Cherchez pas, il n’y en a eu qu’une seule… La Ferrari 330 GT 2+2 Shooting Brake, au delà de son physique un peu particulier, c’est avant tout l’histoire de deux passionnés qui n’ont pas eu peur d’aller au bout de leur rêve, sans même demander l’accord du patriarche, Enzo Ferrari. Une histoire surprenante pour une voiture qui l’est tout autant… Allez, j’enfile mon costume de Père Castor et je sus à vous…
A défaut de me répéter, mais pour Enzo Ferrari la règle est simple, on produit des voitures pour la route dans le seul et unique but de remplir les caisses pur financer celles de course. C’est d’ailleurs les évolutions des différents règlements qui dicteront celles des routières… Nouveau châssis, nouvelle cylindrée, on développe pour la course et on adapte à la route. C’est simple, mais ça marche plutôt bien puisque qu’une Ferrari, c’est avant tout l’aura de la course.
A la fin années 60, le V12 3.0l Colombo a donné tout ce qu’il pouvait… La concurrence est là et il est donc temps de tourner la page, ou du moins, de faire évoluer le bestiaux. Et ça tombe bien puisque de l’autre côté de l’Atlantique, la 400 Superamerica se bat sur les circuits américains. Son V12 de 4.0l a tout pour remplacer le 3.0l sous le capot de la 250 GTO qui deviendra 330 LMB… Plus puissant, plus coupleux, il est aussi plus lourd et rend ainsi la voiture plus pataude. Ferrari préfèrera l’installer en position centrale arrière dans les proto 330 P. Tout ça c’était pour la course…
Comme je vous l’expliquais plus haut, le V12 4.0l va donc se retrouver sous le capot des routières. Tenant compte du poids du gazier, Ferrari ne compte pas le greffer sur ses sportives agiles, mais va s’en servir pour motoriser une gamme de gros coupés à l’esprit GT, les 330 América, GT 2+2 qui deviendra GTE, ainsi que GTC (Coupé 2 places) et GTS (Spider). Le dessin est bien entendu signé Pininfarina, et le succès est immédiat… Ferrari rafle les victoires et la marque est au firmament de son image sportive et moderne.
La 330 GT 2+2 est aussi réputée pour avoir été la première voiture de John Lennon. Quand la star des Beatles a passé son permis en 1965, tous les vendeurs de voitures de luxe, se sont précipités à son domicile de Weybridge au sud ouest de Londres, pour lui présenter leurs différents modèle. Le concessionnaire Ferrari a été le seul a avoir l’idée d’y aller avec la 2+2, pensant que Lennon, alors tout jeune père du petit Julian qui n’avait que 2 ans, devrait probablement préférer une voiture avec des places à l’arrière… Sa perspicacité fut bonne, il remporta la mise en vendant à Lennon une 330 GT 2+2 qui allait lui offrir un sacré coup de pub !
Plus de 1600 exemplaires, tous modèles confondus, sortiront de Maranello… +1 puisqu’à un moment, il va bien falloir que j’en vienne au Shooting Brake !
Pour cela, il faut retourner de l’autre côté de l’Atlantique pour retrouver Bob Peak et Luigi Chinetti Jr. Le nom de Chinetti vous dit surement quelque chose, il s’agit du fils de Luigi Chinetti, pilote italien talentueux, ami d’Enzo Ferrari, à tel point que lorsque Chinetti s’expatrie aux Etats Unis, il créera NART (La North American Racing Team) qui n’est autre que la structure américaine de la Scuderia Ferrari. La confiance que lui octroie le Commendatore ira même jusqu’à lui confier l’exclusivité de l’importation de ses voitures sur le sol américain.
Bob Peak est un peintre et illustrateur américain réputé. Ses oeuvres ont fait la couverture du « Time Magazine », de « TV Guide » et de « Sports Illustrated » avant qu’il ne commence à travailler pour Hollywood où il va signer entre autres, les affiches de « West Side Story », la série des « Star Trek », « Rollerball », « Operation Dragon », « Superman », « L’espion qui m’aimait » ou encore « Apocalypse Now »…
En 1965, les deux hommes ont alors l’idée de proposer à la vente de Ferrari sur-mesure, achetées à Maranello, elle passeront chez les meilleurs carrossiers italiens avant de les livrer à leurs clients fortunés. Et ce Shooting Brake va être sensé être leur première création qui va leur servir de show car pour lancer leur business. Ils prennent contact avec Vignale et lui demande de leur étudier une voiture spécialement conçue sur une base de 330 GT 2+2. Le carrossier accepte et la Ferrari 330 GT 2 + 2 Shooting Brake sera présenté sur le stand de Vignale au salon de Turin 1968 où on va lui donner le surnom de « Space Age ».
Le châssis et le moteur ne sont pas touchés. Le V12 envoie 300 ch sur les roues arrière via une boite 5 manuelle. L’habitacle reçoit quelques accessoires et l’habillage du tableau de bord est plus remanié plutôt que modifié… Un aérateur est mis entre les compteurs et les manos qui s’y trouvaient prennent eux, la place des aérateurs… c’est subtil, mais ça suffit pour faire la différence. Petit détail, la voiture a bien été modifiée en 67, mais son châssis d’origine étant de 65, elle est donc considérée comme étant de cette année de référence !
Par contre au niveau de la carrosserie, Vignale a laissé aller son imagination pour tracer des courbes futuristes… du moins dans ce qu’on les imaginait en 1967. L’avant se lisse, les phares fixes se cachent derrière des grilles chromées, à l’embase des ailes de chaque côté de la calandre devenue rectangulaire. Et c’est la même chose pour les feux. La particularité vient de cette arche qui sépare l’habitacle et la partie arrière qui prend la forme d’un break taillé à la tronçonneuse et bordé par de grandes vitres latérales qui se terminent sur la large hayon vitré.
La voiture sera la dernière d’Alfredo Vignale qui se tuera l’année d’après dans un accident de la route. Du côté de Luigi Chinetti Jr. et de Bob Peak, leur projet n’aboutira pas… faisant de la Ferrari 330 GT 2+2 Shooting Brake leur seule création. La voiture a beaucoup attiré l’attention et a changé de mains à de nombreuses reprises, comptant même parmi elles, un certain Jay Kay. Après une restauration en 90 et une nouvelle peinture en 2017, elle a de nouveau changé de main l’année dernière lors d’une vente aux enchères RM Sotheby’s où elle s’est vendue pour 313.000 $… presque donné pour un exemplaire unique !
© RM Sotheby’s via Erik Fuller
ça ferait un joli corbillard 😀
Pressé d’aller dans leur dernière demeure !!