Normalement, si vous kiffez les bagnoles, vous devriez déjà avoir entendu parler de la Vector W8 et de sa frangine, la M12. Par contre, les Vector Avtech WX3 et WX3R se sont faites plus discrètes et cachent derrière leurs noms de code deux protos. Un coupé et un roadster qui étaient sensés annoncer la remplaçante de la W8. Au lieu de ça, elles vont tuer la marque !
Gérald Wiegert
Bon, retour dans le passé. Commençons par faire connaissance avec Gérald Wiegert. Ce fan d’automobile et d’aérospatiale va suivre des études de design et d’ingénierie avant de commencer sa carrière professionnelle en travaillant comme consultant en design aussi bien pour Chrysler, General Motors que Ford. En 71, en s’associant à un certain Lee Brown (un carrossier spécialisé dans la transformation de voiture, bien connu d’Hollywood), il fonde Vehicle Design Force et souhaite donner naissance à une sportive américaine capable d’aller chasser les références européennes. Il va créer un premier concept car, baptisé « The Vector », dévoilé en 72 sous forme de maquette au salon de Los Angeles et qui aura les honneurs de faire la couv’ de Motor Trend.
Vector W2
En 76, un nouveau prototype plus abouti (mais toujours sans moteur) est dévoilé. Mais en 77, Lee quitte le navire. Wiegert réagit à ce départ et rebaptise son entreprise Vector Aeromotive. L’année suivante, il présente la W2 (Wiegert – 2 turbos). Son design est innovant et Wiegert la présente comme un avion de chasse à 4 roues… rien que ça ! Oui, mais ça fonctionne. A tel point qu’il va même réussir à faire financer en partie son projet par Philips Car Stereo Germany, qui se verra obligé d’arrêter le sponsoring de Ferrari en F1 ! En 79, un proto roulant de la W2 vient exciter la presse du monde entier. Cependant, la voiture est bridée et loin d’atteindre les 370 km/h annoncés.
Vector W8 Twin Turbo
Malgré les coups de comm’ à répétition, il faudra tout de même patienter 10 ans avant que la Vector Aeromotive Corporation dévoile à la fin de l’année 89 la W8 Twin Turbo, la descendante directe de la W2. La voiture affiche un look et des specs à faire pâlir la première Ferrari venue et à donner des nuits blanches à un assureur… si ce n’est que derrière la façade, c’est le drame. La fiabilité est désastreuse. Seulement 19 voitures vont être assemblées, 2 modèles de pré-série qui serviront aux salons et aux essais presse, plus 17 qui seront commandées.
Avtech WX-3… deux, c’est mieux qu’une !
En 92, alors que les comptes sont presque vides, Wiegert tente de sauver sa marque en présentant au salon de Genève, le concept de celle qui doit remplacer la W8, la Vector Avtech WX3. La voiture est aboutie mais non roulante. L’année suivante, ce sont deux Avtech WX3 qui s’affichent sous les projos du salon de Genève, un coupé avec une originale banquette 3 places et un roadster. Ce coup-ci, elles sont parfaitement capables de prendre la route.
Une W8 rhabillée
On reconnait parfaitement la signature stylistique de la Vector W8 si ce n’est que les angles ont pris de la rondeur. C’est moins violent, mais ça lui donne un look plus cossue et abouti. Bien entendu, le châssis monocoque en carbone collé et riveté à une structure nid d’abeilles en nomex associé à des plaques d’aluminium est celui de la W8. Par contre, sur la WX3, il était renforcé par un arceau intégré.
Un F16 à quatre roues…
L’habitacle reprenait lui aussi les codes de sa frangine W8. Toujours inspiré par l’aérospatiale, l’agencement du tableau de bord, la qualité et la finition ont été revus. Les informations affichées par les différents écrans misaient toujours sur une apparence qui n’avait rien à envier à un chasseur F16.
V8 Rodeck biturbo de 600 à 1200 ch !
Derrière le cockpit, le V8 Rodeck est toujours de la partie. Accompagné de deux turbos, Wiegert propose plusieurs variantes la première avec un V8 6.0 l biturbo de 625 ou 800 et la seconde voit le gazier passer à 7.0 l pour proposer 1000 voire 1200 ch sur demande. Si le roadster se contente de 625 ch, le coupé a droit à 1000 ch. Tous sont associés à une boitoto General Motors Turbo-Hydramatic 425 renforcée. Sur la version la plus énervée, Vector annonçait le 0 à 100 en 3,3 secondes pour une Vmax de plus de 370 km/h.
Euphorie à durée déterminée !
Quoiqu’il en soit, le public est conquit et les journalistes aussi. Les Vector WX3 vont devenir les stars de la presse spécialisée… même si personne n’aura vraiment l’occasion d’aller tester c’qu’elle a vraiment dans les pistons. De toute façon ils n’auront pas le temps, car l’histoire va vite s’arrêter.
Megatech, méga arnaque !
Pour sauver sa boite en 92, Wiegert a du vendre la majorité de ses parts à la Megatech une société indonésienne basée aux Bermudes. Malgré son statut majoritaire, l’accord stipulé que Wiegert gardait la direction de Vector. Mais l’année suivante, Megatech tente un OPA sur les actions restantes de Vector et déclenche alors un conflit avec Wiegert qui aboutit à son licenciement. Après une bataille juridique, il conserve les droits du design de la WX3 et récupère ses deux protos WX3 et WX3R probablement en guise d’indemnité de licenciement !
Vector M12, la Diablo WX-3 de Megatech
Megatech va reprendre les rênes, racheter Lamborghini en 94, déménager Vector de la Californie vers la Floride et lancer l’année suivante la Vector M12 qui n’est autre qu’une Diablo rhabillée et fortement inspirée par la WX3. Après 14 voitures vendues (plus 3 ou 4 voitures de pré-série), l’histoire de la M12 va s’arrêter en 99 quand Lamborghini stoppe les livraisons pour non paiement ! D’ailleurs, afin d’honorer les factures en attentes, les italiens s’empareront d’une W8 qui appartenait à Vector.
Objets de comm’…
De son côté, Wiegert va s’occuper d’Aquajet, sa deuxième société ouverte au début des 90’s, et développer sa gamme d’engins, des sortes d’hybrides entre un jet ski et une moto. Ses Vector WX3 et WX3R vont être respectivement repeintes en Brilliant Aquamarine pour le coupé et Amethyst Purple pour le roadster, avant de servir pour la comm’ et les opérations marketing d’Aquajet. Wiegert est décédé en 2021, deux ans après avoir revendu ses deux WX3. Aujourd’hui entièrement restaurées et fiabilisées (c’est important !), elles se rappellent à nos bons souvenirs en faisant partie des stars de la vente RM Sotheby’s de Monterey…
La grande histoire (mafieuse) des petits constructeurs, toujours un régal!!!