’68 Mercedes 300 SEL 6.3 l – Restomod en première Klasse !
par Thierry Houzé | 24 juillet 2023 | Street |
Le concept de la berline surpuissante, c’est elle qui l’a créé. La Mercedes 300 SEL 6.3 l c’est une caisse presque banale remuée par un V8 de 250 ch. Aujourd’hui ça fait sourire… mais en 1968, ça décrochait les mâchoires de ceux qui se faisaient déposer par ce taxi sous testo’…
La naissance de la Mercedes 300 SEL 6.3 l c’est surtout un gros concours de circonstances. Nous sommes en 1967. Le département développement et essais de Daimler Benz est alors géré par un jeune ingénieur passionné de sport auto, Erich Waxenberger. Jusqu’à là, pas d’quoi s’taper l’cul par terre. Si ce n’est qu’à l’époque, Mercedes se foutait un peu de son image. Les voitures se vendaient et la marque à l’étoile avait fait des chauffeurs de taxis et des vieux bourgeois son fond de commerce. D’autant plus que depuis le tragique accident de Pierre Levegh aux 24h du Mans 55, la marque avait définitivement quitté toute forme de compétition auto. Ca n’aide pas pour rajeunir l’image…!
Quoiqu’il en soit, il va falloir qu’un journaliste traite Erich Waxenberger de « vieux » pour déclencher une révolution dans sa tête mais surtout dans le catalogue Mercedes. En même temps, Erich n’a que 35 ans, y’a donc de quoi être vexé. Revanchard puisqu’il va réussir à monter un budget qu’il fait passer comme une transformation associée à une demande spécifique de client. Puis va récupérer une caisse de coupé 250 SE sur lequel il va discrètement passer ses soirées pour y greffer le V8 de la grosse Mercedes 600 avec sa boite et ses trains roulants maintenus par une suspension classique mais renforcée. Il en fait sa voiture de fonction qui, sous des airs discrets, affiche un caractère et des perfs qui ont du en surprendre plus d’un.
D’ailleurs le premier qui va être surpris, ça va être son patron, Rudolph Uhlenhaut, directeur du département compétition, à qui on doit notamment la naissance des flèches d’argent, de la 300 SL mais aussi des deux coupés 300 SLR Uhlenhaut devenus il y a quelques mois les voitures les plus chères du monde. Lui aussi largement piqué à l’essence trouve surprenant les borborygmes du coupé dans lequel se balade le jeune Waxenberger. Il le convoque pour avoir des explications et lorsque le jeune ingénieur lui décrit les modifications qu’il a réalisées sur sa voiture, Uhlenhaut lui pique aussitôt les clés pour aller l’essayer. A son retour, il est totalement séduit par la bestiole et ses performances. Sa réputation n’étant plus à faire, il obtient rapidement le feu vert de l’état major étoilé pour appliquer cette greffe à la berline W109. Mercedes y voit surtout, outre l’occasion de rajeunir un peu son image, celle d’amortir les couts de développement du V8 6.3 l M100.
A partir de là, les choses ne vont pas trainer. En fin d’année 67, les premières 300 SEL 6.3 sortent des lignes. En mars 1968, la berline fait sensation au salon de Genève. Si certains pensaient qu’une telle greffe risquait de déranger les clients, il n’en fut rien, bien au contraire. Son discret plumage cachait parfaitement son bouillant ramage. La 300 SEL se contente d’une assiette rabaissée, de pneus plus larges et de double optiques verticaux accompagnés de longues portées de chaque côté de la calandre. La bestiole affiche plus d’1,8 tonnes mais surtout, grâce à ses 250 ch et 51 mkg de couple, elle revendique le 0 à 100 en 7,1 et passe la barre des 400 m en 15 secondes avant de manger celle du kilomètre un peu plus de 12 secondes plus tard. A l’époque, aucune berline ne pouvait suivre !
D’autant plus que les ingénieurs avaient fait des prouesses sur le châssis. La grosse berline adoptait les suspensions pneumatiques associées au correcteur d’assiette de la 600. Sur la 300 bien moins lourde, la solution faisait des miracles. Malgré le poids, ça n’en faisait pas une pure sportive pour autant, mais ça permettait à la 300 SEL d’afficher un dynamisme et une efficacité bluffants sans pour autant sacrifier le confort. Le compromis idéal pour ne pas choquer le client habituel Mercedes et aller en chercher d’autres.
Dans l’habitacle le luxe et la rigueur sont de mise. Le cuir habille les sièges et les panneaux de portes pendant que de la ronce de noyer se charge du tableau de bord. L’équipement est complet avec les vitres électriques, la direction assistée, la clim et l’autoradio. En 68, ça faisait de toi le bourgeois du quartier !
Histoire de montrer le potentiel de la bête, c’est elle qui servira de base à celle qui, sous les couleurs d’AMG, ira effrayer les participants du championnat d’Europe des voitures de tourisme. Finalement, en seulement 4 ans de carrière, et malgré un prix prohibitif, la Mercedes 300 SEL 6.3 réussira à séduire plus de 6500 amateurs de sensations fortes.
C’est l’une d’elle que je vous ai trouvée, qui avait bien besoin de retrouver sa splendeur d’antan. Bien que son V8 nécessitait un redémarrage et une bonne révision, ce n’était pas vraiment le cas de sa carrosserie qui avait déclaré forfait devant une rouille qui commençait doucement mais surement à la dévorer, obligeant son proprio à restaurer la caisse. Les ailes avant ont dû être remplacées, tout comme la face avant qui avait disparu. Vu la difficulté pour trouver des double optiques à un tarif cohérent, le proprio a préféré opter pour des phares de W109, moins classes, mais qui font tout aussi bien le job. Le reste a été refait et habillé d’une robe Green Metal avant que les chromes ne soient rénovés ou remplacés.
La suspension pneumatique a été remplacée par une… suspension pneumatique ! De l’airride avec le réservoir et un double compresseur dans le coffre. Les airbags sont associés à des amortos Bilstein. Le freinage est refait à neuf et upgradé avant d’être camouflé derrière des jantes Barock passées en 3 parties pour afficher du copieux 17″ chaussées en General G-Max AS de 205/45 et 215/45.
Dans l’habitacle, en dehors d’une sono aussi copieuse que moderne, rien ne change… sous le capot non plus d’ailleurs. Le V8 a reçu sa cure de remise en forme et chante désormais plus haut et plus fort à travers une ligne inox réalisée sur mesure.
Cette Mercedes 300 SEL 6.3 l n’a rien perdu de sa classe. Une sorte restomod soft aussi sobre que classe où le peu qui est fait suffit à presque tout changer. Comme quoi, plus c’est simple…
© Markmarages via BaT
Old Benzes never die , they just go faster ;))
J’ai appris quelque chose grâce à vous, merci. Je pensai que le V8 dans la SEL, c’était uniquement l’œuvre d’AMG, mais en fait c’était l’usine au départ. Aufrecht et Melcher, on juste eu l’idée de le gonfler un peu en « pouizance » et de faire courir la « bête »!!!
Joli restau’ de cet exemplaire US, bien que je n’aime pas le air ride!!!
Bonjour,
Voilà un texte fourni et précis méritant un coup de chapeau que je vous envoie bien volontiers, en notant surtout la dextérité avec des petites notes d’humour, et vous avez donc produit un historique bien écrit, ce qui est rare au milieu de ceux qui se disent bien au fait mais ne sachant pas aligner le vrai Français ni la vraie chronologie, bravo et merci.
Nicolas.