La 911 a connu des versions de courses vraiment iconiques, mais s’il ne fallait en retenir qu’une et désigner la 911 de course ultime, nombreux sont ceux qui nommeraient la Porsche 935…

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L’exercice va être périlleux. Parvenir à condenser en un seul article l’histoire d’une auto avec laquelle on pourrait, sans trop d’efforts, alimenter suffisamment de livres afin de remplir une petite bibliothèque ! Il va falloir faire des choix et déjà, se fixer l’objectif de ne pas dire de bêtises, ce sera une bonne chose. Du coup, notre histoire doit commencer  avec la Porsche 934. Déjà parce qu’il faut bien commencer par quelque chose, et puis parce que c’est la plus sage de la tribu que je vais vous présenter, et croyez moi, avec ce qui arrive, mieux vaut y aller doucement…

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La Porsche 934, c’est plutôt simple ; vous voyez la 930 Turbo ? Bon, et bien disons que la 934 c’est sa version course. On prend une 930 Turbo, on la transforme en monstre des circuits, on l’homologue en Groupe 4, ça fait une 934. On se retrouve du coup avec une auto très proche de la routière, même au niveau carrosserie. On a bien des extensions d’ailes, mais leurs proportions restent encore « mesurées ». On retrouve le spoiler arrière façon « whale tail », bref, on n’est pas dépaysé. Bon, tout le monde suit ? C’est formidable. Parce que première subtilité, Porsche a en réalité réfléchi presque à l’envers. Partant du principe qu’il leur fallait une auto homologable en Groupe 4, la 930 Turbo a été pensée dès le départ pour être la version de route d’une auto de course. Vous voyez la nuance ? Et tout de suite, certains choix qui semblaient curieux sur la Turbo deviennent subitement beaucoup plus cohérents. Entre autres celui de cette boîte mécanique à 4 rapports seulement. Chez Porsche, on avait anticipé et on pensait déjà qu’il fallait que la boîte tienne le coup lorsqu’on ferait souffler le turbo un peu plus fort… Et tiens, puisqu’on parle de turbo ! La 934 est déjà un belle machine. Sa turbine KKK lui permet de sortir 485 ch de son flat 6 3.0L (celui-là même qui anime la 930 Turbo) pour un poids minimum imposé de 1120 kilos. A la fin de l’année 76, après quelques retouches, surtout au niveau de la wastegate, il va grimper jusqu’à 550 ch. Avec cet arsenal hippique, la 934 est capable d’accrocher 300 km/h, et domine de manière assez franche la compétition. Elle remporte le championnat européen et le Trans Am en 1976. Et pour le moment, elle est encore sage…

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La 935 est, comme son nom ne l’indique pas forcément, la sœur diabolique de la 934 ou encore, la version Groupe 5 de la 930. Mais là pour le coup, quand vous la regardez, vous identifiez que c’est une 911, mais il faut aller chercher les marqueurs visuels bien loin sous la couche de peintures de guerre. Ce qui frappe immédiatement, c’est ce capot plongeant à l’endroit où instinctivement, on cherche les optiques rondes de la 911. La 935 reçoit ce nez typique début 76. Il faut dire que les yeux de grenouille de la 911 ne sont pas spécialement bien pensés en terme d’aérodynamique et il n’est pas question de freiner la 935 avec des optiques en plein milieu du flux d’air. On transpose tout l’éclairage dans le bouclier, et le problème est réglé. À défaut d’une élégance folle, il permet à la fois d’augmenter l’appui aérodynamique, tout en réduisant la traînée. L’identité visuelle est tellement marquée que le nez flachbau (ou slantnose ou flatnose) rejoindra le catalogue Porsche en option sur la 930 Turbo, avec des phares pop-up. Pour le reste, visuellement, tout est hypertrophié sur la 935. Les ailes, les ailerons, les roues… Je ne suis pas sûr qu’on trouve beaucoup de personnes pour dire que c’est une belle voiture tant les proportions sont caricaturales. Bien entendu, pas question de faire de l’esbroufe pour rien. Ce costume de scène a beau être un peu disgracieux, il n’en demeure pas moins efficace. Les immenses extensions d’ailes cachent des voies est des pneus élargis à l’extrême, et les appendices aérodynamiques sont tous là pour plaquer l’auto au sol. Au fil des années et de l’évolution des réglementations, la 935 ne va casser d’évoluer. Elle était équipée en 1976 d’un flat 6 turbo de 2857 cm3 à deux soupapes par cylindres développant 590 ch à 7800 tr/min selon les dires de Porsche. Adaptant sa configuration moteur, elle a connu de très nombreuses cylindrées (même une version 2.0 l) et des puissances différentes en fonction des séries et règlements où elle va être engagée. Si vous devez retenir quelque chose de la 935 en général, c’est qu’elle a dominé la concurrence dans tous les championnats où on l’a engagée. Et pour le détail, nous allons seulement nous attarder sur les deux plus célèbres versions. Une baleine (un cachalot pour les plus pointus d’entre-vous) et un groupe de musique belge (si si, je vous assure) !

