Dans les années 80, si tu veux coller une image sportive à une caisse, y’a pas à tortiller, faut la faire homologuer en Groupe A… Donc quand Alfa lance sa berline 75, elle se retrouve vite passée en mode warrior pour aller se frotter à ses rivales en WTCC puis en ITC. Et pour gagner le ticket d’entrée, il va falloir commercialiser une série limitée de 500 exemplaires, ce sera l’Alfa 75 Evoluzione…
En 85, Alfa fête son 75ème anniversaire… avec sa nouvelle berline Alfa 75 ! Ouais, ils se sont pas trop foulés les méninges, comme quoi parfois, ça sert à rien de s’prendre la tête. A savoir qu’à l’époque, la santé financière du constructeur italien n’est pas des plus rassurantes. La GTV et le Spider commencent à accuser le poids des années ! La 90 est un bide. La tentative en F1 a fait plus de dégâts qu’autre chose. Et la 33 est la seule à porter la marque commercialement… L’Alfa 75 est donc condamnée à réussir sa carrière commerciale si la marque veut survivre.
Forte de son image sportive, Alfa décide donc de lancer sa nouvelle berline en Touring Car. Les différents championnats, européens ou nationaux, attirent les pilotes pros, les médias et les sponsors. Le risque est donc limité et si l’Alfa 75 rencontre le succès sportif espéré, elle s’offrira par la même occasion la carrière commerciale qu’elle mérite.
Mais avant, il faut homologuer la caisse en Groupe A… Pour cela, elle doit découler d’une série limitée de 500 exemplaires commercialisés, tirés d’un modèle commercialisé à 2500 exemplaires minimum par an. Ouais, dit comme ça, ça peut donner mal au crâne… Mais c’est simple, comprenez par là, que pour l’occasion, la base sera l’Alfa 75 Turbo, qui pour l’occasion, deviendra Alfa 75 Evoluzione, une série limitée de 500 exemplaires. Et ça passe aussi facilement qu’un bon T.R. comme dirait Rodolphe mon ami proctologue ! Mais pour devenir Evoluzione, la 1.8 Turbo va recevoir quelques bricoles.
Déjà de base, l’Alfa 75 1.8 Turbo, c’est une danseuse professionnelle. Sauf que pour passer en GrA, avec le coeff d’un bloc turbalisé, il lui faut perdre un chouill en cylindrée… Et là encore, on peut se choper une bonne hémorragie nasale ! Pourtant, c’est pas compliqué… pour combler la différence de puissance entre un bloc atmo et un bloc turbo, la FIA impose un coefficient de 1.7 qui s’applique à la cylindrée. L’Alfa 75 1.8 Turbo affiche 1779 cm3 de cylindrée… 1779 x 1.7 = 3024…. Donc un 1779 cm3 turbo équivaut à un 3024 cm3 atmo… Sauf que le GrA impose du 3.0l maxi… Donc pour pouvoir rester dans les clous, les ingénieurs italiens ont du faire descendre le 4 cylindres de l’Evoluzione à 1762 cm3 car 1762 x 1.7 = 2996… ça passe ! Simple non ?!
Ensuite, de nos jours, on considèrerait une berline de 155 ch comme une simple routière mazoutée au lourd qui tâche… Pourtant avec la 75 Turbo, on ne sait pas avec quoi les ingénieurs ont dressé ce 4 pattes, mais niveau caractère et patate, il pourrait en revendre ! Déjà l’italienne n’accuse que 1200 kg… Ensuite le turbo Garrett T3 est bien du genre ON – OFF… sans étapes intermédiaires. Le truc n’existe pas en dessous de 3000, par contre, quand il se réveille et qu’il envoie, c’est tout d’un coup.
Niveau chronos, l’italienne revendique le 0 à 100 en 7,5 et le 1000 m en 27,5 avec une vmax de 208 km/h ! Pour l’Evoluzione, c’est du copier coller… Sauf que le T3 souffle maintenant à 0,9 bars pour combler la perte de cylindrée. Et au final, elle affiche aussi 155 ch, avec un bloc renforcé (Pour en encaisser bien plus) et un nouveau collecteur. Pour les perfs c’est du pareil au même, si ce n’est la Vmax qui gagne 10 km/h.
Les modifs entre la Turbo et la Turbo Evoluzione ne s’arrêtent pas là. Le différentiel est plus viril, il passe d’un verrouillage de 25% à 45%. Les barres antiroulis gagnent en diamètre, et les freins désormais signés Brembo sont plus copieux. Mais bien entendu, la partie la plus visible et la plus… rouge, c’est la caisse !
Elle s’habille d’un kit complet, étudié en soufflerie, il permet de faire passer le Cx à 0,30, avec bas de caisse, spoiler arrière, pare choc avant et arrière en GFK (Composite léger et résistant), et élargisseurs d’ailes. Une robe Rosso Alfa Pastello recouvre le tout, même les nouvelles Campagnolo en 15′. Juste une pair de stickers noirs viennent faire les présentations en bas des portières… Evoluzione !
Donc pour résumer, les perfs sont comme équivalentes à la Turbo, mais le comportement est un peu plus rude et vif. Finalement, vous aurez compris que la 75 Evoluzione est bridé au max… son but étant de pouvoir la passer en mode full une fois qu’elle enfile son jogging et ses baskets pour aller chauffer la trajo sur les circuits. C’est surement une grosse frustration, savoir qu’on est dans un engin capable d’en donner beaucoup plus, sauf que t’as beau y taper dedans, t’en auras pas plus ! Mais non, ce caractère dévergondée, elle le gardera pour la piste, le WTCC, l’ITC et l’IMSA où elle dépassera les 280 ch.
Moins connue que les M3 E30 Evo, Lancia Delta HF Evo ou les Mercedes 190 Evo, l’Alfa 75 Turbo Evoluzione ne rencontrera pas leur succès… que ce soit commercial ou sportif ! Puis le règlement ne jouera pas en sa faveur puisqu’à peine dévoilée en piste, le GrA passera sur les 4 cylindres 2.0l turbo… Alfa décide de stopper les frais.
Il n’empêche que plus de 30 ans plus tard, elle a pris sa revanche en devenant un pur collector, considéré par une grosse majorité de fans comme l’une des dernières véritables Alfa sportives… avec turbo, propu, architecture transaxle et caractère en acier trempé !
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