Quand Toyota entre officiellement en championnat du monde des rallyes en 1973, ce sera avec sa Celica. Le coupé japonais va alors servir de fer de lance, différentes versions se succédant au fil des évolutions du règlement. Mais celle qui va marquer les esprits, c’est celle là, la ST205. Non pas pour son palmarès, mais pour le scandale qu’elle va provoquer.
Avec l’arrivée du Groupe A en 1987, on va assister à l’hégémonie de Lancia et de sa Delta HF Integrale. enfilant les doublés mondiaux comme des perles en 87, 88 et 89. Il faudra attendre la saison 90 pour voir les italiens flancher pendant que Carlos Sainz vient leur chiper le titre pilote au volant de sa Toyota Celica.
L’année suivante, Lancia rafle une nouvelle fois le doublé grâce à Juha Kankkunen avant qu’en 92, Sainz réédite l’exploit une nouvelle fois sur Toyota en reprenant le titre pilote. Pour la saison 93, les cartes sont redistribuées puisque Sainz est passé chez Lancia pendant que Kankkunen a rejoint Toyota. Ils ont échangé leurs baquets. Au final, ce sera le finlandais qui va, enfin, offrir le sacre aux japonais puisque pour la première fois, Toyota va terminer la saison avec le titre pilote, mais aussi celui des constructeurs. La saison suivante, Didier Auriol au volant de sa Celica enfonce le clou, devient le premier pilote français à devenir champion du monde des rallyes, et Toyota endosse son deuxième titre contructeur.
Une fois l’euphorie de ce deuxième titre passée, il faut se remettre au boulot. D’autant plus que la concurrence commence sérieusement à klaxonner derrière. Escort RS Cosworth, Subaru Impreza et la Mitsubishi Lancer Evo commencent à se montrer de plus en plus pressantes. Chez Toyota, la Celica a fait peau neuve. La double championne du monde ST185 GT4 doit s’effacer au profit de la nouvelle ST205.
Le style a changé… plus longue, plus large, elle troque ses pop-up contre des double optiques plus consensuels. La mode du bio-design fait encore des ravages, même si elle s’amenuise progressivement. Il n’empêche qu’une fois le kimono enfilé, la Celica ST205 reste tout aussi impressionnante que sa devancière, qui plus est avec ses peintures de guerre vert et rouge signées Castrol. Au niveau du châssis, les ingénieurs japonais ont repris la base de la ST185. On ne change pas une recette qui gagne. Bien entendu, ils se sont adaptés au nouveau gabarit de la voiture et ont revu toutes les répartitions des masses afin qu’elles soient le plus bas possible et réparties en 50/50.
Pour le moteur, c’est kif kif, le 4 cylindres 2.0l 16s turbo codé 3S-GTE et à nouveau de la partie avec ses 300 ch et 520 Nm de couple. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes… sauf qu’entre temps, afin de stopper la domination japonaise et histoire de redistribuer les cartes, la FIA a rajouté une ligne dans son règlement. Elle stipule que le turbo doit désormais être accompagné d’une bride. En effet, l’arrivée d’air à l’escargot est désormais réduite à 34mm, pénalisant énormément le moteur japonais par rapport aux autres.
Ce qui devait arriver arriva, dès les premières courses, le coupé japonais se retrouvait dans le rythme de ses p’tites copines Ford, Subaru et Mitsu. Il faut attendre le Tour de Corse pour voir Auriol s’imposer au volant de sa Celica. Et malgré l’énervement de l’équipe, la marque japonaise pointe en tête des deux championnats au terme de la sixième épreuve de la saison qui s’est courue en Australie. Épreuve pendant laquelle, les Celica ont fait preuve d’un regain de vigueur…
Il y a plus d’un mois d’interruption avant que les voitures ne se retrouvent au rallye de Catalogne, avant dernière manche de la saison. Sur les routes espagnoles, le combat fait rage durant les 23 spéciales qui se soldent par un triplé signé Subaru suivi par la Celica de Didier Auriol.