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Et s’il y a bien une version de la 935 dont vous devez avoir entendu parler, c’est celle-ci. La 935/78, ainsi nommée pour son année de millésime (ils sont pas bêtes chez Porsche !), surnommée « Moby Dick ». Ce pseudonyme de cétacé lui vient de sa panoplie aérodynamique. Après, pourquoi Moby Dick et pas Willy, Flipper ou même Monstro (la baleine de Pinocchio, personne ne s’en souvient ?), on ne saura jamais… Toujours est-il que la 935/78 est essentiellement, pour ne pas dire complètement, pensée pour Le Mans. Et en 78, le Mans se gagne en partie dans les Hunaudières. Moby Dick va donc avoir besoin de puissance; beaucoup de puissance. Les ingénieurs de Porsche va en trouver en revoyant assez profondément son moteur. Le Flat 6 est majoré en cylindrée pour atteindre 3211 cm3 avant de recevoir des culasses à double arbres à cames en tête et 4 soupapes par cylindre. La suralimentation est aussi revue et l’unique turbo est remplacé par deux turbines un peu plus petites. Le problème de ce nouveau cœur, c’est qu’il dégage autant de chaleur qu’une météortie entrant dans l’atmosphère. Il va donc falloir un système de refroidissement à la hauteur de la tâche. Après réflexion, chez Porsche, on se dit « Hé ! Mais la flotte, c’est pas mal pour refroidir non ? » Le refroidissement par eau est donc adopté pour la première fois. Ainsi équipée, et avec les turbos réglés sur 1.7 bar, la 935/78 développe la puissance ahurissante de 845 ch pour 800 Nm de couple. Une cavalerie tellement élevée qu’aucun différentiel n’est capable de la supporter. Qu’à cela ne tienne, Moby Dick se passera de différentiel. Ça risque bien de riper un peu en manœuvre, mais bon, on fera avec… Afin d’assurer à la fois le plus de stabilité et le moins de traînée possible, la 935 reçoit donc un capot rallongé, un nez rabaissé, et cet arrière étiré qui lui ont valu son célèbre surnom. Et il faut croire que le tout a été plutôt bien pensé, puisque le cachalot blanc parvient à atteindre la vitesse surréaliste de 367 km/h durant les 24h de course mancelle. Avec une telle vitesse de pointe, elle est capable en ligne droite de distancer les prototypes Alpine, mais aussi ses sœurs 936 engagées à ses côtés. Elle est d’ailleurs si rapide qu’elle prendra le départ au milieu de ces fameux protos, à la troisième place. Malheureusement, des caprices mécaniques l’empêcheront de faire mieux qu’une huitième place après les deux tours d’horloge. Reste qu’au-delà de ce résultat plutôt moyen, Moby Dick aura marqué l’épreuve par sa présence et ses performances balistiques. Elle sera retirée dès l’année suivante par Porsche, mais une autre 935 va prendre le relais en 1979 achevant de faire de cette Porsche si particulière une légende du sport automobile…

