Depuis le milieu des années 30, les Flèches d’argent sont les reines du sport auto, la marque à l’étoile est le symbole de la démesure et de l’opulence d’une Allemagne qui joue au rouleau compresseur sur l’Europe et cherche à montrer sa supériorité à la face du monde. Cette mégalomanie va donner naissance aux voitures de la marque les plus impressionnantes, les Mercedes 500K et 540K…
L’histoire n’est pas forcément simple… surtout quand on doit parler d’une caisse dont les spécialistes en ont écrit des livres. Et j’vais même vous dire que c’est beaucoup de temps passé pour une caisse qui ne va pas faire exploser les audiences. Oui, une Golf posée et chaussée en BBS, ça marche, mais une Mercos 500K, c’est déjà plus cérébral… Mais comme ici aime toutes les bagnoles, elle a autant sa place qu’un airride, un restomod ou un hot rod… Mais bon, fermons la parenthèse !
Nous sommes au début des années 30. L’Allemagne est en pleine crise… elle doit se reconstruire alors que la grande dépression frappe de plein fouet les marchés financiers. Terrain idéal pour un moustachu excité qui, à force propagande nauséabonde (comme toutes les propagandes me direz vous !), réussit à remporter les élections législatives de 1932 avec son parti nazi. En Janvier 1933, Adolph est élu chancelier. Le 3ème Reich est en route, et Hitler va chercher à montrer et étendre sa vision totalitaire et imposer sa suprématie… outre toutes les saloperies qu’il va mettre en place, il va aussi utiliser la course auto, vecteur d’image au niveau mondial.
Pour ce faire, il va augmenter les subventions allouées à Mercedes et Auto Union dans le but de promouvoir la technologie allemande. Les deux marques vont alors dominer le sport auto avec d’un côté la Mercedes W25 et de l’autre l’Auto Union Type A.
A l’époque, chaque voiture de course se doit de porter les couleurs de son pays… Bleu pour la France, rouge pour l’Italie, jaune pour la Belgique, vert pour l’Angleterre… blanc ou gris pour l’Allemagne. Sauf qu’en 1934, alors que les Mercedes s’apprêtent à prendre le départ du Gand Prix du Nürburgring, l’une des voitures de l’armada allemande est déclarée non conforme… elle pèse 751 kg au lieu des 750 kg règlementaires. L’équipe va se creuser la tête toute la nuit pour trouver une solution. Impossible d’enlever quoi que ce soit… sauf la peinture. La caisse a été entièrement décapée afin de gagner ce kilo nécessaire. Elle participe ainsi à la course en arborant une carrosserie en tôle brute… qu’elle va remporter. La légende des flèches d’argent venait de naitre ! (c’est cadeau, pour scotcher votre beau frère entre la tarte aux pommes et le café, vous verrez, y’a difficilement mieux !).
C’est cette même année que Mercedes va présenter son fer de lance, la 500K. La marque est déjà la spécialiste du haut de gamme allemand. Les voitures étoilées sont les déplaçoirs favoris des membres dirigeants et de la Gestapo. Ajoutez y sa domination en sport auto, et vous comprendrez qu’à un moment, chez Mercedes, on se sent plus péter ! Objectif de la 500K, montrer qu’au dessus il n’y a rien de mieux…
Mercedes va alors de fendre d’un châssis disponible avec trois longueurs d’empattement différentes. Doté de 4 roues indépendantes montées sur double triangulation à l’avant et essieu oscillant à double articulation maintenu par ressort et amortos… Une première mondiale pour offrir confort et précision; et supporter les charges du gros 8 en ligne de 5.0 l boosté au compresseur Roots pou aller lui chercher 160 ch. Avec 2700 kg sur la balance, la grosse teutonne est capable de croiser à 160 km/h en engloutissant 30 l au 100 !
En fonction du dessous, il était ensuite possible de choisir sa caisse… Sedan 2 ou 4 portes, open, coupé, autobahn cruiser, roadster, special roadster, motorway courier, special cabriolet… ou alors, d’acheter un châssis et de le faire habiller par son carrossier. Toute versions confondues, et châssis nus, la Mercedes 500K va séduire 342 clients jusqu’en 1936, année où la 540K va venir prendre le relais.
