La Citroen SM… Une voiture française ! Pincez moi, je rêve ! On irait même se demander c’qu’il a bien pu se passer après elle. Elle s’élevait au firmament de ce qui se faisait de mieux, une GT belle et performante, souveraine sur la route et aussi confortable qu’un salon anglais. Et puis, une crise pétrolière plus tard, elle s’est effacée aussi rapidement que ce qu’elle est apparue…
Nous sommes en 1970. La France brille à l’international. Le Concorde est le fleuron de l’aviation, le France représente le summum du l’eau et sur la route, Citroen s’apprête à faire trembler la planète auto. C’est au salon de Genève que débarque la SM. Le somptueux coupé est alors l’une des voitures les plus avant-gardistes de son époque, un choc, aussi bien pour les passionnés que pour ses concurrentes. Elle est aussi la seule voiture française à avoir réellement osé dans son approche technique pour dépasser ses rivales. Nos constructeurs devraient s’en rappeler… ça leur ferait du bien !
En fait la SM posait les nouvelles références d’aérodynamisme, de tenue de route, de confort, de freinage… et n’avait rien à envier aux BMW E9, Alfa Montreal, Mercedes 280 SL voir même l’Aston DBS et son 6 en ligne. Eh oui, une p’tite française se retrouvait au sommet de sa catégorie et se permettait même de dicter les règles.
Au niveau de la ligne, le dessin signé Jacques Né, offre un mélange de classe, de luxe, d’élégance à la française mais avec une touche de sportivité avec un profil affuté. Par rapport à la DS, déjà considérée comme une référence aérodynamique, elle réussit à améliorer le coefficient de pénétration dans l’air de 25%. Avec son cul qui se rétrécie, elle a une silhouette de flèche. A l’avant, les 6 phares sont abrités sous un plexi qui court sur toute la largeur. Ils offrent la particularité d’être directionnels et montés sur correction dynamique automatique ! Paradoxalement, les fesses sont massives, abruptes et débordantes de chrome. Cela avait été imposé à Robert Opron (Directeur du style de l’époque) par l’état major de Citroen, dans le but d’accentuer le côté luxueux de la GT.
Mais les prouesses de la SM ne s’arrêtent pas là… Les ingénieurs de Citroen s’étaient lâchés sur le châssis. Bien entendu, elle embarque les suspensions hydrauliques qui s’accouplent au freinage. C’est le même système que la DS, technique mais hyper efficace, il reçoit sur la SM un correcteur d’assiette supplémentaire et offre un compromis confort / tenue de route exceptionnel. La direction est la Diravi, bien connue des propriétaires de CX. Elle est équipée d’un rappel au point milieu assisté et asservi à la vitesse, qui déstabilise au début. Puis on se rend compte qu’elle est hyper précise, vive et sait aussi rendre les manoeuvres d’une grande facilité, faut juste s’y habituer et tenir le volant en courbe ! Surtout que la SM repose sur une architecture surprenante avec un train avant plus large que l’arrière.
On continue le voyage dans le futur une fois dans l’habitacle. Le dessin du tableau de bord mise sur l’ovoïde. Volant, compteurs, courbes, embase du levier de vitesses, dessin des sièges habillés de cuir, bienvenue dans une autre dimension ! Et ça continue avec l’équipement, colonne de direction réglable en hauteur et profondeur (Nouveauté sur une européenne), clim, vitres électriques… L’ambiance est là, tout aussi réussie à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Avec un tel plumage, un tel potentiel, il a fallu que la SM reçoive une mécanique digne de son statut. Et ça tombe bien puisque depuis 68, Citroen a acquis Maserati justement dans le but de pouvoir piocher dans leur banque d’organe mécanique. Ce sera donc un V6 à 90° qui viendra animer la GT française. Il affiche 2670 cm3, reçoit une culasse double arbres et est gavé par 3 carbus Weber 42 double-corps. Il développe 170 ch à 5500 trs pour 23,7 mkg de couple à 5500 trs. A partir de 73, les carbus laissent leur place à une injection Bosch D-Jetronic qui fera grimper la puissance à 178 ch tout en améliorant la conso (Comptez quand même sur 15l en moyenne !). Enfin à partir de 74, la SM peut recevoir une boitoto… son convertisseur lui bouffe tellement de watts que Citroen fait passer le V6 à 3.0l et 180 ch pour limiter la casse ! Quoiqu’il en soit au niveau perfs, avec 1450 kg à trainer, la SM croise à plus de 220 en vitesse de pointe tout en passant la barre des 100 km/h en 9 secondes et celle du kilomètre en tout juste moins de 30. Dans les 70’s ça causait…
En 75, la crise pétrolière calme les ardeurs de la direction de Citroen qui décide d’interrompre la production de la SM… De toute façon, les volumes de vente n’étaient pas au rendez-vous. Non pas que la Citroen soit une mauvaise caisse, bien au contraire puisqu’elle fut classée au niveau de ses nobles aïeules, Facel Vega, Delahaye et Delage. Non, le soucis de la SM était ailleurs… C’était une Citroen ! Et pour entrer dans le marché de la voiture de luxe, il fallait les p’tits fours et le champagne qui vont avec, chose que Citroen ne savait pas faire. Rappelez vous qu’à l’époque, chez Citroen, on vendait des 2CV, des Dyane, des Méhari, des Ami 6 et 8, et on mettait le paquet sur la GS qui venait de débarquer. On va pas bouffer du foie gras et des huitres chez Flunch voyez ! Pourtant la SM plaisait aux allemands, et même les américains ont craqué pour elle… Mais sans réelle ambition commerciale, son histoire s’est arrêtée en 75 après 12920 exemplaires produits…
Si maintenant vous vous dites qu’elle mérite sa revanche, n’hésitez pas vous laisser séduire par le modèle de 72 qui se pavane sous vos yeux et actuellement en vente chez VDR84. Juste magnifique dans sa robe biton or et noir refaite il y a seulement 3 ans et son intérieur cuir chocolat. Son V6 injection a été fiabilisé et possède son historique complète. Puis quand on voit les enchères records auxquelles partent les Citroen en ce moment, il faut se dépêcher d’en profiter avant qu’il ne soit trop tard !
© DLEDMV via Titi et VDR84 via Steph