Dans la famille Alpine, l’A110 c’est la sportive pure et dure. A ses côtés, l’Alpine A310 c’est la GT qui vient se positionner au dessus avec un V6, de la moquette, une sono et les vitres électriques. Mais voilà, on est chez Alpine… et chez Alpine une sportive, ça doit courir en rallye ou sur circuit… voire même les deux !
A partir de 1962, chez Alpine, il n’y a que l’A110 pour financer le programme sportif et assurer la sérénité financière du constructeur qui n’est en fait qu’un gros artisan. C’est un peu short… surtout que l’A110 n’est pas vraiment du genre à mettre en toutes les mains. Sportive radicale, son potentiel commercial est plus que limité, contrairement à son tempérament sportif… qui ne suffit pas pour obtenir des ventes dignes de ce nom. Du coup, à la fin des 60’s, Jean Rédélé va mettre en oeuvre une deuxième voiture, une GT confortable et spacieuse, avec deux p’tits sièges arrière, capable d’aller chercher les allemandes, les anglaises et les italiennes.
L’Alpine A310 est présentée début 71 au salon de Genève avec le 4 cylindres 1.6 l de l’A110 1600S sous le capot. En fait il s’agit du bloc de la R16 TS revu par les sorciers d’Alpine pour passer à 128 ch et accompagné de la boite de la R12 Gordini. Même avec un poids qui se limite à 930 kg, c’est un peu just pour aller chasser de la 911 ! Pendant 5 ans, l’Alpine A310 va devoir se contenter du 4 cylindres… et le rachat par Renault en 72 n’y changera pas grand chose, si ce n’est l’arrivée de l’injection sur le 1.6 l.
Bon, comme on est chez Alpine, il est hors de question de ne pas engager l’A310 en rallye… avec quelques coups d’éclat comme la 3ème place de Jean Luc Thérier au tour de Corse 74, juste derrière… l’A110 de Jean-Pierre Nicolas, ou encore une 2ème place pour Michèle Mouton à l’Alpin-Behra de 76.
Non, c’est vraiment en 76 que la sportive tricolore va enfin passer aux choses sérieuses en voyant débarquer le V6 PRV sous son capot qui vient purement et simplement remplacer le 4 cylindres… Ne nous emballons pas, le gazier affiche 150 ch, pas de quoi tirer un feu d’artifice ! Mais… son potentiel est là. Avec ses 2.7 l de cylindrée pour un rendement agricole qui dépasse péniblement les 50 ch/l, il ne demande qu’à être libéré et shooté ! Et justement, Renault va en profiter pour le montrer en demandant aux ingénieurs de chez Alpine de développer une version Gr.4 qui reste en 2.7 l mais aussi une Gr.5 sur laquelle le V6 affiche 3.0 l de cylindrée. Développant jusqu’à 275 ch pour les versions les plus énervées, les choses vont changer…
En 77, elle va devenir la machine à gagner. Championne d’Europe de rallycross avec l’Autrichien Herbert Grünsteidl, championne de France dans la même discipline aux mains de Jean Ragnotti, mais surtout championne de France des rallyes, menée par Guy Fréquelin qui accrochera pas moins de 10 victoires sur les 17 épreuves que compte le championnat. On la croisera même au 24h du Mans… Fort de ce succès sportif, Renault va aller jusqu’à proposer une version client de l’Alpine A310 Gr.4. Mais après seulement six voitures assemblées, l’histoire de l’A310 officielle va être subitement s’arrêter, victime d’une logique marketing puisque chez Renault on préfère laisser la récolte de trophées à la toute nouvelle star de la marque, la R5 en général et la R5 Turbo en particulier.
Histoire de ne pas sacrifier pour autant la carrière de l’A310, aussi bien commerciale que sportive, Alpine va proposer un kit avec gros freins, renforts de châssis, gros moyeux et nouvelle direction, afin de modifier une V6 d’origine pour en faire une Gr.4. Mais rien n’empêchait les préparateurs de se pencher sur son cas… à partir du moment où ils respectaient le règlement pour obtenir leur homologation.
Ce sera le cas de cette superbe A310 rouge de 77, achetée par Michel de Vliegher, un pilote et spécialiste de la marque, dont l’atelier VEC Racing était réputé pour ses préparations sur A110 et Renault Sportives. Son équipe va se pencher sur son cas pour en faire une Gr.5 (V6 3.0 l) avec laquelle il va courir pendant des années, avant que la maladie lui fasse raccrocher le casque et remiser l’Alpine avant qu’elle ne soit rachetée il y a une dizaine d’année par Michel Closier.
L’A310 va se retrouver à « fibre » pour être entièrement refaite et remise en config’ Gr.4, à l’image de celle de Guy Fréquelin. Projet qui va tourner autour d’un PRV de 2.7 l signé Ferry Développement, pour 260 ch qui filent direct aux roues arrière via une boite 5 à crabots associée à un pont autobloquant. Pour encaisser, le châssis est entièrement remis à neuf, renforcé, les trains roulants sont ceux de la R5 Turbo maintenus par des suspensions R-tec réglables avant d’être posé sur des Gotti 75BA en 15″. La caisse est simplement habillée des extensions d’ailes rivetées qui vont bien, en faisant l’impasse sur les bas de caisse et le pare-choc outrancier… et ça lui va très bien. La rampe de projos à l’avant et le hayon arrière posé sur cales afin de laisser un léger angle d’ouverture pour évacuer les calories du V6.
Dans l’habitacle, oubliez l’esprit GT… c’est vidé, arceauté, et à la place des deux sièges arrière, on trouve un réservoir alu. Pour le reste, c’est baquets Sparco, harnais Turn One, extincteur, commutateurs, coupe circuit, manos, volant racing… tout c’qu’il faut pour aller chasser le chrono. D’autant plus qu’après un régime sec (vidage, vitrage en plexi…), la sportive a perdu 200 kg sur la balance pour n’en afficher plus que 960.
Après une longue mise au point, histoire de la régler aux p’tits oignons, la voiture a fini par trouver tout son potentiel, bluffant même un certain Jean-Claude Andruet qui en a pris le volant sur le circuit du Luc dans le Var. Michel Closier a parfaitement réussi son pari en lui redonnant l’esprit de celle qui a mené Guy Fréquelin à la victoire au championnat de France des rallyes en 77. Un bel hommage à l’A310, trop souvent oubliée.
Bel article Thierry, tout est juste , pas une fausse note.
Bravo !
Michel Closier