Dans les 90’s aux States, une sportive, c’est un paquebot shooté au gros V8 avec un châssis qui fait c’qu’il peut, tant que la route est droite. Loin des standards européens où un sportive doit avoir un bloc optimisé en position central arrière, dans des châssis réglés aux p’tits oignons. ‘Fin, ça c’était avant l’arrivée de la Mosler Consulier GTP… sportive américaine qui s’est prise pour une européenne !
Avant de se lancer dans les missiles sol-sol, Warren Mosler était trader, et économiste reconnu, plutôt doué dans l’art de gérer les fonds que lui confiaient ses clients, a tel point qu’il se retrouvera même à la tête d’un « hedge fund » de plus de 5 milliards de dollars. Alors qu’une belle carrière lui sourit, il préfère succomber à sa passion pour la bagnole ne général et du pilotage en particulier. En 1985, il décroche de Wall Street pour fonder une société qu’il appelle Consulier Industries afin de développer et lancer sur le marché une sportive américaine qui reprend les mêmes codes que les européennes : moins d’une tonne, moteur compact et excité en position central arrière.
Pour faire une voiture, il faut d’abord un châssis. Mosler ne va pas y aller de main morte en faisant faire par un spécialiste de l’aéronautique, un ensemble monocoque en fibre de verre dans lequel sont incrustés des points d’attaches en acier censés recevoir les éléments des trains roulants qu’il pioche dans le catalogue Chrysler.
C’est également Chrysler qui va fournir le moteur, un originale 4 cylindres 2.2 l turbo, qu’on retrouvait sous le capot de la Dodge Omni GLH, et dopé à 175 ch par Shelby sur les GLHS et CSX. Au niveau design, c’est particulier… Mosler ne semble pas s’être embarrassé d’une quelconque notion de subtilité esthétique. Tracée à l’équerre, on ne peut pas dire que la Consulier cherche à séduire. Pourtant, il faut croire que l’alchimie entre le châssis, l’architecture, le moteur et l’aéro, va plutôt bien faire le job. Misant sur son rapport poids / puissance, la Mosler Consulier va faire des ravages en IMSA en écrasant sa classe pendant 5 saisons. A tel point que pour la saison 91, les organisateurs vont modifier le règlement en imposant un poids minimum. Du coup, la Consulier va être obligée d’embarquer 300 kg de lests… La messe est dite !
Mosler prévoit une production de 200 à 300 voitures par an, et sa Consulier GTP est proposée en deux finitions. La Sport pour les purs et durs et la LX, version luxe avec jantes Fittipaldi, baquets Recaro cuir, sono Alpine, toit ouvrant, clim, régulateur, et même le téléphone ! En 90, le 4 cylindres passe à 190 ch pour 249 km/h en vmax. Mais rien n’y fera… jusqu’en 1993, seulement 70 voitures trouveront preneurs. Mais il en faut plus pour décourager Warren.
C’est cette même année que Consulier Industries devient Mosler Automotive et que la Consulier est rejointe par la nouvelle Intruder… qui n’est autre qu’une Consulier mais avec un V8 LT1, le 5.7l de 300 ch qui, une fois revu par Lingenfelter, passait à 450 ch en mode course. Sur les quatre voitures assemblées, une seule sera vendue, les trois autre passeront en mode compet’ !
Quatre ans plus tard, c’est la Raptor qui vient faire grimper le level et essayer de faire rentrer du cash en remplaçant la Raptor. Le V8 est passé à 6.3l et envoie désormais 446 ch et 582 Nm aux roues arrière pour un poids qui se contente de rester sous les 1300 kg. Ca se solde par un 0 à 100 en 4 secondes, 12,3 au 400m et une Vmax de 262 km/h. La particularité de la Raptor vient de son pare-brise en V séparé en son centre. Le style est toujours aussi particulier et les ventes restent élitistes…
En 2001, on efface tout et on recommence. Mosler présente sa toute nouvelle MT900. Le dessin, signé Rob Trenne (qui avait bossé sur celui de la Corvette C5), s’est enfin arrondi. La carbone est omniprésent, l’architecture est toujours la même avec un V8 LS1 en position centrale arrière. Avec 350 ch et 470 Nm envoyés aux roues arrière via une boite courte ZF, pour seulement 1175 kg, elle shoote le 0 à 100 en 3,7 secondes, passe la barre des 400m en 12 secondes piles avant d’aller coller l’aiguille à 240 maxi. Ca tire court ! Et ce n’est que le début.
