Au début des 90’s, chez Lotus, « Light is right » rimait avec le dépassé coupé Excel, une Elan avec un coeur japonais et l’immortelle Esprit sur qui tout reposait depuis 20 ans ! Ouais, autant vous dire que ça sentait la naphtaline et le bouillon de légumes ! Puis y’a eu l’année 95, le salon de Francfort et la présentation de la Lotus Elise. Ca y est, les choses allaient enfin changer avec un retour aux sources qui allait sauver la marque !
Au début des années 90, Lotus c’est devenu un boulet pour Général Motors. La marque est livrée à elle même, et doit se démerder avec des caisses quasi vides. L’Excel GT va fêter ses 10 ans et peine à cacher une conception qui date de 75… En 89 l’Elan a essayé de redynamiser la marque. Mais entre sa traction avant et son 4 cylindres Isuzu elle a été condamnée sans même qu’on ne lui laisse la moindre chance. Enfin l’Esprit continue d’évoluer. Conçue par Colin Chapman, il faut reconnaitre que ce coup de génie était tellement en avance sur son temps, qu’il a su traverser les périodes tout en sachant rester au gout du jour. Même si elle peine de plus en plus face à des rivales toujours plus modernes et affutées. Et ce n’est pas le partenariat avec Opel pour le développement de la délirante Omega Lotus (Lotus Carlton en Angleterre) qui changera quoi que soit… Bref, chez General Motors, on veut se débarrasser de cette marque anglaise qui finalement, n’est jamais vraiment sortie de son état d’esprit d’artisan.
Le salut de Lotus va venir d’Italie en aout 93. Romano Artioli est un homme d’affaire bien connu des amateurs de sportives puisque c’est à lui qu’on doit le retour de Bugatti en 1991. Et justement, il est plus qu’intéressé par les compétences techniques et d’ingénieries du constructeur anglais dans le développement de son empire (oui, il avait un p’tit souci d’égo le Monsieur !). Il n’empêche qu’il va saisir l’occasion en rachetant Lotus.
Aussitôt, il condamne la carrière de l’Elan et fait lancer le projet de sa remplaçante. Une sportive pure qui devra absolument renouer avec l’esprit de la marque comme l’a imaginé Colin Chapman avec la Seven. Les ingénieurs vont alors imaginer une structure en alu aussi légère que rigide (trois fois plus q’une Esprit), à l’équipement réduit au strict minimum et remuée par un 4 cylindres d’origine Rover placé en position centrale arrière. Le 1.8 l 16s appelé K-Series, revendique 120 ch… sauf que la voiture ne pèse pas plus de 720 kg… et ça, ça fait toute la différence. Prenant les tendances à contre pieds, Artioli fait ainsi un bras d’honneur à l’embourgeoisement des sportives qui se veulent plus puissantes mais surtout de plus en plus lourdes. L’Elise est un ORNI qui finalement se focalise sur l’essentiel, le pilotage, l’efficacité, les sensations, le plaisir, avec une dose d’accessibilité qui se transforme en compétence une fois que le rythme s’accélère. Cette nouvelle Lotus est ludique et sait s’adapter au niveau de celui qui en tourne le volant afin qu’il s’amuse. Malgré l’effet de surprise, c’est un véritable succès qui attend la petite sportive anglaise.
En 95, Artioli quitte Bugatti pour ne s’intéresser qu’à Lotus. Mais l’histoire va être de courte durée puisque dès l’année suivante, il revend la marque au constructeur malais, Proton, qui contre toute attente, va continuer de miser sur la petite sportive et investir afin de multiplier les évolutions et développements jusqu’à en faire un GT1 pour l’engager en FIA GT. En 99, la 111S voit son 4 cylindres passer à 145 ch. Dans la foulée, elle sert de base à l’Exige, version plus affutée, plus radicale et plus performante.
En 2001, l’Elise passe en Série 2 et en profite pour recevoir un bloc Toyota, le 1.8 l des Celica et Corolla, atmo ou compressé (1ZZ-FE et 2ZZ-GE). Elle gagne du poids mais aussi et surtout des chevaux jusqu’à atteindre les 220 ch sur la 111R. En 2010, c’est la Série 3 qui entre en jeu. Les versions vont s’enchainer, affichant 136, 192 voire 220 ch et même 246 ch à partir de 2016 avec l’Elise 250. L’année suivante, alors que Proton est racheté par la marque chinoise Geely, l’Elise reçoit son dernier lifting qui lui permettra de tenir jusqu’à ce qu’elle laisse sa place à l’Emira, officiellement dernière Lotus thermique… (si c’est pas malheureux !).
