Top 5, direct ! Sauf que celle là, pour se l’offrir, bah ça restera au niveau du rêve, parce que la Jaguar XJ13 a été développée à… un seul exemplaire ! Autant dire que vous aurez plus de chance de croiser un OVNI… Donc la seule solution pour pouvoir rouler en XJ13, c’est d’opter pour de la réplique, ou bien trouver des mercenaires tchétchènes pour essayer de faire enlever le seul exemplaire original… Bon, on va se limiter à la première option !
Vous vous rappelez l’Annexe J du règlement FIA des voitures de sport ? Si, l’arrivée des protos… J’vous en ai parlé. L’époque où Ford venait provoquer Ferrari pour lui mettre la fessée aux 24h du Mans. Alors c’est vrai que pendant que Détroit et Maranello attiraient tous les projecteurs, d’autres constructeurs ont voulu profiter de cette liberté technique pour tenter leur chance.
Dès 1950, Jaguar cherche à développer un V12 pour la compétition auto. Pour ce faire, les ingénieurs assemblent deux 6 en ligne XK. Avec un vilebrequin commun et des blocs en alu, le moteur finira par voir le jour pour hurler ses premiers rugissements en 1951 en version 8.0 l et aussi fiable qu’un missile nord coréen, avant de disparaitre dans le plus total anonymat en 57 pour faire un come back remarqué en juillet 1964…! 14 ans, c’est long quand même…
Maintenant que le gazier est prêt, il lui faut un châssis pour le recevoir comme il faut. Et justement, depuis 1960, à Coventry, on commence à réfléchir à un proto qui embarquerait un moteur central arrière. Mais bon, pour le coup, il ne faudra pas 14 ans pour se sortir les doigts et donner vie au projet. En 65, l’annonce de l’Annexe J va donc précipiter les choses, et les ingénieurs se penchent sérieusement sur un châssis monocoque pendant que Malcolm Sayer va se charger du dessin de la carrosserie. On lui doit déjà les Type C, Type D, Type E et plus tard, la XJS.
Et le gars va être touché par la grâce du design ! Aérodynamicien qui a oeuvré dans l’aviation pendant la guerre, il s’en inspire pour dessiner ce trait tendu et aussi simple que gracieux et sublime. Bob Blake, un artiste du métal, va s’occuper de lui donner vie à partir de panneaux d’aluminium rivetés.
En son centre, on retrouve le V12 de 5.0 l à 4 arbres à cames en tête. Il est gavé par un injection directe mécanique… et sa distribution est confiée à une chaine… De plus, en utilisant de l’aluminium à outrance, les ingénieurs ont réussi à contenir son poids en dessous des 300 kg. Oui Jaguar n’a pas hésité à innover en essayant de nouvelles pistes. Et ça a plutôt payé car lors de ses premiers essais sur banc, il affiche une santé exceptionnelle… 560 ch à 8600 trs.
La recherche de la performance et de l’innovation s’est poursuivie sur le châssis car 2 ans avant la Lotus 49 de Colin Chapman, la XJ13 possède un bloc porteur. Son V12 et sa boite son accolés, lovés dans une monocoque alu, et servent de supports aux suspensions arrière. Double triangulation, combinés amortos / ressorts, le châssis un potentiel qui ne demande qu’à être exploité.
Sauf qu’au printemps 66, Jaguar va se faire absorber par BMC (British Motor Corporation)… et la nouvelle direction n’a plus les mêmes ambitions. Surtout qu’en parallèle, on voit que Ford prépare une arme de destruction massive avec la GT40… et on se dit qu’aller chercher la victoire au Mans, face à ces monstres développés grâce à des budgets quasi illimités, pourrait mettre en péril les finances du groupe. Le projet est alors considéré comme obsolète alors que la voiture est prête à attaquer ses premiers essais.
Mais bon, Jaguar va quand même donner son feu vert pour des tests au MIRA (Base d’essais et de tests, comme le CERAM) et sur le circuit de Silverstone. Les pilotes David Hoobs et Richard Attwood sont conviés. La voiture enchaine les kilomètres et les résultats sont… décevants. La voiture est bien née, mais si elle veut être au niveau, il va lui falloir multiplier les essais et les développements. C’en est trop, la BMC stoppe les investissements et signe l’arrêt de mort de la XJ13 qui va être simplement rangée et stockée dans un hangar au MIRA.
Que voulez vous, nous sommes en 66, à l’époque, les constructeurs ne pouvaient pas encore utiliser la simulation… un peu comme nous quand on va chercher à comparez le prix des prestations auto pour ne pas se faire défoncer sur l’entretien de notre bagnole, aussi bien sur le prix, que pour éviter de tomber sur des bras cassés ! Ouais en 66, les ingénieurs imaginaient, assemblaient et c’est les premiers essais qui validaient, ou pas, les résultats anticipés… une sorte de pile ou face, où la défaite pouvait couter très cher.
En 1971, la Type E phase III V12 s’apprête à faire son entrée dans la gamme Jaguar. Pour les besoins d’un film publicitaire, les pros de la comm’ décident de faire des prises d’images avec la XJ13 qui offrirait une excellente entrée en la matière, mais qui surtout, serait la première apparition officielle de la XJ13 au public. Le 21 janvier, le proto est confié au pilote Norman Dewis… mais le gars est chaud comme la braise ! Il se croit dans les Hunaudières, ou sur un parking de supermarché un vendredi soir ! Il soude la pédale de droite… sauf que la voiture est approximative et ses pneus n’ont plus roulé depuis quelques années. La XJ13 va être la victime de cette poussée testiculaire… Dewis détruit la voiture ! Il s’en sort sans une égratignure… l’épave de la XJ13 retourne sous sa bâche au fond de son hangar.
Deux ans plus tard, les gabarits qui ont servi pour la réalisation des éléments de carrosserie sont retrouvés presque par hasard. Edward Loades, propriétaire de la société Abbey Panels, une sorte de super carrosserie qui se charge de développer des éléments sur mesure quel que soient les matériaux, propose alors à Frank Raymond Wilton, le boss de Jaguar surnommé « Lofty » England, de redonner vie à la XJ13. Le feu vert est donné et Abbey Panels récupère l’épave.
A la base, la voiture doit être une sorte de maquette statique, mais lors du démontage, l’équipe de Loades s’aperçoit que finalement, le châssis et le moteur sont bien moins endommagés que ce que l’état global le laissait imaginer. Et la voiture va pouvoir être refabriquée en état conforme de fonctionnement.
Aujourd’hui, la seule Jaguar XJ13 appartient au Collection Daimler Jaguar Heritage. Pendant des années, c’est elle qui vous accueillait à l’entrée de l’usine de Coventry avant d’être exposée au British Motor Museum de Gaydon. De temps en temps, Jaguar lui fait prendre l’air, lors de rassemblements ou de meetings sportifs historiques. Chacune de ses sorties est un évènement…
Donc le seul moyen de pouvoir se rabattre sur une XJ13 est de craquer sur une des nombreuses répliques. Certaines frisent la caricature… d’autres sont juste d’un level hallucinant, comme cette Tempero qui est une vraie recréation 100% conforme à l’originale…!
© RM Sotheby’s