Olivier, c’est un homme de l’ombre. Derrière une éminente carrière de politologue et à l’image d’un homme masqué qui signerait ses ennemis d’un Z à la pointe de son épée, lui c’est à la pointe de son stylo qu’il essaye, modestement, de partager sa passion pour l’automobile. Et qui dit passion dit forcément #Petrolhead

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Présente-toi en quelques lignes

Je suis chercheur au CNRS, politologue, spécialiste de l’Union européenne et des parlements. Mon métier n’a rien à avoir avec la voiture et, dans ma vie quotidienne, entre télétravail et déplacements professionnels en train ou en avion, je roule très peu. Pour couronner le tout, je ne connais rien en mécanique. Je suis donc un drôle de petrolhead…

Pourquoi et comment en être arrivé à l’auto ?

Je fais partie d’une génération de gamins qui ont été éduqués dans l’amour des bagnoles. C’était les années 1970. J’avais des petites autos, un garage, je faisais des maquettes, je lisais des magazines auto, je dessinais des voitures, je jouais à ces jeux de cartes qui recensent les sportives les plus rapides…. A l’âge adulte, je suis devenu un automobiliste lambda, et je n’ai possédé que des voitures pratiques et modestes – notamment une Fiat Multipla d’un horrible vert-jaune métallisé… Je ne suis revenu à l’auto qu’en 2015, quand je me suis acheté une belle voiture.

Présente-nous ton activité

Je dessine des voitures classiques pour mes loisirs. J’ai commencé pour m’occuper pendant le confinement lié au COVID. J’ai enchainé les dessins et je les ai partagés sur les réseaux sociaux. Un éditeur m’a contacté pour me proposer d’en faire un livre d’art, qui est paru en avril dernier (‘Trésors automobiles du XX° siècle’, Editions Bibliomane). J’ai donc réuni 60 dessins et j’ai écrit les textes qui les accompagnent. Je continue en vue d’un second volume. Je fais aussi quelques dessins à la commande et je vends désormais des tirages d’art.

Parle-nous de tes partenaires et de ceux qui t’accompagnent

Je travaille de manière très solitaire : je dessine, le soir et la nuit, à un moment où je suis vraiment seul. Des amis et des inconnus sur internet m’ont suggéré de dessiner telle ou telle voiture, mais le dessin reste un travail de bénédictin penché sur sa table. Ceux qui m’accompagnent sont d’abord mon éditeur, le patron des Éditions Bibliomane, qui a déployé une énergie incroyable pour concevoir un beau livre, avec une maquette et des détails de fabrication somptueux, et le diffuser largement. Il y a Michel Claire, un ami, passionné d’automobile, qui a corrigé mes textes et m’a conseillé. Et il y a enfin Lebolabo, un imprimeur d’art à Bordeaux, qui fait des reproductions de mes dessins.

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Tes projets pour l’avenir ?

Je me suis lancé dans un recueil des plus belles voitures produites par les carrossiers italiens des années 1950 et 1960. Ils ont travaillé pour les constructeurs italiens, évidemment, mais aussi pour ceux du monde entier. Ils ont toujours fait preuve d’une créativité incroyable, et ont conçu près de 2.000 voitures sur la période. J’envisage à nouveau 60 dessins, et j’en ai déjà faits 18. Michel Claire s’occupera cette fois-ci des textes, car lui est un vrai expert de l’automobile, et que beaucoup de modèles sont méconnus. Je vais aussi consacrer du temps aux tirages d’art de mes dessins, car il existe une demande.

Au niveau passion, quel est ton premier souvenir avec une voiture ?

Quand j’avais 3 ans, en 1973, ma famille est partie vivre au Canada pendant deux ans. Sur place, mes parents ont acheté une Pontiac Le Mans 1970. Un coupé gigantesque de 5.15 m, animé par un V8 de 5.8 litres. C’était une voiture fantastique. Quand on est rentrés en France deux ans plus tard, ma mère a acheté une Fiat 500 d’occasion. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi on devait s’entasser dans cette boîte à sardines…

Qu’est ce qui te passionne le plus dans l’automobile ?

