1967, Montréal reçoit l’exposition universelle avec pour thème « Terre des Hommes, l’homme constructeur ». L’occasion pour Alfa de redynamiser son image en manque de vitesse. La marque présente 2 protos censés représenter l’image sportive d’un glorieux passé façonné grâce à la course et aux victoires. L’Alfa Romeo Montreal est née…

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Faut savoir qu’à l’époque, Alfa se cherche un peu, ou du moins, cherche surtout à redorer le blason qu’elle s’est construite dans la compétition. La marque s’est forgée un nom, une réputation… Des victoires, des titres, des pilotes, elle a touché le firmament et souhaiterait un peu y retourner. Au milieu des 60’s, elle mise sur ses coupés Giulia GT et GTV, prépare l’Alfasud, mais il lui manque sa star… une sportive capable de porter l’histoire de la marque à elle seule. Un vecteur d’image qui redonnerait au Biscione toutes ses lettres de noblesse.

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Le style de ces 2 protos est confié à Bertone et nait sous le crayon de Marcello Gandini (Qui a déjà signé la sculpturale Miura). Et alors que proto tu es, proto tu resteras, Alfa prend tout le monde à contre-pied en présentant sa version routière à Genève en 1970.

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Si les protos se basaient sur le châssis et le moteur de la Giulia GTV, il en est tout autre pour les routières. Sous les projecteurs, la gueule suffisait largement, mais sur la route, il fallait pouvoir compter sur le châssis et le moteur (Bah, ça peut servir !), le tout, avec 4 places et 1 coffre. La version définitive sacrifie un peu de la fluidité des protos mais reste sportive et gracieuse. Entrée d’air de type NACA sur la capot (Sympa mais factice !), 1/2 carénage de phares rétractable, profil de portière largement inspiré de la Miura, écopes sur les montants latéraux, on peine à reconnaitre une Alfa, mais le charme agit et la Montreal séduit l’oeil.

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La fluidité de la ligne est notamment due à l’architecture de l’ensemble. Les protos adoptaient l’ensemble châssis/moteur de la Giulia GTV. Mais ce n’est pas avec un 4 cylindres 1.6 l qu’Alfa va aller rivaliser avec les Dino 246 GT, la Jaguar Type E ou encore la Porsche 911. Il a donc fallu s’adapter au nouveau moteur… et quel moteur ! Un V8 directement issu de la course, puisqu’il animait les protos T33. Conçu par Carlo Chitti, il est modifié, fiabilisé, adapté aux nouvelles contraintes et civilisé. Il passe alors de 2.0 l à 2.6 l et reçoit l’appui d’une boite ZF 5 rapports sport, avec la 1ère en bas à gauche. Bloc et culasse sont en alliage léger, vilebrequin à contrepoids et lubrification par carter sec. 2 soupapes par cylindre, double arbres à cames en tête, distri par chaine, allumage électronique, injection mécanique Spica… avec une zone rouge perchée à 8000 trs (11000 en course)… la fiche technique est plus que séduisante, surtout qu’en course, le bloc délivre la bagatelle de 400 ch.

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Mais voilà, une fois civilisé, il n’offre que 200 ch à 6500 trs. Avec 1T300 sur la balance, les performances sont correctes mais restent derrière celles de toutes ses concurrentes. 220 en pointe, 0 à 100 en moins de 8 secondes, et le 1000m en 28… Oui, presque 50 ans plus tard ça peut faire sourire. De plus, son injection Spica présente des soucis de fiabilité, il n’en faut pas plus pour lui coller une étiquette qu’elle va se coltiner pendant plusieurs décennies !

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Sur la route, le manque de puissance se fait ressentir. Surtout que le châssis archaïque de conception, mais maitrisé par Alfa, reste sain. Voilà qui amplifie la frustration. Elle sait se montrer agréable sur belle nationale, mais perd du terrain face à ses concurrentes dès que la route devient plus tortueuse. Au final, elle se classe plus dans la catégorie GT que dans celle des sportives.

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La déception est grande… même si le chant du V8 reste une maigre consolation, mais suffit à réconcilier quelques fans du Biscione, 3925 exactement.

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Le problème de la Montreal est qu’elle en supposait plus qu’elle en offrait… autant l’engouement qu’elle suscite en 72 est monstrueux, autant les retours des 1ers clients refroidiront les ardeurs, déjà calmées par une crise pétrolière qui s’abat sur l’Europe. Alfa interrompt la production du coupé en 1974 alors qu’il lui faudra insister jusqu’en 1977 pour écouler toute la production.

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Alors au final, la Montreal est un paradoxe… même si Giuseppe Busso a certifié que le projet initial était bien plus technique et ambitieux que la version finale. Il n’empêche qu’elle a suscité la critique de la plupart des Alfistes, les plus virulents iront jusqu’à dire qu’elle demeure une trahison à l’esprit Alfa. Mais la seule conclusion qui subsiste est qu’il lui aura finalement fallu laisser passer le temps pour finir par conquérir le coeur des fans et trouver sa place. Elle demeure aujourd’hui une vraie Alfa…

© Simon Bloz & signatures éventuelles