En 2005, elle devient MT900 S, passe à 435 ch pour 998 kg avant l’arrivée de la GTR et de ses 600 ch qui débarque en 2006, et dont le premier client sera un certain Georges Lucas. En 2008, une édition limitée appelée GTR XX, forte de 620 ch, vient fêter le 20ème anniversaire de Mosler Automotive. Enfin en juillet 2011, deux rares MT900 S Photon vont prendre la direction de l’Angleterre. L’association de carbone Dymag, de titane, de magnesium fait chuter le poids à 898 kg pendant que la puissance reste à 620 bourrins !
Histoire de donner une légitimité à sa MT900, Mosler en la passe en mode course avec la MT900 R. Elle pose ses roues sur un circuit pour la première fois aux 24h de Daytona avant de participer au championnat Grand Am et dans plusieurs championnats GT. En 2002 elle s’offre une belle 2ème place aux 24h de Bathurst. L’année suivante, bien que recalée à l’homologation GT3, elle sera autorisée de courir dans certains championnats nationaux, en Australie, Belgique, Espagne Japon ou encore en Angleterre où elle va décrocher le titre. C’est aussi en 2003 qu’elle va remporter la classe GTO des 24h de Spa.
L’histoire ne serait pas complète si je ne vous parlais pas des deux derniers monstres… La première débarque en 2005 et prend le doux nom de MT900 S « Red Devil ». Un doux nom pour ce modèle unique dont le V8 LS7 de 7.0l est dopé par deux escargots pour envoyer 1635 ch et 2008 Nm aux roues arrière qui ne savent plus vraiment où elles habitent, même si tout a été revu par le Nelson Racing Engines. Le 0 à 100 passe sous les 3 secondes et sa vitesse théorique (personne n’a osé aller voir !) dépasserait les 400 km/h. Et ça c’est la plus gentille des deux…
En 2008, on voit débarquer la MT900 GTR XX IAD « The Land Shark »… Là encore, les gars se sont creusé pour trouver un nom au niveau d’un monstre qui n’a qu’une envie, celle de tuer le kamikaze qui en tient le volant ! La voiture sort des ateliers de chez IAD, d’où le nom. A coup de titane, carbone et magnésium, le poids tombe à 857 kg… Par contre, le V8 LS7 est là aussi shooté par un duo de turbos. Sauf que là, tout est revu de fond en comble pour finir avec un addition de… 2500 ch ! Quand les pneus réussissent à mordre l’asphalte, ils catapultent la Mosler à 100 km/h en 2,5 secondes et la voiture aurait tapé un 491 km/h sur le lac salé de Bonneville.
Malgré tout, condamné à des ventes anecdotiques, Mosler finira par jeter l’éponge. En juin 2014, la marque disparait des écrans radars pendant que son propriétaire se lance dans la politique…
Enfin avant de vous laisser vous remettre de toutes ces émotions stylistiques, l’anecdote qui a fait la réputation de Mosler. Si la GTP était moche, Warren n’avait aucun doute en ce qui concernait son potentiel. A tel point qu’il allait proposer 25000 $ à celui qui battrait le chrono de sa GTP, dans une voiture de production américaine d’origine et sur n’importe quel circuit américain… Car and Driver va relever le défi en alignant une Corvette de 91, confiée au pilote américano-hongrois Csaba Csere (qui deviendra rédacteur en chef du mag’ à partir de 93), sur le circuit d’essai de Chrysler situé à Chelsea dans le Michigan. La GTP sera pilotée par Arthur St Antoine. Chaque pilote aura trois tours pour réaliser son meilleur chrono. Au terme, le verdict tombe… la Corvette est 1,5 secondes devant. Sauf que la GTP n’a pas été fournie par Mosler, mais empruntée à une école de pilotage, avec freins et pneus rincés. Warren dénonce la « magouille », et demande que le test soit refait avec une voiture en bon état. Car and Driver refuse et publie un article qui démonte la GTP allant même jusqu’à se moquer de la voiture et de son concepteur, la comparant à une version low cost de la Nissan 300 ZX ! Mais peu de temps après, Mosler remet les choses en ordre. Lors de sa dernière course en IMSA, sa GTP se permet de taxer une Porsche 911 Turbo, une Corvette Callaway Twinturbo et une Corvette ZR1 officielles. L’affront est lavé et Mosler relance son pari avec un GTP II (l’évolution de 190 ch) en passant la mise à 100000 $. La seule qui réussira à battre la Consulier, sur le Sebring International Raceway, sera une Porsche 911 préparée par Ruf et chaussée en slick… Pas d’origine, le pari ne sera pas validé et la Consulier GTP restera invaincue !
© Mosler via signatures éventuelles
Riche histoire d’un constructeur dont je ne connaissais que les dernières productions!!!