Yoshida Specials 930 Turbo, la Blackbird du Mid Night Club
par Thierry Houzé | 8 avril 2021 | Street |
Attention, une légende pose ses roues sur DLEDMV. Au Japon, cette Porsche 930 Turbo est connue sous le nom de Yohida Specials et est aussi populaire que l’Hachiroku avec laquelle Takumi Fujiwara chasse les cordes sur les routes du mont Akina. Mis à part que la Yoshida Specials, elle est bien réelle !
Si la Toyota AE86 du livreur de Tofu le plus célèbre de la planète a été imaginée pour un manga, concernant la Porsche 930 Turbo Yoshida Specials, c’est tout le contraire. A la base, c’est une Porsche 930 3.3 Turbo de 1979, qui va finir par se retrouver dans le garage de Yoshida Eiichi, un médecin de Tokyo mais surtout, un célèbre racer japonais spécialiste des wangan, ces différents autoroutes et échangeurs qui bordent la capitale japonaise et que certains transforment en circuits à l’occasion de courses nocturnes aussi spectaculaires qu’illégales.
La 930 Turbo noire va alors devenir la terreur de la police locale à partir de juillet 82. Si la journée Yoshida oeuvre à prendre soin des autres, la nuit venue, il se transforme en pilote sauvage, aux côtés d’autres amateurs de sensations fortes. C’est alors qu’ils vont commencer à former un club de racer underground, tous propriétaires de missiles sol-sol shootés et préparés comme s’ils devaient aller chercher la pôle sur Tsukuba. Et c’est Yoshida qui va avoir l’idée de transformer ce groupe pour donner naissance au célèbre Mid Night Club.
Concernant la 930, pensez bien qu’elle ne va pas longtemps rester d’origine. Les évolutions se feront sur plusieurs années. Le flat 6 va recevoir de nombreuses pièces issues de la course. Il passe à 3.4 l avant d’accueillir des pistons forgés ainsi qu’un ensemble bielles et arbres à cames en titane, des ressorts de soupapes plus rigides et un intercooler trois fois plus grand que celui d’origine, tous les éléments provenant de Porsche 934 ou 935. C’est aussi le cas du turbo KKK K33S capable de souffler jusqu’à 1,26 bars et pour le coup accompagné d’une wastegate avec soupape en porcelaine et d’un potard pour en régler la pression au tableau de bord. Son refroidissement a été optimisé. Au niveau de l’échappement, on retrouve une ligne en straight pipe, un collecteur sur mesure avec sonde de température et mano devant les yeux du pilote.
En 85 la voiture est exposée au Tokyo Exciting Car Show, affichant une robe devenue bordeaux. La Porsche 930 Yoshida Specials a su rester sobre. A l’époque, elle affiche 488 ch et elle va accrocher un beau 298,76 km/h lors d’un test sur le circuit de Yatabe. Elle a droit au titre de « fastest legend » dans les pages du magazine Option. Mais Yoshida est loin d’être satisfait. La voiture ne va pas assez vite et de plus, elle tremble de partout. Elle nécessite encore de nombreux réglages.
Donc tout ça c’est bien, mais c’est mieux si c’est exploitable et que ça reste sur le bitume. Du coup, Yoshida ne va pas faire semblant. Il équipe sa 930 de suspensions Bilstein réglables en 3D et fait poser des barres de torsion et barres stab’ de plus gros diamètre et renforcées. Enfin au niveau du freinage, les disques et étriers viennent d’une 935. En 87, il expédie carrément sa voiture en Allemagne chez Porsche afin que les ingénieurs puissent régler et peaufiner aussi bien le moteur sur le banc que le châssis sur le Nürb.
En 88, de nouvelles évolutions et optimisations vont faire passer la 930 à 542 ch. Un nouvel essai va alors lui permettre de passer la barre des 300 km/h et d’y laisser les segments, obligeant Yoshida de renvoyer une nouvelle fois la voiture chez Porsche, nous sommes en 1989. Cinq types de moteurs vont lors être testés au banc. Quatre vont exploser, le cinquième va résister… en fait, il s’agit carrément du bloc d’une 934, équipé des culasses à double allumage et qui reprend les specs du 3.4 l assemblé par Yoshida. Tout est forgé, on y retrouve le K33S, tout le pipping et il est maintenant gavé par une injection Bosch K-Jetronic réalisée sur mesure.
La boite 4 manuelle d’origine est conservée… enfin conservée ! L’embrayage et le volant moteur son empruntés à un 956 GrC. Les rapports sont modifiés pour être sûr que la voiture reste toujours dans sa plage de puissance. La 1ère tire jusqu’à 120, la 3ème jusqu’à 250 et le rapport final permet de passer les 340 km/h, du moins en théorie. Un deuxième radiateur de boite est installé afin de garantir que l’huile ne cuise pas.
