Citroen et le rallye, c’est une longue histoire d’amour. Donc rien d’étonnant que la marque aux chevrons eut été séduite par le Groupe B. Alors qu’on aurait pu croire que la tâche allait revenir à la Visa Trophée, puis 1000 Pistes, Citroen surprend tout le monde en préférant miser sur la dernière venue, la BX qui va alors se transformer pour devenir la BX 4 TC !
Bon, c’est quand même la Visa qui va ouvrir les hostilités en 82 et 83 avec la Trophée et son petit 1219 cm3… Oui, si on retient du Groupe B ses monstres turbalisés et délirants, on oublie qu’il comptait plusieurs classes en fonction des cylindrées. Du coup, même si la Visa n’aura pas le pedigree pour aller chasser le scratch, elle s’offrira quand même quelques Top 10 au général. Pour la saison 84, elle évolue, se muscle et passe en 4 roues motrices en devenant 1000 Pistes. Retenez que la 1ère Groupe B française fut donc la Visa…! Mais bon, j’y reviendrais dans un autre article…
Quoiqu’il en soit, pendant que la petit Citroen patauge gaiement dans la boue, on réfléchit plus que sérieusement à une version Groupe B de la BX… Et en 83, pour l’édition du rallye des 1000 Pistes, on voit débarquer un proto plutôt bizarre. Aux côtés des quatre Visa engagées, certains remarquent une sorte de BX coupé, avec une face avant équipée de 6 phares ronds… Conçue chez Polytechnic, le proto embarque un 4 cylindres 2.4 l turbo 16s préparé chez Roc… il abandonnera pour surchauffe moteur. En parallèle , les ingénieurs de chez Citroen bossent sur une version plus « conventionnelle »… ce sera finalement elle qui sera retenue dans le but de promouvoir la berline de série équipée de sa suspension hydraulique.
Alors que la Visa 1000 Pistes est homologuée en Gr.B le 1er avril 84, le développement de la BX avance, même si la petite équipe ne cesse de rencontrer des problèmes, à tel point que son engagement pour la saison 85 est compromis pour finalement être repoussé à 86.
En novembre 85, Heuliez présente les 200 modèles routiers, assemblés pour obtenir l’homologation, la BX 4 TC (4 roues motrices – Turbo Compétition). Elle sera proposée au prix de 248.500 Fr (38.000 € ou 68.000 € en comptant l’inflation). Et à ce prix là, on peut s’offrir deux BX Sport et une Visa d’entrée de gamme !
D’origine, la Citroen BX, c’est loin d’être une pure beauté. Si votre référence est Monica Bellushi, là on est plus en mode Rossy De Palma ! Surtout que sur la 4 TC, les ingénieurs ont voulu passer le bloc en position longitudinale, obligeant à allonger le porte à faux avant de 28 cm, ça frise la caricature. Mais, entre la collection de projos dans la calandre, les extensions format XXL et le liseret latéral bleu et rouge, la berline en impose et devient bestiale… En tout cas, elle ne cherche pas à cacher ses ambitions, même si le boulot (Confié à Heuliez) ne sera pas si simple.
En effet, l’état major de Citroen a demandé à ses ingénieurs de faire bien… mais sans budget ! Ou du moins, pas grand chose. Du coup, ils vont se démerder pour développer la voiture en utilisant un maximum de pièces automobiles empruntées aux autres modèles du groupe (L’aileron vient de la Sport, les jantes de la CX GTi Turbo…). Et dire qu’à l’époque on ne pouvait pas encore profiter de la vente de pièce auto en ligne !
Le soucis de la BX 4TC, c’est ce côté « monté vite fait à l’arrache » sans assumer le côté haut de gamme avoué par Citroen. On pourrait croire que les gars de chez Heuliez ont tout commandé sur la boutique en ligne de Trodo, puis ont posé les éléments là où il y avait un peu de place ! Le meilleur exemple ? Entre les témoins lumineux et les manos, il y a 27 éléments sur les quelques centimètres carrés de la console centrale ! Ajoutez à cela la manette pour passer de deux à quatre roues motrices… celle de la suspension hydraulique, plus les satellites de commodos, il y a presque de quoi se prendre pour Chewbacca aux commandes du Faucon Millenium ! Les sièges et la sellerie, empruntés à la BX Sport, apportent un peu de sobriété à l’ensemble.