Présentée au salon de Paris 1936, la 540K est une évolution de la 500K. Dessinée par Friedrich Geiger le principe était le même. Un châssis, plusieurs dimensions, et la caisse au choix. Cabriolet, coupé, berline, deux ou quatre places. Au niveau du 8 en ligne, il prenait du volume en passant à 5.4 l, toujours accompagné de ses deux gros compresseurs et du compresseur Roots. Le fonctionnement était simple. A usage normal, il restait en atmo. Lorsque qu’on soudait, un palier sur l’accélérateur permettait d’enclencher le compresseur. Et pour les plus nerveux, ils pouvaient également le faire manuellement directement depuis une manette située dans l’habitacle. Une fois enclenché, il permettait de sortir 180 ch qui partaient vers les roues arrière via la boite 4 manuelle alors qu’un 5ème rapport était disponible en option. Notez que le châssis avec profité du savoir faire de la compétition pour gagner en rigidité tout en économisant un bon paquet de kilos.
En 1939, alors que ça commence sérieusement à sentir le gaz en Europe, le gouvernement Nazi commande douze 540K un peu spéciale à Mercedes. Le châssis est rallongé et renforcé pour recevoir une caisse convertible totalement blindée pouvant accueillir six passagers en plus du chauffeur. En 1942, suite à la tentative d’assassinat de Reinhard Heydrich à Prague, la chancellerie passera commande de 20 nouvelles 540K blindées sous forme de berlines deux portes. 17 autres berlines seront commandées en 43. Au final, ce seront 419 Mercedes 540K qui sortiront des lignes de production.
Parmi toutes ces différentes variantes de Mercedes 500K et de 540K, celle qui garde la ferveur des collectionneurs, c’est la Special Roadster. Empattement court, cette deux places est considérée comme le pâté de tête des Mercedes d’avant-guerre puisque seulement 25 roadster ont vu le jour. D’ailleurs l’un d’entre elles avait été l’oeuvre d’une commande spéciale passée en 1941 par le Reichsmarschall Hermann Goering (ministre d’Hitler, président du Reichstag et créateur de la Gestapo… le bon chtarbé de base !). Habillée en bleu ciel, sa couleur préférée, il s’agit d’un Special Roadster exceptionnellement blindé et surnommé « Blue Goose ».
Le 4 mai 45, l’armée américaine qui est entrée à Berchtesgaden, trouve la Blue Goose. Le major-général Maxwell Taylor récupère la voiture pour en faire son véhicule de commandement jusqu’à ce que le Trésor américain demande à faire rapatrier la 540K à Washington. Une fois de l’autre côté de l’Atlantique, elle va traverser le pays pour y être fièrement montrée en guise de trophée de guerre. En 1956, elle est venue aux enchères par l’armée américaine et va faire le bonheur d’un certain Jacques Tunick qui s’est délesté de 2167 $ (grosso modo 18000 € de nos jours). Deux ans plus tard, il va la revendre à un vétérinaire qui va la faire repeindre en noir. Elle va rester dans sa famille jusqu’au début des 2000’s avant qu’elle ne soit rachetée par Carnlough International Limited de Guernesey avec pour seule condition, qu’elle soit restaurée pour retrouver l’apparence qu’elle avait en 1941.
En tout cas, nées dans un contexte historique nauséabond cela n’a pas empêché les Mercedes 500K et 540K de rentrer au Panthéon de l’auto. Vous me direz, toutes ces histoires, elles n’y sont pour rien. Avec moins de 800 exemplaires (tous modèles confondus) et une image exclusive qui s’appui sur le luxe et la performance, chaque apparition d’une d’elles est un évènement en soi. Surtout lorsqu’il s’agit d’une vente aux enchères où à cheque fois, elles battent des records à 7 et même 8 chiffres !
© Mercedes via signatures éventuelles
Le talent et le travail de qualité se reconnaissent toujours. Puis on a coutume de dire « qu’une rose peut pousser sur un tas de fumier »!!!
Bonjour.
Vous dites “celle qui garde la ferveur des collectionneurs, c’est la Special Roadster”, mais jetez-donc un coup d’œil à la version 540K Autobahnkurier de 1938 qui vient de remporter l’édition 2021 du concours d’élégance de Pebble Beach … Pour moi c’est de loin la plus somptueuse.
https://pebblebeachconcours.net/cars/2021-best-of-show-winner/
Ça a soulevé quelques polémiques sur le passé supposé nazi de cet exemplaire, et le fait que ces 500K et 540K étaient appréciées des dignitaires nazis. Je peux comprendre ces cas de conscience… mais dans ce cas je n’arrive pas à comprendre que les coccinelles VW aient une telle cote de sympathie auprès des communs des mortels, baba cools et bobos en premier.
Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Le débat reste ouvert.