Une Ford GT40 c’est déjà une caisse mythique que son pedigree et son prestigieux palmarès ont transformé en une légende de la route. Mais les Ford GT40 Roadster qui débarquent sont sûrement les plus exceptionnelles de toutes. Car au delà de leur statut de protos qui ont servi de développement, il s’agit aussi des deux seuls versions roadster qui ont survécu en étant conservées dans leur état original. J’enfile ma tenue de Père Motor et je suis à vous…
Oui, notez au passage l’arrivée du Père Motor, qui a tatané Père Castor en le renvoyant définitivement à son barrage de brindilles et ses histoires de minots ! Surtout qu’aujourd’hui, il me faut m’attaquer à un monument de la course auto, dont je vous ai déjà parlé une bonne dizaine de fois… Sauf que cette fois ci, nos deux protagonistes ont oublié leurs toits aux vestiaires.
La GT40, on la connait maintenant… la revanche de Ford sur Ferrari et ses 4 victoires d’affilées aux 24h du Mans de 66 à 69. Ses origines aussi, puisque l’américaine avait été conçue sur une base de Lola GT Mk6. Bref, logiquement, vous êtes calés ! Mais ce qui reste passionnant avec l’histoire auto, c’est que même quand y’en a plus, ben y’en a encore. Donc lorsque j’ai découvert l’existence de ces GT40 Roadster, ‘pensez bien que je pouvais pas passer sans vous en parler.
Ces voitures ont vu le jour entre 1964 et 1965 alors que Ford n’en était encore qu’à peaufiner ses protos et trouver la bonne recette pour aller mettre la fessée à Enzo dans la Sarthe. Du coup, quand on développe, on cherche, on essaye, on teste et parfois on prend certaines pistes juste pour voir où ça va mener. Et ce sera le cas de quelques châssis qui recevront une caisse spécifique, puisque dans sa recherche du bonheur et de victoire absolue, on s’est dit que le roadster pouvait peut être avoir ses chances.
Plusieurs châssis seront ainsi passés en roadster… mais pour être clair, les premiers essais sonneront quasiment instantanément la fin du développement de cette solution. Ford prévoyait d’en assembler douze, mais la marque arrêta l’hémorragie à cinq protos puisque la version roadster rendait 5 secondes au tour à la version fermée. En effet, la voiture était un peu plus légère, mais la structure qui n’avait pas été renforcée, se tordait dans tous les sens en rendant la tenue de route dangereuse… Construits sur les châssis acier (Un seul le sera sur le châssis alu, et sera engagé en FIA Gr7 par McLaren), ils n’ont pas supporté l’ablation du toit qui en plus, dégradait l’aérodynamisme.
Cela ne les empêchera pas de courir, surtout aux Etats Unis, permettant ainsi de tester certaines innovations aéros avant de les installer sur les coupés. Puis pour les courses comme la Targa Florio, le roadster offrait un peu plus de confort aux pilotes où la température qui grimpait dans l’habitacle des coupés, devenait intenable sous la chaleur sicilienne.
Au niveau mécanique, ils embarquaient le V8 289 ci gavé aux Weber, accompagné de la boite manuelle Colotti à 4 rapports. Pour la gueule, on retrouve les traits légèrement modifiés de la Mk1, mais le nouveau profil a obligé la modification des entrées d’air derrière les portières, et les pneus Pirelli chaussaient soit des jantes Borrani à rayons soit les Halibrand Racing en magnesium.
Après sa dernière victoire au Mans, Ford estime que la Scuderia Ferrari a compris le message et l’aventure officielle GT40 s’arrête, pendant que plusieurs teams privés vont continuer de l’aligner en course. Plus de 130 voitures ont été assemblées, protos compris. La marque publie alors la liste des châssis qu’elle compte en stock et tous seront mis en vente avec un seul roadster restant. Déduction personnelle puisque sur les cinq assemblés, un aurait été détruit en course, un autre, le fameux châssis alu, déjà vendu à McLaren, et dans la recherche de la performance, le troisième aurait été rhabillé en coupé… Ne resterait donc que les deux qui défilent sous vos yeux, plus connues aujourd’hui sous les noms de GT/108 et GT/109, leurs numéros de série attribués par Ford. Et là vous me dites « Eh mais attend, ça fait pas le compte, il en manque un dans l’histoire… ». Et vous auriez raison car justement, le dernier des roadster avait purement et simplement disparu !
