Certaines voitures ont la vie dure… voir même parfois totalement injuste. C’est la cas de Maserati Shamal. Certains lui trouvent un physique disgracieux. Personnellement, je l’ai toujours vue comme l’aboutissement de la famille Biturbo, où il li aura fallu attendre une bonne dizaine d’années pour devenir méchante… très méchante !
En 1975 (excellente année !) Citroën, en faillite, se débarrasse de Maserati. C’est De Tomaso qui rachète la marque et décide aussitôt de reprendre la gamme en lançant la Biturbo. L’idée de l’argentin est simple, proposer une berline luxueuse et sportive, avec un V6 biturbo qui cube moins de 2.0l (taxes italiennes obligent) pour un prix raisonnable. Commercialisée à partir de 1981, la gamme Biturbo va rapidement être développée avec un coupé, un cabriolet, l’arrivée de moteurs plus cossus et d’un empattement raccourci… Bref, la famille va doucement s’agrandir devant le succès rencontré par la belle italienne, mais toujours avec un V6 sous le capot.
Pourtant, sous ses airs de bourgeoise anémique, la Biturbo n’a rien d’un enfant de coeur. Malgré des puissances qui vont de 180 à plus de 220 ch, la voiture offre le comportement d’une propulsion des 80’s, dénuée d’aides, avec sa paire de turbos en mode ON-OFF, elle réagit au pied droit du conducteur avec un caractère bien trempé pour signer des virgules sur l’asphalte. Pas vraiment efficace, elle fait partie de ces engins où même lentement, vous avez l’impression d’aller vite ! En tout cas, elle vous envoie des uppercuts et demande à son pilote de la dompter pendant qu’elle, de son côté, s’amuse à se montrer indomptable.
En plus, Maserati ne cesse de faire évoluer sa voiture. Les modèles et versions s’enchainent. Plus puissants, plus sportifs, empattement court, 2 portes, cab… Certains allant même à dire que chaque voiture est différente de celle qui l’a précédée.
Quoiqu’il en soit, la Biturbo va tutoyer l’excellence et signer l’apothéose de sa carrière en décembre 89 avec la présentation de la Shamal. Du coup, Maserati va demander à Marcello Gandini de modifier les traits du coupé Biturbo à empattement court, signés à l’origine par Pierangelo Andreani. Plus de muscles, plus de bestialité pour un style qui devient inimitable. On aime, ou on aime pas, mais la Shamal ne laisse pas indifférent.
Les ailes sont larges et carrées, la face avant gagne un regard qui mélange phares rectangulaires et lenticulaires. Le pare-choc est aéré avec antibrouillard et longue portée. Les bas de caisse courent sur les côtés jusqu’à un cul massif avec feux fumés et double sorties d’échappement de chaque côté du pare-chocs. Le trident s’affiche sur la calandre, le coffre et la trappe à essence. Enfin les montants latéraux sont peints en gris anthracite. Aux quatre coins, on retrouve des jantes en 16′ chaussées en Michelin MXX de 225/45 et 245/45.
Le capot reçoit deux prise d’air de chaque côté… Il faut bien ça pour essayer d’évacuer les calories du gazier. Car contrairement au reste de la famille, la Shamal abandonne le V6 biturbo au profit d’un V8 biturbo de 3.2l, un moteur développé pour l’occasion, et qu’on retrouvera ensuite sous les capots des 3200 GT et Quattroporte. La pompe à feu ne fait pas semblant, bloc 100% alu, 32 soupapes, injection Magnetti, 2 turbos IHI, 2 échangeurs, vilebrequin à plat, il envoie ses watts aux roues arrière via une boite 6 manuelle Getrag accompagnée d’un différentiel à autobloqu’ ! Niveau puissance, il développe 325 ch à 6000 trs pour 44 mkg à 2800 trs.
Avec 1417 kg, le coupé revendique le 0 à 100 en 5,3 puis passe la barre des 400m en 14,2 et celle du kilomètre en 26,1. La M3 3.0l est devant. Mais pendant que l’allemande propose un caractère digne d’une caisse échappée d’un circuit, la Maserati est largement plus exigeante. Si vous êtes sous la tornade des turbos, elle survivera comme une savonnette… Si vous envoyez alors que les turbos sont en pleine charge, il faudra viser la trajo par les vitres latérales ! Et ça, c’est sur le sec… Donc pour rouler vite, il faut composer avec la motricité, le grip, anticiper le souffle du V8 et croiser les doigts pour qu’il ne pleuve pas !
Dans l’habitacle, on retrouve le style baroque de la Biturbo, mais plus sobre. En fait Maserati a abandonné le mélange des matières et des couleurs. C’est soit noir, soit beige, soit blanc… et pas tout en même temps ! Siège baquets, cuir, moquette. C’est luxe et sport, donc 100% d’équerre avec l’esprit de la caisse. Puis gros avantage, vu le caractère de la voiture, le cuir, ça se nettoie facilement !
Maserati va écouler seulement 369 Shamal… autant dire rien ! Sauf que 30 ans plus tard, cet échec s’est transformé en rareté qui lui assure une côte qui ne fait que monter. Qui plus est pour une caisse totalement décalée, aussi bien de par son style que par son tempérament qui vous replongera dans le passé. Et pour ceux qui veulent encore plus d’exclusivité, il reste la Maserati Racing… mais ceci est une autre histoire !