Cadillac Allanté – La ricaine la plus cool des 90’s ?!
par Thierry Houzé | 7 octobre 2021 | Street |
Avec la Cadillac Allanté, y’a pas à tortiller, chez General Motors, on a mis le paquet. Dessin signé Pininfarina, luxe à tous les étages, V8 moderne, équipement insultant pour une caisse indécente, limite ringarde mais dont la carrière commerciale va s’articuler autour d’un bide retentissant !
L’histoire se déroule en 1988. Vous vivez en Californie. L’argent n’est pas un problème, et comme vous êtes aux States, le montrer ne vous attirera pas plus de problèmes que de rayures sur les ailes de votre beau cabriolet. Eh oui, parce que vous v’nez de vous offrir un cabriolet, un truc classe, reflet de votre réussite sociale, professionnelle mais aussi amoureuse… entre les Jaguar XJS, Mercedes SL, Mazda RX7 Cab’ ou encore Porsche 911, Ferrari Mondial ou Corvette, le choix n’était pas si simple.
Bon reposez les pieds sur terre, car si pour vous, cette intro peut se révéler être un rêve, pour les dirigeants de chez General Motors, c’était surtout un horrible cauchemar ! Où est Cadillac ? Depuis le milieu des 70’s, la marque, sensée représenter le summum du luxe sauce BBQ n’est plus que l’ombre d’elle même. Le marché a basculé sur les marques premium européennes qui ont envahi les USA. Mercedes, Jaguar, BMW, Audi et même Volvo récoltent les faveurs de la classe supérieure au grand damne de la marque de Détroit qui doit son nom au fondateur de la ville, le français Antoine de Lamothe-Cadillac.
Au début des 80’s, une Cadillac c’est devenue une caisse pour vieux ringards. La caricature du mauvais mafieux spécialisé dans le trafic de donuts ! Totalement étouffées par la crise pétrolières, les Cadillac ont également raté le virage du style qui faisait leur force jusqu’à la fin des 60’s. Quand tu roules en Cad’, c’est qu’t’es dépassé et qu’t’as raté ton business… t’essayes de te rattacher à l’image de ta caisse pour faire croire que… sauf qu’en fait, tu te rends même pas compte que t’es périmé ! Par contre, chez Cad’ on a bien conscience de tout ça et ça leur fout quand même vachement la chtouille, surtout qu’au dessus, les gars de chez GM qui n’ont d’yeux que pour les chiffres et les profits, ils commencent à mettre les cartouches.
Vous comprendrez que chez Cadillac, on a intérêt à se sortir les doigts pour renouveler et rajeunir tout ça. Hors de question de capitaliser sur le ringard… alors pour ça, ils vont mettre le paquet et commencer par demander à Pininfarina de sortir un dessin. Forcément comme c’est italien, ce sera classe et ça ira tout droit se poser en face des références européennes. Pendant c’temps là, on prend les meilleurs ingénieurs de Détroit et on leur demande de pondre un châssis… en fait, il vont reprendre celui de la Seville (qu’on retrouve aussi sur l’Eldorado) et lui raccourcir l’empattement pour ensuite y greffer le V8 4.1 l HT 4100 associé à une boitoto 4 vitesses raccordée… aux roues avant.
Physiquement, l’Allanté est séduisante même si elle ne révolutionne pas les standards stylistiques de son époque. Par contre pour tout le reste, elle va s’avérer être la loose du siècle ! Outre le fait d’être une traction, son V8 affiche 172 ch… totalement castrés par une boitoto aussi longue que molle et un poids de 1700 kg. A croire que les ingénieurs savaient d’avance qu’ils avaient foiré leur copie et que pour se faire pardonner, ils ont collé toutes les options et gadgets possibles et imaginables. Capote élec, hard top en alu, full élec de partout, sono Bose, téléphone, instrumentation numérique à la fiabilité capricieuse ! Ca en jette… du moins quand ça marche. Et ce n’est pas fini, car si la ligne est signée Pininfarina c’est aussi le carrossier italien qui va assembler la caisse au sein de ses ateliers, à Turin… ainsi les éléments censés donner naissance à l’Allanté se retrouvaient à 7000 km de distance. Pour les réunir, Cadillac va alors affréter des Boeing 747 spécialement aménagés pour pouvoir accueillir jusqu’à 56 coques… j’vous laisse imaginer le délire et le coût !
