés, histoire de passer une journée de franche rigolade, ou bien si on allait se flageller à essayer de la conduire, sachant que c’était le seul modèle de la marque lorsque Lamborghini appartenait au groupe Chrysler (Hein?!).
Quand je dis « à hauteur d’estomac », avec une hauteur de 1m11, on se cassera la nuque à l’admirer et on rentrera à l’intérieur à 4 pattes, en priant de pas être obligé de s’arrêter sur un bord de route en gravier. Il faudra mettre ses rhumatismes de côté laissant échapper une grimace de souffrance se pliant comme un origami pour rentrer au chausse-pied.
Trêve de conneries, « parlons bien, parlons peu ». Cette Diablo « GT », date de 1991. Y a pas un soucis là ? Oui, les premières Diablo avaient des phares « pop-up » et des lignes se rapprochant plus de la moustache de Tom Selleck que de la GT initialement sortie en 1999. Vers 2010, le propriétaire de ce Kart aussi large qu’une Volvo, a décidé qu’il était temps de la faire monter en grade et l’a transformée en GT. On s’incline, on applaudit d’un petit tapotement discret hochant la tête, la bouche laissant esquisser un petit : « pas mal, pas mal…« .
Assis, le scrotum placé à une distance de la route assez crispante, on admire l’intérieur revu et corrigé pour coller à la GT. D’un noir profond, des coutures orange pour la sportivité et du carbone pour montrer que c’est pas juste pour rigoler, on appréciera le fait d’avoir le coude posé sur le large tunnel central comme si on pouvait faire un câlin à l’arbre de transmission, une fois pied planche, en pleine charge histoire de se faire la réflexion : « on est bien peu de choses sur cette terre ». Mettez un cd, de préférence « Firestarter » de The prodigy, le volume à fond et on y est. Le purgatoire, le vrai, le dur.
Propulsée par le bon vieux V12 Bizzarrini atmo, les 500ch vous tapent sur l’épaule d’une voix basse et profonde : « Allez, on rigole ? ». La nuque à 20cm des 48 soupapes qui laissent passer l’essence et l’air pour transformer ce mélange en plainte diabolique vous laissera des acouphènes et des hallucinations auditives pendant une semaine. Ainsi que le bas des reins pas bien loin non plus du vilebrequin tournant à 8500 tr/min, et les sifflements sinistres de la boite donnent le ton et mettent une réponse à cette question qui vous trotte. Oui oui, vous êtes bien en train de mourir…de plaisir, le sourire large.
Arrivée à 100 km/h en 4.1 secondes, effectivement, ça fait court pour un orgasme. Mais la montée au septième ciel n’est pas finie, apparemment les portes du paradis se trouvent à 328 km/h. Et si vous aimez les chiffres, le kilomètre départ arrêté s’effectue en 21 secondes. Les extincteurs placés judicieusement sont là pour éteindre le feu au cerveau.
On ressort de la bête à genoux comme on sortirait d’une essoreuse à salade. Enlevant les gravillons de ses genoux fébriles, on se gratte le cuir chevelu en se disant : « c’est réellement arrivé ? » Ecrivant en mention : « J’ai fait un tour en Diablo » sur votre arrêt de travail, vous vous en rappellerez toute votre vie. Son nom « Diablo » vient de la légende d’un taureau surnommé « El Diablo » élevé par le Duc de Veragua qui a mené un combat épique face à José Lara Jiménez, dit « El Chicorro », le 11 juillet 1869 dans l’arène de Madrid. C’est poétique et terriblement grisant. Le paradis peut attendre, ce qu’on veut, c’est faire un tour en enfer.