La Jaguar Type E c’est un virus… Vous savez avant elle, tout allait bien. Puis on la croise sans même se rendre compte qu’à partir de ce moment bien précis, notre vie va changer. Oui inconsciemment on se transforme, notre corps ne sera plus irrigué que par du sang, mais aussi par ce liquide hautement inflammable qu’on appelle de l’essence… Voilà, c’est ça la Type E, un déclencheur de passion… un virus j’vous dis !
Quand Jaguar dévoile sa Type E en 1961 sur son stand au salon de Genève, c’est le double effet Kiss Cool (Je ne sais même pas si ça existe encore !). D’une c’est la surprise totale puisque la marque de Coventry avait réussi à garder le secret jusqu’au dernier jour (Vas y, fais la même chose aujourd’hui !). De deux, c’est surtout une bonne grosse baffe dans la gueule de tous les spectateurs qui admirent ce chef-d’oeuvre en direct live et restent totalement scotchés par cette ligne équivalente à nulle autre…
La marque avait besoin de se renouveler. Forte d’une excellente image sportive, ses XK commençaient quand même à accuser le poids du temps et la concurrence, de plus en plus affutée, les poussaient encore plus vite vers la retraite.
A sa sortie, la Type E a réellement suscité un véritable phénomène. Chaque modèle aperçu dans la rue était source d’attroupement, les femmes se jetaient dessus, nues, se frottant à… oups pardon, des fois je m’emballe ! Bref, les concessionnaires étaient littéralement pris d’assaut par les clients, des stars et des personnalités qui voulaient absolument rouler dans ce carrosse qui venait subitement de faire prendre 20 ans à toute la production auto. Bref, si tu voulais être le King du parking, fallait rouler en Type E.
Le dessin est signé Malcom Sayer, sous la direction de William Lyons alors responsable du centre de style de Jaguar. Il est juste parfait, tendu, sportif, séduisant, élégant, mais finalement d’une simplicité et d’une beauté presque dérangeante pour tous ceux qui n’y ont pas pensé avant. En même temps, Sayer venait de l’industrie de l’aéronautisme et en bon aérodynamicien, il n’a fait « que » poser sa science sur papier. Blindée de détail, la Type E absorbe les regards. Sa petit calandre en forme de bouche, ce capot plat et interminable qui semble avaler le bitume, et bascule dans son intégralité vers l’avant pour laisser admirer les entrailles de la bête. Les prises d’air parfaitement intégrées dans le creux entre les galbes des ailes avant et la bosse centrale du capot. Les phares sous globes et parfaitement encastrés. Ce cul aérodynamique, court, avec son hayon qui s’ouvre sur le côté. Et cet habitacle rejeté qui donne l’impression que le pilote a posé ses fesses sur les roues arrière. La Jaguar séduit sans exception.
Et le charme continue d’opérer une fois la porte ouverte. L’habitacle est exigu, mais il sait se montrer chaleureux, luxueux et accueillant. La planche de bord reçoit son lot de compteurs, de manos et d’interrupteurs à basculeurs. Sellerie cuir pleine fleur, moquette épaisse, bois précieux, c’est une anglaise et fière de l’être.
Enfin, histoire d’achever la concurrence, la Type E affiche un prix juste délirant comparé au statut social qu’elle revendique. 3 fois moins chère qu’une Ferrari, 2 fois moins qu’une Maserati… dont elle n’a rien à envier ! Car au delà d’une gueule et d’une finition premium, elle propose aussi un châssis réglé aux petits oignons, efficace et sportif, mais qui n’oublie pas d’être confortable !
Enfin sous son long capot, elle reprend le 6 en ligne de 3.8l, double arbres, gavé par 3 carbus SU. Il faisait le bonheur des XK150S. Avec 265 ch SAE pour 1220 kg, la Jaguar affiche le 0 à 100 en moins de 8 secondes et le kilomètre départ arrêté en 28 secondes. Elle plafonne à 240… nous sommes en 61, la concurrence est derrière… Don’t act !
En 64, au salon de Londres, le 3.8l laisse sa place à un 4.2l. La puissance ne change pas, le couple grimpe un peu. Les perfs sont améliorées de quelques dixièmes, mais c’est surtout la souplesse et l’agrément qui sont les grands gagnants dans l’histoire.
Voilà, au fur et à mesure que je vous déblatérais de quoi enrichir votre culture automobilesque, je ne cherchais juste qu’à placer les clichés de cette magnifique Jaguar Type E 4.2l roadster. Une façon de montrer aussi ce qu’on a perdu… Oui, Jaguar existe toujours rassurez vous, mais je trouve qu’elles ont perdu ce charme dont la Type E est une magnifique ambassadrice. Les voitures étaient belles, simplement. Aujourd’hui, elles sont… aérodynamiques, modernes, technologiques et elles doivent le montrer juste dans leurs lignes. Tout est calculé, pensé, voué à la performance et à l’efficacité. Avant il y avait des règles, mais le dessin final ne dépendait que du coup de crayon de son géniteur, et pas des données techniques obtenues à la sortie d’une soufflerie, ou de tests informatiques qui viennent au final dicter les lignes. On a perdu cette grâce, ce côté humain… Mais bon, comme d’hab, tout ceci n’engage que le crétin qui signe ces lignes et qui semble être resté coincé dans le passé… mais qu’est ce qu’il était séduisant !
Enzo Ferrari disait que c’était la plus belle voiture du monde, c’est dire.
On peut reprocher à Jaguar de ne pas avoir sut fait perdurer cette avance technique et stylistique, mais un coup pareil n’est pas facile à faire, et à refaire : encore moins! Et la grande majorité des marque n’a d’ailleurs jamais fait un coup pareil. Au moins Jaguar à sur le faire au moins 1 fois.
Total respect pour ce monument de l’automobile.