L’automobile est pour moi le symbole de la liberté et de la créativité. Quand j’étais ado, mes parents vivaient dans un village à 10 km de Strasbourg. A partir de l’âge de 15 ans, je ne rêvais que d’une chose : passer le permis et pouvoir enfin circuler librement. Pouvoir conduire de la vieille Datsun Bluebird de mes parents a changé ma vie. Aujourd’hui, l’automobile m’intéresse surtout d’un point de vue esthétique. Les designers ont fait preuve d’une créativité sans borne, et le style automobile a changé tous les 10 ans ces 100 dernières années. Ca ouvre des perspectives passionnantes pour le dessinateur que je suis.

Si on devait résumer ta passion, et ta vision de l’auto en 1 mot.

La grâce. A part peut-être l’architecture, il n’y a aucun autre domaine de la production humaine qui ait donné lieu à une telle débauche d’inventivité et de beauté. Mais c’est beaucoup moins vrai aujourd’hui, et comme beaucoup de passionnés d’automobile, je suis nostalgique de l’âge d’or des années 1950 à 1970.

Malgré cela, qu’est ce qui pourrait te faire détester les voitures ?

Détester, rien. Mais devenir indifférent, oui. Je n’ai aucun intérêt pour 99% de la production automobile actuelle. Et je trouve que même les marques sportives historiques filent un mauvais coton – avec leurs SUV patauds et des designs de plus en plus convenus ou tape-à-l’œil.

Les petrolheads en France tu les vois comment ?

Je ne connais que ceux des rassemblements de voitures classiques et du forum Jaguar que je fréquente. Je les vois comme des gens très sociables. C’est un milieu que j’ai découvert assez récemment, et je suis frappé de voir à quel point les relations sont conviviales et saines, entre des gens qui prennent plaisir à discuter, à se rencontrer et à s’entraider. J’ai fait de belles rencontres dans le monde de la voiture classique ; des personnes de tous les horizons, de toutes les générations qui partagent un intérêt commun en toute simplicité.

Comment vois-tu l’avenir de l’automobile ?

Je ne suis pas optimiste. La généralisation des SUV me désole. Les voitures-plaisir (coupés, cabriolets, sportives, GT, roadsters…) disparaissent. Les hyper-sportives conçues pour les émirs, les footballeurs et les traders se ressemblent toutes, et me laissent assez sceptique : zéro à cent en 3 secondes, à quoi ça sert, alors que ces engins ne peuvent pas franchir un dos d’âne ? Moi je veux une GT belle, charismatique, puissante et confortable, pour rouler dans le vignoble ou le long de l’océan, partir en week-end à San Sebastian ou dans le Périgord. Pour ça, il faut se tourner vers les anciennes aujourd’hui. Mais je ne sais pas combien de temps on pourra encore les faire circuler.

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Comment vois tu l’arrivée des voitures électriques ?

L’idée de remplacer le parc automobile actuel par 100% de véhicules électriques ne me semble pas une solution. C’est ingérable d’un point de vue pratique (matières premières, points de recharge, recyclage…) et cela n’apporte aucune solution aux défis environnementaux. A titre personnel, je trouve plus raisonnable de continuer à faire rouler mes voitures actuelles, qui respectent déjà des normes environnementales sévères, quelques milliers de kilomètres par an que de les mettre à la casse pour acheter des électriques.

Si tu pouvais changer ou modifier quelque chose…

Je taxerais les véhicules neufs selon leur poids ou leur volume. Je trouve absurde que l’on accorde encore des avantages fiscaux à des SUV hybrides rechargeables qui embarquent quelques centaines de kilos de batteries pour jouer avec la réglementation, mais qui ne sont souvent pas mis en charge et consomment autant qu’une sportive d’il y a 20 ans…

Tu as un budget « no limit », quelles sont tes 3 premières caisses ?

J’ai des goûts simples… Une Ferrari 400i pour le quotidien. Une Aston-Martin V8 volante (des années 1970) pour le week-end. Et une Jaguar XJ12 de première génération pour les déplacements en famille.

Et justement en parlant voiture, en quoi tu roules ?

