Si je commence à vous raconter l’histoire de la Lancia Aprilia, on en a pour 5 jours ! Par contre, celle de cette Pininfarina Convertible, elle est bien moins compliquée puisqu’il n’y en a eu qu’une seule. Et je reconnais que si je peux éviter d’me faire chier à chercher des infos pendant plusieurs jours, c’est quand même mieux.

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Quand j’ai commencé à lorgner l’histoire de la Lancia Aprilia, je reconnais que j’me suis dit que j’allais discrètement refiler l’article à un de mes padawan. Ils sont si mignons, aussi jeunes que naïfs, je n’aurai pas eu de mal à la leur faire à l’envers, sous couvert d’un challenge de bombage de torse… Oui la flatterie est une arme infaillible. Puis finalement, en découvrant que cette Pininfarina Convertible était seule et unique, petite fillotte isolée et délaissée, c’est moi qui me suis fait piéger pour en savoir plus.

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La Lancia Aprilia, c’est la voiture de luxe comme on l’imagine à Turin. Lancée en 1937 pour remplacer l’Augusta, Vincenzo Lancia voulait une voiture révolutionnaire et décalée. L’Aprilia va donc inaugurer la coque autoporteuse et les quatre roues indépendantes, une première mondiale pour l’une comme pour l’autre. Il y associe un moteur à chambres hémisphériques, une autre innovation encore rare à l’époque (bien qu’inventée en 1903). Sans le savoir, Vincenzo lance ce qui deviendra le standard dans la conception d’une automobile. Autre innovation, les portes antagonistes sans montant central (l’Augusta en était déjà équipée), sauf que là, Vincenzo ne veut plus voir les ferrures ! De quoi filer la migraine aux ingénieurs…

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Il n’empêche que tous ces « détails » contribuaient à faire de Lancia une marque avantgardiste et appréciée pour son luxe, sa volupté, sa qualité et ses performances… le pauvre doit se retourner dans sa tombe aujourd’hui !

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Son développement a duré de fin 1934 jusqu’en 1936 où va être présentée le 1er octobre au salon de Paris (sous le nom de Lancia Ardennes en référence à l’usine française où elle sera assemblée puisqu’à l’époque, des droits de douane de 150% privilégient la production nationale), puis le 15 octobre au salon de Londres et enfin à celui de Turin sous son vraie nom, Aprilia. La production commence début 1937 et la première voiture doit sortir des lignes le 24 février… Vincenzo Lancia décède d’un infarctus 9 jours plus tôt, le 15. Il n’aura jamais l’occasion de profiter réellement de son Aprilia et de ses innovations.

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La gamme Aprilia va s’étoffer, évoluer, même aller faire un tour en rallye et en course de côte, rapportant quelques victoires dans des courses régionales et nationales. Pendant la guerre, la production ne s’arrêtera pas. D’ailleurs en 39, elle est équipée du V4 1.5 l qui développe 48 ch. Lancia va même jusqu’à mettre son châssis à disposition pour ses clients, qui pourront ensuite les faire habiller par les meilleurs spécialistes de la carrosserie sur mesure, Zagato, Touring, Vignale ou encore Bertone.

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Mais pour beaucoup, la plus belle va sortir de chez Pininfarina. Un modèle unique qui va voir le jour juste après la guerre, dessinée par Gian Battista Pininfarina himself qui prend les codes de l’époque à contre pied. Plutôt que de faire une voiture avec un capot proéminent où le pilote est rejeté quasiment au niveau de l’essieu arrière, il mise sur la compacité avec une nez court, un habitacle au centre du châssis et un cul élancé, élégant et sportif. Une fois la voiture terminée, Pininfarina a la ferme intention de l’exposer au salon de Paris en octobre 46. Mais voilà, de part la position de l’Italie pendant le conflit, les constructeurs et carrossiers italiens sont loin d’être les bienvenus dans la capitale française.

Il en faudra plus pour décourager Pininfarina. Il prend le volant de sa Lancia Aprilia convertible pendant que son fils Sergio se retrouve derrière celui d’un autre concept, une Alfa 6C 2500 Cabriolet Speziale. Ils vont traverser l’Italie et se rendre à Paris par la route. Mais une fois devant le Grand Palais, ils se voient interdire l’accès. Sauf que Gian Battista ne va pas se dégonfler, il expose directement ses voitures sur l’avenue Winston Churchill devant l’entrée du Grand Palais. Résultat, le magazine tendance de l’époque, « L’Illustration », dans son édition spéciale du salon de l’auto, va mettre la photo des deux voitures italiennes en couverture ! Au sortir de la guerre, le salon expose des voitures d’avant guerre ou des utilitaires. Ces deux concepts vont finalement être l’attraction principale du salon, tout en étant exposés dans la rue. Pininfarina, le baptisera avec ironie « l’antisalon de Paris ».

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La Lancia Aprilia Pininfarina convertible n’a jamais quitté l’hexagone. La voiture a été achetée pendant « l’antisalon » par l’importateur français. Jusqu’en 65, on va la croiser dans plusieurs expositions… avant qu’elle ne disparaisse des écrans radars jusqu’en 2010 quand un concessionnaire Belge va la retrouver en piteux état dans le nord de la France. Après un rapide rachat, il l’envoie à Pise où elle va être scrupuleusement restaurée comme à son premier jour, restauration qui va durer trois ans.

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Aujourd’hui, elle fait partie de l’histoire de Pininfarina et participe régulièrement aux différents rassemblements qui rendent hommage au célèbre carrossier et à sa ténacité en ce jour de 1946.

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