Dans la famille des berlines Jaguar classiques, on se souvient tous de la Mk2… Si, allez, dites le ! Au pire, vous ferez « comme si ». Mais s’il y eu Mk2, ça veut dire qu’il y a eu Mk1. Enfin, l’histoire est un peu plus compliquée que cela, d’autant plus que la Mk1 a été bien moins diffusée. Alors le temps d’enfiler mon costard de père Motor et je suis à vous…
Notre histoire commence en 1955. Jaguar s’apprête à lancer une nouvelle berline qui va porter le nom officiel de 2.4 Saloon, vous l’aurez compris, référence à la cylindrée du 6 en ligne qui habite sous son capot. Elle reprend les codes stylistiques de l’antique Mk VII qu’elle va alors dépoussiérer. Je dis antique, car cette Saloon va réellement apporter un nouveau visage technique en recevant les différentes évolutions qui avaient fait le succès du roadster XK120 en 48 mais aussi celles qui équipaient la Type D, qui allait remporter les 24h du Mans en 55, 56 et 57.
Première monocoque de la marque, elle va bénéficier d’un train avant à double triangulation et suspension indépendante composée du duo amorto / ressort accompagné d’une barre antiroulis, le tout assemblé sur un 1/2 châssis relié à la coque. A l’arrière, on retrouvait un essieu équipé d’une suspension directement inspirée de la Type D.
A sa sortie, les amateurs pouvaient opter exclusivement pour un 2.4 fort de 112 ch. Les sportifs allaient être comblés à partir de 57 avec l’arrivée du 3.4, le 6 en ligne de la XK140, qui développait alors 210 ch et qui amenait avec lui, le freinage à disque aux 4 roues. C’est cette version qui va tout changer, et faire entrer la Mk1 dans la famille des berlines sportives grâce à sa Vmax de 193 km/h et son 0 à 100 shooté en 9.1 avec la boite manuelle (11,2 pour la boitoto).
Avec un tel pedigree, notre berline anglaise allait vite séduire les pilotes amateurs et pros, que ce soit sur circuit ou en rallye. Derrière le volant, on verra passer, entre autres, Stirling Moss, Mike Hawthorn ou Roy Salvadori.
En fait, la Mk1 était affublée de quelques défauts, notamment un sous virage chronique et de voies arrière trop étroites. Sur une sportive, ça faisait un peu brouillon. Du coup, en 59, après avoir produit un peu plus de 37000 Mk1, Jaguar va rectifier le tir avec la Mk2, qui elle, s’appelle réellement Mk2… c’est d’ailleurs à partir de son arrivée que les 2.4 et 3.4 Saloon vont alors être surnommées officieusement, Mk1.
Histoire de ne pas vous laisser sur votre faim, la Mk2 va recevoir quelques retouches esthétiques au niveau des vitres, adopter un train arrière plus large, garder les 6 en ligne de 2.4l et 3.4l, et même devenir S-Type avec l’arrivée du 3.8l de 220 ch. Plus de 90000 voitures, tous modèles et moteurs confondus, tomberont des lignes jusqu’à l’arrivée en 68 de sa remplaçante, la XJ6.
Mais celle qui nous intéresse aujourd’hui est bien une Mk1 3.4 Saloon qui est sortie de l’usine de Browns Lane au printemps 59. Habillée d’une robe Corner Grey et d’un intérieur cuir rouge, elle était destinée à une vie paisible dans le Devon, déplaçoir favori d’un éleveur de chevaux. Tout s’est donc déroulé tranquillement jusqu’au début des 90’s où un nouveau propriétaire lui a offert une nouvelle vie plus excitante en compet’. Après quelques années à arpenter les courses historiques, en 2014, un nouveau proprio va lui offrir une teinte British Racing Green.
Roues à rayons, suspension et freinage revus et renforcés, 6 cylindres refait, libéré et préparé pour passer la barre des 300 ch, boite manuelle aux rapports plus courts, embrayage compet’, arceau, baquet Corbeau avec harnais Sparco, électricité modifiée et fiabilisée avec commutateurs et fusibles, volant 3 branches, mais surtout, toujours le cuir et la ronce de noyer… faut pas déconner non plus !
Ainsi armée, la berline anglaise s’amuse sur les circuits en HSCC, Silverstone Jaguar Classic Challenges, Goodwood Revival, on l’a même croisée au Mans Classic et à travers l’Europe au Jaguar Heritage Classic. Et elle n’est pas prête de s’arrêter ! Une retraite mouvementée pour une caisse qui méritait de poser les roues sur DLEDMV.