Au quotidien, je conduis une Toyota Avensis SW de douze ans d’âge. Pratique, fiable, économique et ennuyeuse au possible. En 2015, sur un coup de tête, je me suis acheté une Jaguar XKR coupé (2003). J’ai toujours rêvé d’une belle anglaise et c’est, selon moi, la fin de la lignée : une voiture très belle, confortable, dotée d’un intérieur somptueux et équipée d’un V8 capable de déplacer tout ça très vite. Je ne roule avec que pour mes loisirs ou pour des sorties avec les membres d’un forum consacré au modèle. Chaque kilomètre est un plaisir !

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De toutes celles que tu as eu, laquelle t’as le plus marqué ?

Ma Jaguar est la seule belle voiture que j’ai eue. Mais, de même qu’on se rappelle toujours de son premier amour, je garde une affection particulière pour la Honda Prélude 2 de mes parents. J’étais un tout jeune conducteur et je me souviens, comme si c’était hier, des sensations que me procurait cette voiture : la position de conduite au ras du sol, le petit volant et l’habitacle très ajusté, les montées en régime triomphantes du 16 soupapes, le bruit rauque de l’échappement, la boîte très courte et la vivacité du châssis. Et elle avait des phares escamotables, le truc qui me faisait rêver quand j’étais gamin !

Le plus déçu ?

Toutes les américaines que j’ai pu conduire. J’ai souvent travaillé ou voyagé aux Etats-Unis. J’ai loué de belles voitures, avec lesquels j’ai sillonné le pays et les parcs nationaux : une Lincoln Towncar, plusieurs Mustang, une Dodge Charger, des gros 4×4… Aucune ne tenait correctement la route, n’était décemment conçue ou sérieusement finie. Après quelques jours, j’étais lassé et je ne voyais plus que leurs défauts. La seule fois où j’ai conduit aux Etats-Unis une voiture qui m’a épaté, c’était une Mercedes C 300, qu’on m’avait donnée au lieu de la Buick que j’avais louée.

Tu es plutôt moderne ou ancienne ?

J’aime les belles voitures de toutes les époques, mais j’ai une affection particulière pour celles des années 1970. Leur esthétique n’était pas encore entravée par les injonctions de la réglementation, les contraintes de l’aérodynamique, l’optimisation des coûts et les exigences du marketing. Elles avaient des gueules, et personne ne pouvait confondre une Jaguar, une Mercedes et une Maserati. Elles offraient aussi des niveaux de performance encore très acceptables aujourd’hui. Et les intérieurs n’étaient pas uniformément noirs…

Quel petrolhead t’inspire le plus (Pilote, artiste…)

Dans le mode de la voiture, j’admire avant tout les grands stylistes, notamment ceux qui ont travaillé pour les carrossiers italiens. Mais j’ai une tendresse particulière pour Paul Bracq, qui est à la fois un designer de génie et un peintre très inspiré.

Quelle musique écouter en roulant ?

Chez moi j’écoute volontiers de la musique plutôt bruyante, mais, au volant, je privilégie des choses plus calmes : du rock progressif, du baroque, du jazz. Si la route se complique ou si le rythme s’accroît, je coupe le son, car j’aime bien entendre tout ce qui se passe. Quand on conduit une anglaise, on guette toujours la panne… Et je me méfie de l’enthousiasme excessif que peuvent générer certaines musiques : écouter Motörhead en conduisant, c’est le plus sûr moyen de finir dans le fossé.

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Pour toi quelle est la meilleure route pour aller s’amuser et au volant de quelle voiture ?

Une petite route de Toscane au volant d’une GT italienne me semble une belle définition du bonheur automobile. Si possible avec un V12 !

Une course ou un évènement sportif qui t’a marqué (on parle bagnole hein !) ?

Je ne connais pas grand-chose au sport automobile. Je me souviens néanmoins d’un rallye régional auquel j’avais assisté, gamin, dans les Vosges. Il y avait là toutes sortes de voitures très pointues, dérivées de modèles de grande diffusion, mais je ne m’intéressais qu’à la Ferrari 308 GTB. Ce n’était pas la plus efficace du plateau, mais c’était pour moi l’incarnation de la voiture de sport.

Atmo ou Turbo ?

Compresseur ! Celui de ma XKR fait un bruit de turbine assez caractéristique. Certains n’aiment pas, car il couvre les vocalises du V8. Mais j’aime beaucoup ce son d’hélicoptère qui annonce la déferlante des chevaux !

