Si je vous dis Toyota Supra, vous pensez à une caisse qui est dans les 10 ! Sauf que là, la bestiole est faite pour les circuits. Du coup, vous vous imaginez déjà la manette entre les mains pour chasser la trajo virtuelle en GT500 sous les couleurs de Castrol. Encore raté ! Cette Toyota Supra a joué du touring car en 85 aux mains expertes de Barry Sheene…
Barry Sheene… ce nom doit parler aux (vieux) fans de deux roues, à ces motards à la double vie, écervelés casqués au guidon de leurs missiles sol – sol le week-end et papas modèles séduits par les voitures hybrides Toyota la semaine ! En effet, notre homme a passé 16 années aux guidons des 125, 250 et 500 cc du championnat du monde avec, à son palmarès, 102 départs, 19 pôles, 52 podium pour 23 victoires et 2 titres de champion du monde en 500cc en 76 et 77. Mais voilà, à la fin de la saison 79, sa carrière prend un nouveau tournant. Persuadé que Suzuki fournit du matériel plus performant à son équipier, il quitte l’écurie officielle pour rejoindre un team privé qui va lui fournir une Yamaha. Les résultats ne sont plus au rendez vous. Barry sombre dans le classement. En 81, au guidon d’une machine enfin compétitive, il retrouve le chemin des podium et termine à la 4ème place, mais une fois encore, le sort s’acharne sur lui et en 82, un terrible accident est à deux doigts de le clouer dans un fauteuil roulant. Ses jambes sont sauvées, mais il ne retrouvera plus ses facultés. A la fin de la saison 84, malgré une 6ème place au classement mondial, il finit par raccrocher le guidon… pour passer au volant !
Déjà en 1981 il s’était offert une pige au volant d’une Mazda RX7 confiée par le TWR pour participer à une épreuve du British Saloon Car Championship (le précurseur du BTCC) sur le circuit de Mallory Park situé au nord de Coventry. Sheene venait de trouver son occupation pour sa retraite. En 85, on le voit s’aligner dans le BSCC au volant d’une originale Toyota Supra… celle qui défile devant vos yeux.
Chez Toyota, la Supra c’est en fait une Celica allongée et élargie afin de pouvoir accueillir un 6 en ligne et reprendre l’ADN de la mythique 2000 GT. D’ailleurs les premiers millésimes sont des Celica Supra… ce ne sera qu’à partir de 86 avec l’arrivée de la MK3 que les noms Celica et Supra seront affectés à deux coupés bien distincts, le premier embarquant des 4 cylindres, le second des 6 en ligne.
Nous sommes donc en 85, le châssis #00056255 Celia Supra préparée par Hughes de Beaconsfield. La voiture répond aux spécifications du Gr.A, l’élite de la catégorie. Vidée, renforcée, ressoudée, arceauté… elle embarque le strict nécessaire pour aller chasser le podium, voir plus si affinité. Ouais, on est loin du rasso du vendredi soir. Bien entendu le châssis est revu en conséquence tout comme le 6 en ligne de 2.8 l, le 5M-GE. Arbres à cames, gestion, injection, admission, ligne, tout est revu pour tirer 225 ch et 280 Nm de couple perchés à 6500 trs. Inutile de vous dire que tout se passe sur 1500 tours et que pour débrider la bridée, faut partir à l’assaut de la zone rouge afin d’envoyer les watts aux roues arrière via une boite 5 manuelle Quaife associée à un DGL. La tonne de l’engin fait le reste… enfin surtout Barry qui va devoir la dompter du pied droit et du volant.
Sur les 12 courses que compte la saison 85, Sheene va prendre le départ à 10 reprises. Et si on fait abstraction de 4 abandons, il accrochera une cinquième place, et deux podium à Thruxton et Silverstone. De quoi boucler sa première saison à une honorable 3ème place dans le classement des rookies.
La saison suivante, Barry Sheene refera une seule apparition lors de l’épreuve de Silverstone au volant d’une Toyota Corolla GT Gr.C du team Duckhams, qu’il mènera à la 11ème place. On le croisera également dans le championnat d’Europe, cette fois encore à Silverstone, pour dompter une Mitsubishi Starion Turbo confiée par le team BBW Turbosport. Une course qu’il ne terminera pas mais qui signera une retraite bien méritée.
En proie à de vives douleurs aux jambes, Sheene s’installe en Australie où il va combiner une carrière de promoteur immobilier avec celle de commentateur sportif. En 2002, on lui diagnostique un cancer qui aura malheureusement raison de lui 8 mois plus tard. Barry Sheene s’est éteint en mars 2003 à l’âge de 51 ans. Il fait aujourd’hui partie des icônes britanniques, un sportif qui a marqué son époque mais aussi le monde de la moto.
Magnifique histoire croisée que celle de cette auto et la légende Barry Sheene!!!