Sous le capot, on retrouve le bloc N9T Chrysler qui faisait déjà le bonheur de la Peugeot 505 Turbo. Le 4 cylindres 2.1 l a été placé longitudinalement, incliné de 15° et revu pour passer à 200 ch. Culasse 8 soupapes, injection Bosch K-Jectronic, Garrett T3 qui souffle à 0,95, échangeur air-air… P’tit détail, mais sur les premiers modèles, Citroen l’avait équipé d’un compresseur électrique pour limiter le lag du turbo qui ne chargeait qu’à partir de 2500 trs en mode ON – OFF. Mettant en péril la fiabilité, la solution sera finalement abandonnée. Dans tous les cas, Guy Verrier, le responsable de Citroen Compétitions, a préféré miser sur un moteur à la simplicité technologique, facilement upgradable, mais à la robustesse agricole ! Sachant qu’en version course, appelée Evolution, il est préparé chez Denis Mathiot Competition, reçoit une culasse 16 soupapes, et passe à 380 ch.
Sur la balance, la BX 4 TC accuse 1280 kg… Et les perfs sont honorables pour ce genre d’engins… 220 km/h, 0 à 100 en 7,5 secondes et 20 de plus pour passer la barre kilométrique. De toutes façon, mieux ce serait trop, car malgré son ADN censé l’orienter vers la compétition, la 4 TC est loin d’être une ballerine sur la route… Bien au contraire !
Pourtant, au niveau du châssis, on retrouve une suspension hydropneumatique recalibrée, un pont arrière de Peugeot 505, un arbre de transmission de C35, le train avant de la Sport, la boite de la SM et une transmission intégrale maison… aussi caractérielle qu’une batterie de carbus italiens ! Le pilote a la possibilité de passer de 2 à 4 roues motrices… quand ça fonctionne, c’est à dire, pas souvent ! Et si on prend en compte l’architecture désastreuse en mode « tout à l’avant », avec sa répartition de 62/38, la BX 4 TC est la reine du sous virage !
Elle débarque en compet’ en 86 au rallye de Monte Carlo… qui se solde par l’abandon des deux voitures d’Andruet et de Wambergue. En Suède, l’équipe retrouve sa motivation avec la 6ème place d’Andruet. Mais les rallyes se succèdent et la voiture est à la ramasse et quasiment inconduisible. Et le passage du radiateur à l’arrière et l’aileron qui essaiera de mettre un peu d’appui sur ces fesses tragiquement trop légères n’y changeront rien ! A tel point que Citroen profite de l’arrêt du Groupe B au terme de la saison 86 (Dû au tragique accident d’Henri Toivonen et de son copilote Sergio Cresto au Tour de Corse) pour mettre fin au programme juste après le rallye de l’Acropole.
Le programme BX 4 TC aura couté un blinde à Citroen… Au début de l’année 87, sur les 200 voitures assemblées, seulement 86 ont trouvé preneurs. La marque baisse le prix de 40%… mais rien n’y fait. Au contraire, Citroen, lassé par cette déroute désastreuse, propose même aux propriétaires de 4 TC de leur racheter les voitures, en précisant que leur entretien ne sera de toute façon, pas assuré. Finalement, les modèles restants en stock ainsi que ceux récupérés vont être détruits sous contrôle d’huissiers ! Il n’en resterait que 40 aujourd’hui. Au niveau de la version compétition, Citroen avait assemblé 20 modèles Evolution. Eux aussi seront détruits… 4 survivants sont recensés (Dont un exposé au Manoir de l’automobile à Lohéac).
40 ans plus tard, la BX 4 TC est devenue un ORNI dans le paysage des Gr.B Stradale. Elle a su trouver sa place auprès des Lancia 037 et Delta S4, Ford RS200, 205 T16, Metro 6R4 ou Audi Quattro. Elle est moins belle, moins performante, moins efficace, moins prestigieuse, moins parfaite… mais c’est une BX et elle offre surement la personnalité la plus atypique et originale du lot. Rien que ça, ça vaut largement le détour.
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