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Drift ou grip ?

Grip. J’ai une conduite assez tranquille, car je n’ai pas de notions de pilotage et que j’aime ménager les mécaniques. Le drift, c’est en bateau seulement !

Bière ou whisky ?

Les deux ! Je travaille beaucoup en Belgique, et je connais la plupart des bières d’abbaye. Mais le whisky a aussi de très belles histoires à raconter. Quand j’étais étudiant, j’ai fait un tour des distilleries écossaises en Fiat Panda. J’aimerais le refaire en Aston Martin, ou même en Bentley, avec un chauffeur pour pouvoir vraiment goûter.

Boite manu ou séquentielle ?

Manuelle. Ma Jaguar a une boîte auto, mais je préfère les boîtes manuelles. Les séquentielles actuelles sont plus efficaces, mais il ne s’agit que d’efficacité, il faut rouler en Tesla…

Propulsion, Traction ou 4RM ?

Propulsion. Je trouve que rien ne vaut la propulsion pour ressentir la puissance d’une voiture. Et j’aime les mises en demeure que le train arrière envoie au conducteur. Elles impliquent des notions de pilotage ou de la prudence. Moi je suis prudent. Je n’ai pas envie de finir dans le bêtisier de Youtube, avec tous ces types qui plantent leur Ferrari dans un fossé à la sortie d’un stop…

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Full power ou light is right ?

Full power. J’ai toujours eu du mal à m’intéresser aux barquettes et aux petits moteurs – quand bien même il s’agissait de voitures très efficaces. Aujourd’hui encore, j’estime qu’une belle bagnole c’est un V6 au moins – même si je sais que le ‘downsizing’ est inévitable.

Static ou airride ?

Je n’ai pas beaucoup d’intérêt pour les voitures modifiées : je ne trouve pas cela beau. Idem pour les restomod affublés de jantes géantes. Par ailleurs, selon moi, le but d’une voiture, c’est de rouler. Beaucoup de véhicules rabaissés sont incapables de circuler ailleurs que sur un parking de supermarché et casseraient une jante au premier nid de poule sur une petite route de Dordogne… Ces voitures n’ont d’intérêt que si l’on prend plus de plaisir à les bricoler qu’à les conduire.

Circuit ou rallye ?

Circuit. Ceux des grandes courses d’endurance des années 1950 à 1970, où l’on voyait encore des GT « street legal ».

Bullit ou Fast and Furious ?

Bullit! Mais ce qui a forgé mon goût automobile, c’est la bagarre entre la DBS de Brett et la Dino 246 GT de Danny !

Télé, internet ou papier ?

Papier, pour dessiner, et ordinateur, pour écrire. Je passe tous mes loisirs à dessiner ou à écrire. J’ai publié – sous pseudonyme, pour que ça ne vienne pas se mélanger avec mes publications scientifiques – un recueil de chroniques de voyages, de petites histoires drôles illustrées (Oscar Vileito, ‘Chroniques d’un voyageur mécontent’, 2018, Amazon). J’ai une demi-douzaine d’autres livres en préparation – dont un sur l’automobile. Mais le temps me manque pour les finir.

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Passé, présent ou futur ?

Passé. Les voitures d’aujourd’hui ne m’intéressent pas. Et celles de demain promettent d’être pires encore.

Un message à passer ?

Si vous aimez les belles voitures du siècle dernier, allez voir mes dessins sur la page Facebook « Olivier car drawings » et jetez un œil à mon livre ‘Trésors automobiles du XX° siècle’ (Editions Bibliomane, 2022) !

Ton avis sur De l’essence dans mes veines ?

C’est un site qui a l’esprit ouvert et rend hommage à toutes les voitures et à tous les passionnés. Le monde de l’auto est souvent un peu snob, structuré en chapelles composées de gens qui ne se parlent pas et se dédaignent. Sur DLEDMV, il y en a pour tout le monde. Toutes les voitures sont traitées avec la même considération et le même sérieux. J’y ai découvert pas mal de choses… Et l’idée des portraits #Petrolhead est géniale !

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© Olivier Costa