C’est l’une d’elle qui nous intéresse aujourd’hui, une S3 de mai 2015, en robe Ardent Red, série spéciale Club Racer, ce qui signifie que Lotus a réussi à grapiller quelques kilos en y greffant deux baquets en fibre, équipés du minimum syndical. Affichant 860 kg sur la balance, elle embarque le 1ZR-FAE, le 1.6 l Toyota et ses 136 ch. Avec sa culasse dopée au VVT-i, il sait reprendre à 3000 trs tout en montrant les dents au fur et à mesure qu’il part à l’assaut de la zone rouge. La gestion a été développée spécifiquement par les ingénieurs anglais. Et pour ne rien gâcher, Denis l’a un peu libéré puisqu’il inspire maintenant via une boite à air TRD et expire à travers un silencieux Lotus Sport Level 1 pour lui faire passer la barre des 142 ch.
Les jantes sont des modèles allégées forgées qui étaient disponibles en option au catalogue Lotus. Elle sont ventousées au bitume via des Yokohama ADVAN A048 en 195/50-16 devant et 225/45-17 derrière. Petite spécificité puisque ces gommes sont badgées LTS pour Lotus. Elles ont été développées exprès pour l’Elise et l’Exige… la classe ! Niveau châssis (toujours en alu extrudé et collé) on trouve d’origine dans les ailes des combinés Bilstein – Eibach… mis à part que Denis a remplacé les premiers par des amortos réglables Nitrons « Fast Road » développés par Régis Dubois de Shaft Racing, un spécialiste de la préparation châssis sur Lotus.
Si les trains roulants avant et arrière sont à double triangulation, les ingénieurs anglais ont apporté une attention toute particulière à la géo à l’ensemble. Par exemple l’arrière, dit à « braquage induit », mise sur un carrossage et un pincement réglés aux p’tits oignons afin d’optimiser le travail et le grip en appui et donner cette agilité exceptionnelle qui assure ce comportement jouissif de l’Elise. L’avant est tout aussi affuté et sans filtre puisque la puce se passe de direction assistée.
Au rayon freinage, si l’Elise S1 se contentait de disques en alu, l’évolution a contraint la marque à passer sur de l’acier. Ici on a donc des galettes de 280 mm mordues par des plaquettes Pagid Blue qui ont trouvé place dans des étriers deux pistons AP Racing à l’avant et Brembo à l’arrière et ça, c’est d’origine !
Les petites routes sinueuses des Alpes de haute Provence, sur les hauteurs de Gréoux les Bains, à deux pas du lac d’Esparron, nous offrent, en plus d’un cadre spectaculaire, un terrain de jeu idéal pour s’amuser au volant d’un jouet comme cette Elise CR. A l’arrivée ? C’est démoniaque ! La direction est un peu lourde pour les manoeuvres, mais une fois en route, elle s’allège pour devenir parfaite et aussi précise qu’un scalpel. C’est posé au sol, un peu raide, mais putain c’que c’est vif et en prise direct avec la route. Tu ressens jusqu’au moindre gravier qui s’engouffre sous la roue. De plus, débarrassée de tout filtre et de ce qui peut faire du poids inutile, tu entends les graviers claquer contre les passages de roues ou le châssis. Et une fois les A048 en température, t’as l’impression d’être assis dans une machine à pop-corn !
Mais t’oublies vite le bruit pour te concentrer sur ce qu’il se passe devant toi. Parce que même avec 142 ch, ça va très très vite. C’est même difficile à imaginer tant qu’on a pas essayé. Ca pousse, c’est énervé, ça s’agrippe au sol comme un nouveau né au nichon de sa mère, c’est bluffant. A tel point que tu te dis que les gars de chez Lotus ils y ont caché des chevaux en plus. Elle n’est pas traitre, tu vois quand tu commences à taquiner les limites, mais tu sais qu’au delà, elle sera plus virile, mais jamais dangereuse. C’est un concentré de sensation, et je comprends ce qui anime les gars qui roulent dans ce genre d’engin. L’essayer c’est vraiment l’adopter ! Et comme je m’amuse souvent à le dire, en sportive tu as deux écoles… celle de ceux qui veulent absolument arriver les premiers et celle de ceux qui arrivent avec le sourire. Avec la Lotus Elise RC, tu as moyen de faire parte des deux en même temps ! Et ça Denis l’a bien compris…
© DLEDMV
Bel hommage qui donne le sourire!!!