Celle qu’on va alors surnommer the flying italian Cadillac va débarquer sur le marché en 87 pour 57.000 $, plus cher qu’une Mercedes 560 SL ou qu’une Jaguar XJS Cab V12. A croire que les dirigeants de Cad’ avaient des envie de suicide… car rien n’y fera. Dès sa présentation l’Allanté se fait défoncer par la presse, les critiques la qualifiant de voiture vulgaire et prétentieuse. Les perfs sont à des années lumières de celles de ses concurrentes. Entre 87 et 88, seulement 2569 Allanté trouveront preneurs. Et les quelques modifications apportées n’y changeront pas grand chose. Fin 88 son V8 passe à 4.5 l pour 203 ch et 366 Nm de couple. Si les perfs, deviennent correctes, c’est maintenant le couple qui pose problème… le train avant n’encaisse pas, obligeant alors la greffe du Speed Dependent Damping Control (appelé SD²C) qui vient retoucher la gestion des amortos en fonction de la vitesse. Les ventes ne décollent toujours pas.
En 90, Cadillac revoit la dotation d’origine. L’équipement est limité, la liste des options s’allonge mais surtout, le prix tombe à 53.000 $… rien n’y fera. Le mal est fait. Chaque millésime verra son lot de modifs et son prix recommencera doucement à grimper. En 92, Cadillac frappe un grand coup. L’Allanté est sélectionnée pour être le pace car officiel de l’Indy 500 aux mains de Bobby Unser. En mai, le circuit de l’Indianapolis Motor Speedway voit débarquer trois Allanté avec sous leurs capots, le tout nouveau V8 Northstar, un 4.6 l double arbres de 295 ch et 393 Nm de couple, mais aussi de nouvelles suspensions. En fait, pendant que Al Unser Jr. file vers la victoire, Cadillac en a profité pour dévoiler son millésime 93… le dernier de l’Allanté, celui qui sera enfin cohérent et séduira le plus de clients…!
Magie illogique des responsables de la marque, il faudra donc que l’Allanté annonce sa sortie de catalogue pour finalement s’afficher réellement au niveau de ses rivales… il aura fallu 6 ans pour que chez Cadillac, on se sorte réellement les doigts et qu’on donne enfin à l’Allanté un statut digne de son pedigree et qu’elle fasse les meilleures ventes de sa carrière. Enfin chez GM, cela ne changera pas la donne. Le 2 juillet 93, le dernier 747 rempli de caisses décolle de Turin pour atterrir une dernière fois à Détroit. Le 16 juillet, après 21430 voitures produites, l’Allanté prend officiellement sa retraite.
Ce qui est paradoxale, c’est la fin de l’histoire. Une fois retirée, l’Allanté ne va manquer à personne et tomber dans l’oubli… et puis, comme souvent, la mode du old school et du vintage, amplifiée par le « c’était mieux avant », vont la faire sortir de son anonymat. On va se rappeler de l’Allanté, comme une caisse différente, décalée et originale. Fini le côté vulgaire et prétentieux, place aux paillettes et aux strasses qu’on offre alors à tout ce qui est devenu tendance. Ajoutez y un Bruno Mars qui, en 2016, va la choisir pour déambuler dans les rues de Las Vegas dans son clip « 24K Magic ». Il n’en faut pas plus pour voir la côte du sympathique cabriolet grimper doucement mais surement… du moins pour les exemplaires qui en valent la peine. Car, comme pour les youngtimers de notre côté de l’Atlantique, leur traversée du désert à l’époque où elles ne valaient rien et que personne n’en voulait (surtout pas ceux qui sont aujourd’hui prêts à vendre père et mère !) a fait pas mal de dégâts. Une belle revanche pour l’Allanté, qui finalement avait fait tout ce qu’elle pouvait pour plaire…
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