Mais voilà, seulement deux heures après l’arrivée, les instances de la FIA décident de contrôler la japonaise. L’admission d’air du turbo, logiquement bridée, dévoile un ingénieux système quasiment indécelable, sur lequel la bride est montée sur des ressorts et un système d’attache pour qu’au fil de la montée en pression, de l’air supplémentaire puisse rentrer et alimenter le turbo. 25 % d’air en plus pour une gain de puissance estimé à 10 %. Les 19 membres du Conseil Mondial de la FIA vont être unanimes. L’équipe Toyota Team Europe est disqualifiée, tous ses points engrangés sur la saison en cours (ainsi que ceux des pilotes) lui sont retirés et elle est condamnée à une suspension de licence pendant 12 mois, l’excluant d’office de la saison 96 à venir. Malgré un appel, rien ne changera.
C’est un coup de tonnerre. Des bruits courent comme quoi la FIA avait été renseignée. Les pilotes Toyota sont aussi incriminés. Même s’ils n’étaient pas au courant, impossible de ne pas avoir de doutes en ressentant le gain de puissance. Toyota se défend en affirmant même qu’il ne s’agissait ni plus ni moins que d’une évolution technique, qui plus est, élaborée et développée avec l’accord de la FIA. Bien entendu cette dernière dément en bloc. L’affaire tourne au règlement de compte entre Ove Anderson qui dirige TTE et Max Mosley, président de la FIA.
Malgré la pénalité infligée à l’équipe européenne, la Celica sera bel et bien présente en 96, confiée par la maison mère à des teams privés. Mais la voiture ne fera aucun résultat probant, si ce n’est deux troisième places au Safari et en Indonésie ainsi qu’une 2ème place en Finlande. Au milieu de la saison 97, TTE, toujours menée par Ove Anderson, fait son retour en mondial avec la nouvelle Corolla WRC qui va alors tenter de faire oublier ce triste épisode. Mais ceci est une autre histoire.
Il n’empêche que la Celica GT4 ST205 reste l’un des symboles du rallye dans les 90’s, aux côtés de la Subaru Impreza, Mitsubishi Lancer Evo, Lancia Delta et Ford Escort RS. Celle qui défile sous vos yeux est l’une des six voitures construites en 95. Elle avait été confiée au pilote allemand Armin Schwarz. Une fois la saison terminée elle allait revenir en France. En 2019, Alain, son propriétaire actuel, se rapprochait d’Eric Debaud du Custom Race Services. En effet, dans l’optique de revendre la voiture, et sachant qu’Eric possédait une rare Celica ST205 Gr.N officielle, il souhaitait lui demander son avis à propos de la voiture qui n’avait pas roulé depuis un bon moment. Après s’être rendu chez Alain, Eric allait être formel, jugeant qu’il serait dommage de la vendre dans l’état et qu’elle méritait quand même un restauration dans les règles de l’art.
Séduit, Alain acceptait et la voiture se retrouvait du côté de Béziers pour y recevoir une nouvelle jeunesse.
En véritable expert, Eric y a passé une année, afin de tout refaire en respectant scrupuleusement les spécificités du constructeurs. Un travail d’orfèvre qui s’est achevé il y a quelques semaines alors que la voiture allait réaliser ses premiers tours de roues du côté de Castellane dans les Hautes Alpes, entre Nice et Digne les Bains. Moment, d’exception privilégié auquel Eric nous a convié. Et il n’a pas fait les choses à moitié, puisque la voiture, véritable ventouse à trajectoire, respire la santé, ses 300 ch sont bien présents, sifflant à l’admission et pétardant à l’échappement. Un pur moment de plaisir et de sensations fortes avec ce sentiment, le temps d’un instant, d’avoir rajeuni de 25 ans.
Grande et belle histoire, doit etre admissible maintenant ç un certain nombres d’épreuves dites classiques. Sans ce souci de bride de turbo qui plus est!!!
Pas forcément.
Par exemple si tu prends les Gr.B, elles se sont admissibles qu’en démonstration ou voitures ouvreuses. Mais elles ne pourront pas être engagées dans une épreuve VH chronométrée.
Bravo !!!
Tu m’avais parlé de ton site et je viens de tomber dessus en cherchant des articles sur la ST205…
Le tiens est super bien fait et très approfondi.
À te voir bientôt avec plaisir.
Stan : celica !!!’