L’histoire entre Stirling Moss et Enzo Ferrari, c’est une simple question d’admiration. Après un premier contact en 52, qui se soldera par un échec, il faudra attendre 1960 pour voir le pilote britannique tenir le volant d’une voiture au Cavalino Rampante. Histoire…
C’est en 52, impressionné par le coup de volant de ce jeune pilote britannique de 23 ans, qu’Enzo Ferrari va prendre contact en personne avec lui. Il lui propose de rejoindre la Scuderia et de prendre le volant d’une de ses voitures. Mais le temps que Moss se rende à Maranello, le Commendatore avait déjà jeté son dévolu sur Piero Taruffi. Même si Ferrari privilégiait toujours des pilotes italiens pour piloter ses voitures, cela ne l’empêchait pas de porter un immense respect vis à vis du britannique. Dans son livre « Piloti che gente », il témoignait sur Stirling Moss : « il avait une passion incroyable pour la vitesse, roulait vite dans n’importe quelle voiture. Comme je l’ai dit un jour… si Moss avait laissé sa tête prendre le pas sur son cœur et sa soif de gagner à tout prix, il aurait remporté le titre mondial qu’il méritait. » Moss lui rappellait Tazio Nuvolari, celui qu’il considérait comme « le plus grand coureur d’hier, d’aujourd’hui et de demain« , un sacré compliment de la part d’Enzo.
Il n’empêche que pendant de nombreuses années, que ce soit en F1 ou en championnat de voitures de sport, Stirling Moss va prendre un malin plaisir à battre les voitures rouge et donner du fil à retordre aux pilotes de la Scuderia. Enzo Ferrari ne lui en tiendra jamais rigueur, bien au contraire, cela aura tendance à amplifier l’estime qu’il portait envers le pilote britannique, même si Moss, vexé et revanchard dans l’âme, mettra un long moment à passer l’éponge sur cette histoire. En attendant, il passera une grosse partie de sa carrière derrière le volant de voitures britanniques, et quand il aura enfin l’occasion de piloter une italienne, ce sera une Maserati.
Dans la 2ème moitié des 50’s, alors pilote de F1, Moss va se retrouver au volant de monoplaces engagées par l’écurie privée du Rob Walker Racing Team, dont le propriétaire, Rob Walker (vous l’aviez surement deviné !) n’est autre que le fils et l’héritier de la marque de whiskies Johnnie Walker (Créée par John Walker). Et finalement, c’est ce cher Rob Walker qui va indirectement permettre à Stirling Moss de se réconcilier avec Enzo Ferrari.
L’histoire commence dès 1960. Parmi les voitures que compte l’écurie de Rob Walker, on note une Ferrari 250 GT SWB (Short Wheel Base ou châssis court). Voiture quasi officielle confiée à l’écurie anglaise. Moss va en prendre le volant le 20 aout 1960 lors de la course du RAC Tourist Trophy qui se déroule à Goodwood. Au terme des 103 tours, il franchit la ligne d’arrivée en première place avec quasiment deux minutes d’avance sur ses poursuivantes, les Aston Martin DB4 GT. Il enchaine et réédite l’exploit au Redex Trophy et à Nassau. L’année suivante, il est de retour dans l’italienne, et accroche une nouvelle fois le Tourist Trophy, Nassau, et le Peco Trophy.
Mais l’histoire va prendre une nouvelle tournure aux 24h du Mans 1961. Moss est au départ de la course, engagé par le Rod Walker Racing Team qui pour l’occasion sert de support européen à la Ferrari 250 GT SWB aux couleurs de NART (North American Racing Team), l’écurie de l’ex-pilote Ferrari devenu importateur exclusif de la marque aux USA, Luigi Chinetti. Cette association privée, camoufle un engagement semi-officiel de la Scuderia. Et si la course se soldera par un abandon au 131ème tour, le Commendatore, va faire une proposition à Moss : « Si tu me dis quelle voiture tu veux, je te la construis« . Le pilote est impressionné par les performances et l’efficacité de cette 250 GT qu’il a déjà menée à la victoire à 6 reprises. En parallèle, Ferrari est toujours autant admiratif des talents de Moss, d’autant plus qu’il fait maintenant gagner ses voitures. Moss va lui répondre : « Je veux une Ferrari 250 GTO pour le British Racing Partnership (l’écurie de Moss) et je veux une Ferrari 156 (la F1) pour l’écurie de Rob Walker. Les deux, peintes en bleu, les couleurs des deux écuries Si vous acceptez, alors je courrai pour vous ».