C’est aussi à ce moment là dès son retour au Japon en juillet 90, que la voiture va subir les plus grosses modifications esthétiques. Le pare choc avant va être remplacé par un Midnight Porsche Works réalisé par le garage TBK à Tokyo, avec les antibrouillards intégrés ainsi que des prises d’air XXL et une lame qui vient ajouter de l’appui. Les jantes en 17″ viennent de chez Ruf (d’où le fait que beaucoup pensaient qu’il s’agissait d’un Yellow Bird) et sont équipées en denlock… un procédé qu’on retrouvait sur les roues des protos 956 et 962. Un profil spécifique permet, en cas de crevaison, de ne pas déjanter même à très grande vitesse, ça laisse une petite chance au pilote pour contrôler la voitures plutôt que d’aller se pulvériser dans un mur en béton. Les custodes latérales ont laissé leur place à des prises d’air NACA qui servent à alimenter le gazier en air frais sans pour autant pénaliser la trainée. Les rétros profilés viennent d’une RSR.
Dans l’habitacle, on y retrouve désormais un arceau 6 points Matter, un volant de 964 RS, des compteurs de 959 tournés afin que les aiguilles se retrouvent à la vertical histoire d’être bien visibles quand les chiffres commencent à devenir chauds. On retrouve également les manos de températures d’admission et de gaz d’échappement. Les sièges sont des baquets Lollipop en carbone tendus de cuir, en provenance d’une Porsche 935 Kremer Racing.
En 93, la Yoshida Specials va se lancer dans une nouvelle tentative officielle de record. Mais les conditions météo ruineront l’essai. C’est cette même année que Yoshida San et sa Porsche 930 vont inspirer Michiharu Kusunogi , le créateur du manga Wanga Midnight pour donner naissance à la Black Bird – une Ruf CTR Yellow Bird rebaptisée à cause de sa couleur noire – ainsi qu’à Tatsuya Shima, son pilote qui n’est qu’un chirurgien de renom…
En 99, le Mid Night Club est dissout. Absorbé par sa passion, Yoshida va arrêter la médecine pour se lancer dans la vente de voitures haut de gamme, supercars et hypercars en ouvrant plusieurs garages appelés Premier Cars. Sauf qu’il va avoir les yeux plus gros que le ventre. Les dettes vont s’accumuler et il va sombrer du côté obscur pour les éponger. Il va se mettre à encaisser les acomptes sur des ventes de voitures… qu’il n’a pas ! Une Porsche 918 en 2018, suivie d’une LaFerrari en 2019. Il va finir par être arrêté et emprisonné pour escroquerie.
Quant à la Porsche 930, elle va sombrer dans l’oubli. Il y a quelques années, la voiture a été sortie de sa retraite pour un essai signé Daijiro Inada, le rédacteur en chef du célèbre magazine japonais Option. Pour l’occasion, le mag a privatisé le circuit de Yatabe. Il en ressort un engin bluffant pour son âge, qui n’aurait rien à envier aux supercars modernes, aussi bien dans sa faculté à prendre de la vitesse qu’à scotcher au pavé. Daijiro a accroché plus de 340 km/h son volant, et il a été abasourdi par la maitrise et la facilité que la voiture offrait à cette vitesse. Il est alors clair que sur un wangan, cette Yoshida Specials devait être démoniaque.
Suite aux péripéties judiciaires de Yoshida San, ses garages ont été saisis et revendus. Celui situé à Obaida a gardé son nom de Premier Cars et continué son activité en vendant des sportives rares. Lors d’une visite de courtoisie, Dino Dalle Carbonare – de l’équipe de Speedhunters – a eu l’agréable surprise de découvrir la Yoshiba Specials, sagement posée dans le show room, aux côtés d’une Testarossa, d’une Lamborghini Diablo 35th Anniversary Edition, d’une Lexus SC430 habillée d’un kit V-Vision avec fender flares en carbone ainsi que d’une rare Curve AD MRX. La légende des Wanga est à vendre… à un prix gardé secret.
Top du top. J’ai vu tous les épisodes de Wangan Midnight et l’histoire de cette voiture et de son propio’ m’y fessait sérieusement penser jusqu’à votre référence. Sans cela je l’aurai indiquer en comm’!!!
Superbe ouvrage dans tous les domaines!!!
Je savais pas que le super manga était tiré d’une histoire vrai.
Dommage que l’histoire ce termine mal.