Nous sommes en 1950, l’Europe est encore sous le plan Marshall et se reconstruit doucement après la guerre. Mercedes, qui n’a rien perdu de sa notoriété, songe à revenir en compétition. Cela va se faire en 2 temps… D’abord les 300 SL qui vont débarquer et signer un doublé aux 24h du Mans et à la Carrera Panamericana en 52, puis 2 ans plus tard en F1 avec la démoniaque W196…
Ce qui est sûr avec Mercos, c’est que quand ils débarquent en sport auto, ce n’est pas pour faire de la figuration. Déjà avant la guerre, les Flèches d’argent écrasaient la concurrence. Flèches d’argent… Dans les années 30, les instances du sport auto avaient affublé à chaque pays une couleur… Le bleu de France (Bugatti, Delage, Delahaye, Talbot, Amilcar, Salmson…), le British Racing Green (Jaguar, Aston, MG…), le Rosso Corsa (Alfa, Fiat, Maserati…) et le… blanc pour l’Allemagne, représentée par Auto Union et Mercedes qui vont dominer les courses de monoplaces de 34 à 39, d’où le surnom de Flèches d’Argent qui va leur être attribué. Ah non, ça en fait, c’est parce qu’un jour, les monoplaces étoilées accusaient 2 kg de trop à la pesée. Du coup, le boss ordonna à ses mécaniciens de poncer la caisse pour aller grapiller le poids de la peinture… und schnell bitte ! Du coup, les Mercedes se sont alignées au départ de la course avec la tôle mise à nue… grise ! Cela n’a perturbé personne et de là est partie la légende des flèches d’argent (Gros pompelup à Fabrice pour l’anecdote que j’ignorais !).
Bon là dessus, un p’tit moustachu à la mèche rebelle pète un plomb, mais du genre vachement bien secoué dans sa tronche, et fout le bordel dans toute l’Europe en réussissant même à toucher une grosse partie de la planète, avant que les Cap’taines America viennent lui botter l’cul et aider les européens à tout reconstruire.
Bon an mal an, les villes se reconstruisent, les entreprises aussi… la vie reprend et avec elle tout ce qui avait été interrompu par le conflit, dont le sport auto. De son côté, Mercedes reprend ses activités et prépare son retour à la compétition. En 52, c’est la 300 SL qui ouvre les hostilités, et pas qu’à moitié puisque dès son entrée dans l’bain, elle s’adjuge une 2nde place aux Mille Miglia suivi d’un doublé aux 24h du Mans ainsi qu’à la Carrera Panamericana. L’année suivante, la marque se remet au taff, d’un côté en développant la 300 SLR et de l’autre, en préparant son retour en F1 avec la W196, qui va exister en 2 versions.
En effet, selon le circuit, rapide ou technique, les ingénieurs ont étudié 2 types de carrosseries. La 1ère adopte une caisse totalement carénée, avec un empattement long, favorisant la vitesse. La 2nde reprend le style monoplace classique, sur un empattement plus court pour plus de vivacité.
Les ingénieurs recrutés par Mercedes sont scrupuleusement sélectionnés parmi les meilleurs de leur spécialité. Un châssis spaceframe, une suspension avant à barre de torsion et essieu à articulation pour l’arrière. Les freins à tambour sont installés en inboard et refroidis par une turbine. En position centrale avant, on retrouve un 8 cylindres en ligne de 2496cm3 atmosphérique, qui développe 256ch à 8260tr ! Sachant que l’engin carbure avec un mélange d’essence, de benzène, de méthanol, d’acétone et de nitrobenzène qui nécessite l’utilisation d’un réservoir renforcé. Le moteur est incliné à 60° pour rabaisser le centre de gravité. La carrosserie, étudiée en soufflerie, est en aluminium. Sur la balance, la voiture accuse 640 kg en mode carénée ou 595 kg en mode « normal ».
Le 4 juillet 1954, Mercedes débarque enfin en F1 en alignant 3 voitures au Grand Prix de Reims, le 4ème de la saison. Les voitures sont confiées à Kling, Hermann et Fangio, que Mercedes a chipé à Maserati. Mais le plus spectaculaire reste donc cette ligne entièrement carénée… sur la ligne de départ, elles sortent du lot, et une fois en course, malgré un développement encore précaire et un souci d’injection, Fangio s’échappe rapidement suivi par Kling… 1ère sortie, 1er doublé pour la W196 S. C’est au GP d’Allemagne couru sur le Nürburgring que Mercedes sortira sa W196 R, qui troque son carénage intégral contre un carrosserie plus conventionnelle, un empattement raccourci et 45kg de moins.
Le championnat comptait 9 courses… La W196 s’en a couru que 6. Et sur ces 6, la Mercedes en remportera 4 à chaque fois avec Fangio au volant. Avec 2 victoires sur Maserati en début de saison, le pilote argentin accroche donc son 2ème titre mondial.
Pour la saison suivante, le 8 en ligne passe à 290ch et 3 empattements différents permettent d’adapter la Flèche d’argent à la piste. Au niveau pilotes, le trio est reconduit et rejoint par un 4ème, l’espoir britannique Stirling Moss. A part Maurice Trintignant qui réussira à s’imposer à Monaco, toutes les autres courses de la saison seront à rajouter au palmarès des flèches d’argent. Fangio est sacré pour la 3ème fois.
Mais voilà, au cours des 24h du Mans, la 300 SLR du pilote français Pierre Levegh s’envole dans la ligne droite à l’entrée des stands, la voiture part se pulvériser contre le muret et se transforme aussitôt en boule de feu en explosant. Les débris volent dans les tribunes. Pierre Levegh meurt sur le coup, 83 spectateurs vont aussi y laisser la vie et on comptera également 120 blessés ! Il s’agit aujourd’hui encore de l’accident le plus tragique du sport auto. Pourtant, la course n’est pas stoppée, l’organisation se dit que s’il fallait l’interrompre, le départ des 300.000 spectateurs rendraient l’intervention des secours encore plus compliquée… surtout que la course n’a démarré que depuis seulement 3 heures. Il est 19 heures et la bagarre pour la victoire continue entre la Mercedes de Moss et Fangio et la Jaguar pilotée par Hawthorn et Bueb. Mais à 1 heure du matin, nouveau coup de théatre, l’état major de Mercedes à Stuttgart intime l’ordre à Alfred Neubauer, le team manager, de stopper immédiatement les 2 voitures encore en course. Quelques mois plus tard, encore choquée par ce tragique accident, la marque annonce l’arrêt total de tous les programmes sportifs. La marque ne reviendra sur les circuits que 30 ans plus tard.