Apparemment, le luxe ne connait pas la crise. Eh bien pas pour tout le monde, en tout cas, pas pour la Lagonda Taraf… censée représenter le summum de la catégorie, le pâté de tête de la berline hyper premium, elle a surtout dû assumer avec un échec retentissant… tout comme sa soeur presque jumelle, l’Aston Martin Rapide.
Chez Aston Martin, le luxe et le sport, on maitrise. Surtout quand il y a deux portes. Dès qu’on veut en rajouter une paire à l’arrière pour en faire des berlines, on a de suite beaucoup plus de mal. Pourtant, l’histoire ne date pas d’hier puisqu’elle a commencé en 1947 lorsque David Brown décide d’acheter Lagonda – un constructeur de luxeuses berlines – et Aston Martin. De cette union va naitre l’Aston Martin Lagonda Rapide, première berline à voir le jour du côté de Newport Pagnell, et qui sera vendue à… 55 exemplaires.
En 74, Aston va passer la 2ème couche avec la berline Lagonda. Ouais ce coup-ci, la marque devient le nom du modèle, et pour montrer de quoi on est capable, on va y mettre le paquet. Là les gars se sont lâchés, quitte à faire de la berline Lagonda un engin totalement décalé et baroque, du kitschissime à souhait pour celui qui ne veut pas passer inaperçu… le truc sans juste milieu, t’adores ou tu détestes ! Bon, une fois encore, ça va faire le buzz, mais ça ne remplira pas les caisses. 16 ans et 645 exemplaires plus tard, l’Aston Lagonda va disparaitre sans que personne ne s’en aperçoive…
Nous v’la donc arrivés en 90. Chez Aston, pensez bien que l’épisode « berline » il a filé la chtouille à une bonne partie de l’état major. On s’dit que l’histoire elle doit être définitivement terminée et que le prochain qui osera soumettre l’idée d’une quatre portes, il risque de se retrouver avec ses organes génitaux dans la bouche… Eh bien non ! Au salon de Détroit 2006, Aston présente un concept car, une berline au dessin largement inspiré de la DB9. L’accueil est plus que positif… en tout cas, il n’en faudra pas plus pour tenter le drop, puisqu’en 2009, on voit débarquer au salon de Francfort, l’Aston Martin Rapide, une magnifique berline 4 portes, aux lignes élancées, qui cachent un V12 sous le capot. Avec 470 ch puis 540 sur la Rapide S (de 2013 à 2020) la Rapide file à plus de 300 et affiche un comportement qui n’a rien à envier au gros coupé. De quoi aller chasser la Porsche Panamera et la Maserati Quattroporte… et rebooster les ambitions du constructeur qui appartient depuis 3 ans à Prodrive.
L’objectif est affiché avec 2000 voitures par an. Après plus de 10 années de carrière, loin du compte, Aston n’ose pas annoncer les chiffres… mais les « spécialistes » estiment que la moitié n’y serait même pas. Et une fois encore, la malédiction de l’Aston à 4 portes a frappé. Qu’on trouve le fautif et qu’on le pende par ses tripes. Eh ben non. A croire que l’autre spécialité de Newport Pagnell, ce sont les soirées sado maso ! Surement pour ça que Max Mosley roulait en Aston…
En attendant, ils ont remis ça avec la Lagonda Taraf… Si la base technique est celle de la Virage, la caisse est redessinée par Marek Reichman, directeur des Studios Gaydon. Moins fluide, plus imposante, plus sculpturale, et pourtant plus sobre, derrière ce gabarit de limousine se cache une structure en carbone et alu. Dans l’habitacle, c’est hyper luxe à tous les étages. Cuir, bois précieux, moquette épaisse, ciel de toit en Alcantara, technologie dernier cri, dont une sono Bang & Olufsen BeoSound de 1000W… et ça, c’est juste le début, puisqu’assemblée à la main sur les anciennes lignes de la One 77, sa finition inclut un programme sur mesure signé par le département Q… en même temps, à 1 million le morceau, c’est le minimum syndical. Le V12 de 6.0 l pour 540 ch est accompagné d’une boitoto ZF à 8 rapports… de quoi l’envoyer de 0 à 100 en seulement 4,4 secondes avant d’aller cruiser sur l’autobahn à 314 km/h.
Avec cette Lagonda Taraf, Aston l’a joué stratège. Production limitée de 2015 à fin 2016. Seulement 200 voitures, réservées au Moyen Orient. Tu crées l’envie… puis finalement, tu annonces que les américains et les européens pourront y avoir droit. Sauf qu’on ne parle pas d’une BMW série 5 ou d’une Ford Mondeo… Dans le monde des bagnoles avec un prix à 7 chiffres, il faut de l’exclusivité et pas une « simple » Aston Rapide rhabillée… Là encore, la production s’arrêtera en évitant de faire trop parler d’elle. Sur les 200 voitures annoncées, Aston ne donnera aucun chiffre et là encore, on estime qu’il y aurait eu entre 60 et 120 Lagonda Taraf produites.
Une fois encore Aston y a cru… et j’crois qu’en fait, il vont pas lâcher l’affaire. Bon, ils ont pris un peu de hauteur en abandonnant la berline pour passer au SUV avec le DBX. Mais bon, maintenant on sait qu’à Newport Pagnell, rien n’est jamais fini…