C’que j’adore avec les bagnoles, c’est qu’on en découvre presque tous les jours. ‘Fin, j’parle pour ceux qui cherchent à en savoir un peu plus que quelques images. Tenez, prenez l’exemple de cette Lancia Fulvia 1600 HF Competizione. Elle vient de refaire surface lors d’une vente de RM Sotheby’s… et avant ça, quasiment personne n’en avait entendu parler. En même temps, rien d’étonnant pour un modèle unique.
L’histoire de c’te Lancia Fulvia HF 1600 Competizione est aussi surprenante qu’intéressante. Nous sommes en 68… pendant que Gainsbourg s’apprêtait à signer son année érotique, Alejandro De Tomaso essayait de séduire Ford. En effet, quelques années auparavant, en 1963, le géant américain avait tenté d’acheter Ferrari alors en grande difficulté financière. Après de nombreuses, fastidieuses et longues discussions, l’accord allait se solder par un échec, Enzo ne voulant pas perdre le contrôle sur sa Scuderia. De son côté, Henry Ford II décida de tout mettre en oeuvre pour aller pulvériser les voitures italiennes sur leur propre terrain, à savoir les courses de GT en endurance… de là naquit la GT40, mais ceci est une autre histoire, que je vous ai déjà racontée.
Pendant c’temps là, y’en a un qui a tout observé, c’est Alejandro De Tomaso. Il en profite alors pour faire un appel du pied à Ford qui accepte de lui fournir le moteur de sa Vallelunga. Le partenariat s’arrêtera là, De Tomaso n’ayant ni le pedigree ni le palmarès de Ferrari. Mais il en faut plus pour décourager l’ambitieux Alejandro. Il est persuadé que Ford va continuer sa prospection en Italie. Si Enzo les a envoyés balader, la marque de Détroit pourrait se tourner vers Lancia. Et si c’est le cas, il s’y verrait bien dans le rôle du directeur. D’autant plus qu’il a le soutien de Lee Iacocca, faisant partie de l’équipe dirigeante de Ford et avec qui il s’est lié d’amitié.
Du coup, pour attirer l’attention d’Henry Ford II, il va se rapprocher de Lancia et leur proposer un projet original. Vous l’avez deviné, la Fulvia 1600 HF Competizione. Intéressée, la marque de Turin lui donne son feu vert et lui fournit un coupé Fulvia V4, la sportive qui avait fait son apparition en 1965.
Alejandro va alors tout revoir. Il commence par le châssis qui va être renforcé et modifié. L’essieu arrière rigide est viré pour laisser sa place à des triangles indépendants. L’avant est revu pour pouvoir abaisser le moteur de 30 mm, donc le centre de gravité et ainsi améliorer le comportement. Un plus grand réservoir en alu prend place derrière l’habitacle afin de recentrer les masses. Il débouche sur un bouchon à remplissage rapide.
Esthétiquement, la version De Tomaso n’a plus grand chose à voir avec le coupé Fulvia. Avant effilé avec phares pop-up, prise d’air sur le capot pour alimenter le V4 en air frais, le cul bombé est réhaussée et reçoit un original aileron escamotable monté sur vérins. Le vitrage est en plexi avec des persiennes installées dans les vitres latérales. Si tu n’sais pas que c’est une Lancia, tu le devineras pas. D’autant plus que l’habitacle ne vous aidera pas plus. Exit le tableau et les contre portes. A la place, c’est recherche de légèreté et d’efficacité. N’oublions pas que la 1600 HF Competizione devait se retrouver, comme son nom l’indique, en compet’. Inutile donc de s’embarrasser du superflux. ‘Noterez d’ailleurs qu’on retrouve dans le dessin du tableau de bord, celui de la Pantera qui apparaitra en 71.
Sous le capot, on retrouve le célèbre V4 de 1.6 l, un presque 4 en ligne puisque l’angle est de 13° (oui, VW n’a rien inventé avec son VR6…) et qu’il est incliné à 45° histoire d’abaisser au maximum le centre de gravité. Bien énervé par les sorciers de la Squadra Corse, il est capable d’envoyer 160 ch sur le train avant, via une boite 5 manuelle accompagnée d’un différentiel autobloquant. Bien aidé par un poids de moins de 900 kg, la Fulvia revue par Alejandro De Tomaso affiche un potentiel sportif détonnant.
Entre temps, Lee Iacocca a pris la direction de Ford… Alejandro y croit et s’y voit déjà. Sauf que c’est finalement Fiat qui va s’emparer de Lancia et par la même occasion, mettre un terme au rêve de De Tomaso, et remiser son projet aux oubliettes. La Fulvia HF 1600 Competizione ne restera donc qu’un proto abouti puisque Alejandro lui aura quand même fait faire quelques essais en 1970 sur le circuit du Mans, en espérant que Fiat lui donne son feu vert pour un futur engagement. Ce sera finalement non.
Oublié, il a refait surface il y a quelques années lors du concours d’élégance d’Amelia Island. Entièrement restauré, il a connu son heure de gloire avant d’être mis en vante chez RM Sotheby’s pour 120.000 €… Pour une caisse unique au pedigree aussi élitiste, j’oserai presque dire que c’est cadeau !
Elle a la face avant et la face arrière d’une Lancia et de profil de faux air de Matra Simca Baguéra avec un aileron en plus.Je ne connaissais pas cette belle Lancia et je kif!Heureux le nouveau propriétaire de cette bête de courses!!