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Une autre 935 officie effectivement dans l’ombre, attendant son heure de gloire. Depuis 1976, Porsche propose effectivement la 935 aux équipes privées. Parmi celles-ci, Kremer Racing. Cette  écurie de course dirigée par les deux frangins Erwin et Manfred Kremer propose leur propre version de la 935. L’auto a reçu plusieurs évolutions, et en 1979, après deux premières versions K1 et K2, la K3 est fin prête. Cette machine infernale se différencie notamment des 935 officielles par sa garde au sol diminuée. Ceci est permis par le retournement de la boîte (Moby Dick aussi profitait de cette amélioration) qui autorise au passage le réglage des rapports de boîte sans avoir à tomber le bloc. Sous le capot, la K3 est équipée d’un 3.2L qui adopte également la solution des double turbos. Le temps de réponse se trouve ainsi réduit, bien que toujours conséquent. La K3 fait également le choix d’abandonner le refroidissement par eau, et de revenir à un refroidissement par air. Celui-ci se montre cependant particulièrement efficace, puisque les K3 chauffent moins et conservent donc leur puissance de manière plus constante. Justement en parlant de puissance, sachez qu’avec ses turbines réglées sur 1.4 bar de pression pour garder une bonne fiabilité mécanique, la K3 parvient à sortir 740 ch. Avec un réglage plus agressif de 1.7 bar, elle était même capable de dépasser les 800 chevaux ! Ainsi armée, la K3 va entrer dans l’histoire de la plus belle des manières en réussissant là où Moby Dick avait échoué. En 1979, Klaus Ludwig accompagné des frères Don et Bill Whittington vont remporter les 24h du Mans au volant d’une Porsche 935 K3. Les deux frères n’ayant pas de vraie expérience de la course, et les conditions météo étant particulièrement exécrables cette année-là, c’est Ludwig qui assurera plus de la moitié du temps de roulage. Après cette victoire retentissante, la 935 continuera de s’illustrer pendant plusieurs années dans des courses prestigieuses, et il faudra attendre l’arrivée en DRM de la Ford Capri Zakspeed pour que la 935 trouve vraiment sur la piste une concurrence réellement à la hauteur.

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Il y a tant à dire sur cette auto ; j’aurais pu vous parler de la 934.5, sorte d’hybride de 934 et de 935, j’aurais pu vous parler de la rarissime Kremers K4, la descendante encore peaufinée de la K3, j’aurais pu vous parler de la « Baby-935 », de son minuscule flat 6 de 1.4L, et de son incroyable victoire à Hockenheim. Mais comme je l’ai dit, on pourrait remplir des livres… Mais rien ne nous empêche de vous en reparler dans de futurs numéros, donc moi, à votre place, j’en profiterai pour m’abonner afin de ne rien rater.

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En septembre 2018, à l’occasion des 70 ans de la marque, Porsche présente sa vision moderne de la 935 sous la forme d’une réinterprétation sur base de 911 GT2 RS. L’auto profite d’une carrosserie inédite en fibre de carbone, et multiplie les allusions à la 935, mais aussi à ses sœurs de circuit (levier de vitesse en bois comme la 917, jantes équipées de Turbofans, échappement façon Porsche 908…)  Elle est motorisée par le flat 6 3.8L biturbo de 700 chevaux, accouplé à la boîte PDK à double embrayage. Le clin d’œil est donc essentiellement esthétique, mais franchement réussi. Les 77 exemplaires prévus devront cependant se limiter au roulage sur circuit, puisqu’ils ne sont pas homologués sur route.

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