Ce qui est marrant, pour ne pas dire compliqué quand tu écris un article sur la GT40 Roadster, c’est que lorsque le GT/108 a refait surface en 2017, tous les experts criaient haut et fort qu’il s’agissait de l’unique modèle qui avait survécu… Puis en 2018, GT/109 est sorti de l’ombre, et le vendeur a alors affirmé, juré craché, qu’il s’agissait du seul exemplaire survivant… Donc comme ici on n’est pas pros, mais seulement passionnés, je n’irais pas sur ce terrain glissant… à savoir lequel est lequel, car les deux plaques constructeurs et les numéros de série attestent des origines des deux voitures, aussi bien pour l’une comme pour l’autre.
La seule différence tient que GT/108 (Celui avec les roues à rayons), une fois sorti de l’atelier anglais de Ford Advanced Vehicles en 1965, et après quelques essais à Silverstone, a embarqué pour les Etats Unis pour rejoindre celui de Carroll Shelby. Il va servir de pace-car lors de manches à Laguna Seca, Riverside et Candlestick Park avant d’être confié au double champion du Monde de F1 Jim Clark lors d’une journée promotionnelle à Watkins-Glen. Il sera racheté en 69, et son nouveau propriétaire obtiendra de Ford un certificat spécial pour pouvoir l’immatriculer dans le Michigan. A part la boite qui a été remplacée par une ZF, il a conservé son état d’origine.
C’est un peu plus romancé pour GT/109 qui lui, bénéficie d’un statut particulier, avec un scénario digne d’Hollywood. Sortie de la même usine en octobre 64, lui aussi est expédié chez Shelby, mais pour y être préparé avant d’être engagé aux 24h du Mans 65 sous les couleurs de Ford France (Blanche à bandes bleu – blanc – rouge), aux mains de André Simon et Jo Schlesser pour les essais puis à celles de Maurice Trintignant et de Guy Ligier pour la course.
Ligier n’aura pas l’occasion d’en prendre le volant… Dès le 11ème tour, Trintignant rentre aux stands pour un problème de boite… Les mécanos s’affairent, jusqu’à ce qu’une des autres GT40 en course perde sa porte… Vue le retard déjà accumulé par le roadster, Ford décide de le sacrifier en récupérant sa porte pour la greffer sur le coupé qui peut aussitôt repartir en course. GT/109 abandonne officiellement au 11ème tour…! Pour l’anecdote, l’autre GT40 verra son joint de culasse rendre l’âme 18 tours plus tard et abandonnera à son tour.
La voiture va alors repartir chez Shelby en Californie, être réparée, puis envoyée dans le Michigan où elle va servir de donneuse d’organes pour le développement de la J-Car (Ah, va falloir vous en parler aussi de celle là !). La caisse va ensuite être stockée au fond du parc de la soufflerie de Ford à proximité de Détroit… et silence radio !
Quelques années plus tard, Dean Jeffries, un spécialiste des caisses de course mais aussi des Hot Rod et Custom, accompagne un de ses amis à la soufflerie Ford pour l’aider sur les réglages de sa monoplace d’Indy Car. Il aperçoit l’épave du Roadster… débarrassée de son moteur et de sa transmission et qui aurait bien besoin d’une bonne restauration. Il demande à Jacques Passino, le responsable du centre, si la voiture serait à vendre… Et le bon Jacques lui répond aussitôt que s’il veut récupérer cette épave, il n’a qu’à leur en débarrasser… Ils s’n tamponnent un peu et que même s’il a besoin, il peut récupérer le stock de pièces restant, comprenant deux V8 255 ci d’un ex programme Indy Car, un V8 289 ci complet, une transmission Colotti ainsi qu’une ZF ! Oui voilà, le truc qui t’arrive qu’une seule fois dans ta vie ! Surtout qu’on parle qd même d’une rare GT40 roadster qui a couru au Mans !
Bien entendu Jeffries embarque le tout, et commence la restauration qui va durer plusieurs années, le temps de trouver les dernières pièces de GT40 manquantes. D’ailleurs en cours de restau’, un anglais va lui proposer de lui racheter la voiture en l’état pour 5 millions de $ ! Il refuse et prend le temps pour terminer sa voiture en 2003, avec le 255 ci et la transmission Colotti. A sa mort en 2013, on s’apercevra que finalement, Jeffries aura fini par mettre le 289 ci sous le capot.
La GT/108 est donc la plus proche de l’origine… même si elle ne bénéficie pas du pedigree Manceau de la GT/109. Cela ne les empêche pas d’être estimées toutes les deux à plus de 10 millions de $ le morceau !
© Hemmings – RM Sotheby’s & signatures éventuelles
ADé Blkmmba !!!!