Il faut bien comprendre comment Enzo voit les choses. Pour lui, rien n’est plus important que ses voitures de course. Il est au centre de tout ce qui concerne sa Scuderia… le choix des pilotes, les décisions techniques, et bien entendu la couleur de ses voitures. Même pour ses clients, il estime d’abord si oui ou non, ils sont au niveau de ses voitures. Ils préfèrent refuser une vente plutôt que de voir une Ferrari entre de mauvaises mains. A tel point que sa réputation le précède. Travailler ou piloter pour Ferrari, c’est d’abord et avant tout accepter de se plier à ses exigences sans en attendre le moindre retour. Ainsi si Enzo dit oui à Moss, ce sera bafouer ses propres règles. Et pourtant, Ferrari va accepter… une belle preuve de son admiration et de tout le respect qu’il portait pour le pilote britannique.
Début 62, Moss est une nouvelle fois invité à Maranello. Enzo lui propose même de participer au développement de la 250 GTO. Concernant la F1, une voiture sera assemblée, préparée comme une voiture officielle mis à part qu’elle sera alors repeinte en bleu, les couleurs du Rob Walker Racing Team à qui elle sera ensuite confiée.
Mais Moss ne se rendra jamais à Maranello. Quelques semaines avant, il sera victime d’un grave accident à Goodwood qui le poussera par la suite, à mettre un terme à sa carrière. Si Moss et Ferrari auront finalement réussi à trouver un terrain d’entente. Le respect que portait Enzo envers Stirling aurait pu mener à la naissance de la seule et unique F1 Ferrari bleue. Le sort en aura voulu autrement, mais l’histoire valait quand même bien la peine d’être racontée.
En 2017 Ferrari fête son 70ème anniversaire. La marque va alors confier à son département « Tailor Made », spécialisé dans les projets sur mesure, d’imaginer 70 livrées inspirées des voitures de courses qui ont marqué l’histoire de la Scuderia. Chacune d’entre elles pourra alors être réalisée seulement 5 fois, sur des voitures neuves. 350 voitures numérotées qui viendront marquer cette année particulière. H.R Owen, le concessionnaire Ferrari londonien, accessoirement élu « Global Ferrari Dealer of the year » en 2016, décide alors de faire réaliser une 812 Superfast reprenant les couleurs de la 250 GT SWB du Rob Walker Racing Team. La supercar revêt alors la célèbre robe « Blu Scozia Opaco » ponctuée de sa bande blanche transversale à l’embase du capot. Une livrée qui sera baptisée « The Stirling ». Pour le reste, c’est une Ferrari 812 Superfast « classique » avec son V12 atmosféérique de 6.5l pour 800 ch et 718 Nm. De quoi catapulter le missile de 0 à 100 en moins de 3 secondes avant d’aller flanquer l’aiguille du compte à 340 km/h maxi !
Avant de vous laisser, je fais un gros pompelup à Camille qui a donné vie à la fameuse Ferrari bleue de Sir Moss. Designer de son état, n’hésitez pas à le joindre de notre part pour vos projets, il est aussi talentueux que gentil et disponible.
Belle histoire!!!
Je n’imaginais pas que l’on put voir un jour une 156 « sharknose » aux couleurs du Rob Walker Racing Team … Sir Stirling MOSS a bien été le plus fantastique pilote de tous les temps et le Commendatore ne s’était pas trompé en faisant repeindre ses mythiques voitures rouges en bleu marine et bande blanche … Que ce maudit accident de Goodwood , en 1962 , soit maudit : le rêve n’a pu se réaliser …
Vous nous avez raconté là une bien belle histoire !
Qu’ils dorment tous en paix !…
Merci Thierry pour cette belle histoire de la Ferrari Bleue que je ne connaissais pas.