Allez aujourd’hui, on va foutre le bordel. La Ferrari 125 S, ça vous parle ? Si, en 1947, une voiture de course remuée par un V12 d’1.5 l de 118 ch, la première création d’Enzo. Eh bien non ! Avant de donner son nom à ses voitures, le Commendatore a donné vie a deux roadster de course, les Auto Avio Costruzioni 815. Explications…
Une bonne histoire commence toujours par… son commencement ! Et ici, c’est dans les années 10 qu’il faut repartir. Ouais, le début du 20ème siècle, ça date pas d’hier. Donc en 1918 et 1919, Enzo Ferrari qui a tout juste 21 ans, est pilote auto. Il coure d’abord sur une CNM 15/20, puis sur une Isotta Fraschini 4500 GP avant de rejoindre l’équipe Alfa Romeo en 1920. Talentueux derrière un volant, il accroche d’excellents résultats même s’il lui manque cependant ce petit plus. Il sait accrocher les victoires dans les courses régionales, mais dès que les pointures sont là, il doit se contenter des places d’honneur.
En 1923, il est présenté à la famille Baracca, comptant parmi la noblesse italienne et dont le fils Francesco fut le meilleur pilote de chasse de l’aviation italienne au cours de la 1ère guerre mondiale, participant à 63 combats et en abattant 34 appareils ennemis. Un record… une chance… une sacrée baracca ! Oui, l’expression vient de là. Malheureusement, il sera abattu le 19 juin 1918. Vous vous demandez le rapport avec Enzo ? Eh bien ce cher Francesco, avant de se retrouver au manche d’un avion, a fait ses armes dans la cavalerie. Et en hommage à son passé, il ornait ses avions d’un cheval cabré noir sur blason jaune, le fameux cavallino rampante. Sa mère, en mémoire pour son fils, offrit à Enzo le droit d’utiliser le même blason sur ses voitures de course.
Enfin, il n’empêche qu’en 1923, Enzo interrompt sa carrière de pilote pour se focaliser sur la mécanique et le développement des monoplaces Alfa Romeo. Il reprend le volant en 1927, mais le niveau est monté d’un cran puis il faut reconnaitre qu’il est réellement plus attiré par la gestion d’équipe que par le pilotage. C’est alors fort logiquement qu’il va décider de fonder, avec le soutien financier de Mario Tadini et des frères Caniato, son écurie, la Scuderia Ferrari qui va se charger de faire courir les pilotes « clients » d’Alfa Romeo. Nous sommes en décembre 1929.
Après un dernier coup d’éclat en 1931 où il réussit à accrocher une deuxième place devant Nuvolari, il met un terme définitif à sa carrière de pilote pour se charger exclusivement des stands pour devenir, le directeur sportif d’Alfa Romeo, la Scuderia Ferrari fait alors office d’écurie officielle.
C’est en 1938 que les choses vont partir en couille ! En plein régime fasciste, Mussolini réquisitionne Alfa Romeo. A l’image d’Hitler avec Mercedes et Auto Union, il veut se servir du sport auto pour asseoir son message de propagande nationale. Sous ses ordres, la marque rachète la totalité de la Scuderia Ferrari pour en faire son département Alfa Corse avec un Enzo maintenant sous ses ordres. Il n’en faut pas plus pour fâcher le Commendatore qui décide alors de rompre le contrat qui le liait au constructeur italien. Malgré la situation tendue et conflictuelle, Alfa ne perd pas le nord et demande à Enzo de lourdes indemnités pour rupture anticipée. Refusant de payer, Ferrari accepte alors en échange de se plier à une clause de non concurrence qui va lui interdir de construire une quelconque voiture sous le nom de Scuderia Ferrari pendant quatre ans.
Du coup, le 13 septembre 1939, Enzo fonde Auto Avio Costruzioni et lance son activité en fabriquant des machines outils ainsi que des pièces mécaniques pour la Compagnia Nazionale aeronautica de Rome, mais aussi pour Piaggio. En janvier 1940, Lotario Rangoni, le richissime marquis de Modène – et pilote amateur – lui demande d’assembler deux voitures, une pour lui et une autre pour Alberto Ascari, afin qu’ils puissent participer à l’épreuve des Mille Miglia dont le départ aura lieu le 28 avril. Ferrari accepte.
L’équipe technique d’Enzo est composée d’ingénieurs spécialisés dans la course auto… Alberto Massimino, Vittorio Bellentani, Enrico Nard et un certain Gioacchino Colombo. Lorsqu’ils étaient encore chez Alfa Romeo, Colombo et Ferrari projetaient de développer quatre petites monoplaces 158, plus connues sous le nom d’Alfetta, et remuées par un original 8 cylindres en ligne d’1,5 l (d’où le 158). C’est ce projet d’Enzo va ressortir des cartons afin de donner naissance à l’Auto Avio Costruzioni 815 (158 à l’envers…).
Il va prendre deux châssis de Fiat 508 Balilla, les modifier, y greffer le 8 cylindres gavé par quatre carbus Weber simple corps, et les habiller d’une caisse Superleggera imaginée et assemblée chez Touring. Rigide et légère, la voiture n’affiche que 625 kg pour 72 ch et est capable d’accrocher 170 km/h. Dévoilées au départ des Mille Miglia, les deux voitures ne marqueront pas foncièrement l’épreuve puisqu’elles devront abandonner sur problèmes mécaniques.
L’histoire des deux Auto Avio Costruzioni 815 va s’arrêter là avant de sombrer dans l’oubli alors que le conflit mondial éclate et que les courses auto sont suspendues. Le marquis Lotario Rangoni va continuer de rouler avec la sienne. Malheureusement, suite à un accident, il va la mettre à la casse. Son frère croit l’avoir retrouvée chez un ferrailleur en 1958. Mais le temps d’aller demander la confirmation à Enzo, lorsqu’il retourne chez le ferrailleur afin de sauver la voiture, il est trop tard, elle a été broyée ! Quant à la seconde, elle est réapparue dans la collection privée de Mario Righini.
En 1947, Enzo Ferrari reprend son activité en sport auto et peut enfin faire porter son nom à ses voitures. Cependant, s’il n’avait pas été contraint de respecter sa clause avec Alfa Romeo, la 815 serait ni plus ni moins que la première Ferrari de l’histoire. Alors effectivement, elle n’en porte pas le nom, mais il n’empêche que c’est bel et bien Enzo qui en est le géniteur… et ça, ça la rend aussi légitime que ses soeurs. En tout cas, ça suffit pour lui donner de la valeur… estimée à 100 millions d’euros ! De quoi en faire et de loin, la voiture la plus chère du monde. Mais pour en avoir la confirmation, il faudrait que Mario Righini veuille s’en séparer, ce qui n’est absolument pas le cas. Le légende sont faites pour le rester…