Maserati Tipo 151 /4 – Simplement belle… le temps des essais !
par Thierry Houzé | 19 octobre 2021 | Racing |
Aux 24h du Mans, c’est l’ACO qui fait la loi quitte à se mettre à dos la FIA en créant une catégorie spécifique. C’est grosso modo ce qu’il s’est passé pour l’édition de 1962… un bouleversement dans la force qui va ainsi donner naissance à des voitures spécifiques comme cette magnifique Maserati Tipo 151 /4 qui n’aura finalement connue la piste que le temps des essais !
Il y a les 24h du Mans et il y a le championnat du monde d’endurance… Pour les constructeurs, il est plus intéressant de gagner le premier plutôt que le second. En terme de retombées, le Mans reste le Mans, une course incontournable à l’aura planétaire, où une victoire vous fait entrer dans la légende, que ce soit pour le constructeur de la voiture tout comme pour les pilotes qui l’ont menée à la victoire.
Ainsi, l’ACO (Automobile Club de l’Ouest) a toujours eu une influence particulière auprès de la FFSA et de la FIA, allant même jusqu’à élaborer ses propres catégories quand celles des institutions nationales et internationales ne convenaient pas aux organisateurs de la course d’endurance. Et si les constructeurs devaient alors construire une voiture spécifique pour y courir, ils le faisaient sans se poser la moindre question.
En même temps, c’était un peu une coutume en endurance où il n’était pas rare que les championnats nationaux japonais, américains ou européens y aillent chacun de ses classes et homologations… Une caisse qui courrait en Europe ne pouvait pas forcément le faire de l’autre côté de l’Atlantique et vice versa. Heureusement au fil du temps, la FIA a fini par uniformiser les différents règlements afin qu’un vrai championnat mondial puisse se dérouler sans trop d’encombres.
En tout cas, pour l’édition 62, l’ACO souhaite revoir les catégories. En effet, jusqu’à présent, les 24h du Mans voient courir deux catégories, les GT mais surtout les Sport qui, sur le règlement, se veulent être des GT transformées en voitures ouvertes. Et bien qu’elles en reprennent les châssis et les moteurs, pour le reste, ces voitures sont avant tout spécifiquement développées pour la course auto, bien loin des stradales qui leur servent de base et qui s’avèrent la plupart du temps n’être qu’un leurre. L’ACO veut juste clarifier la situation avec les GT d’un côté et des voitures expérimentales de l’autre (qui finiront par donner naissance à la catégorie des protos). La FIA finit par céder… mais limite la cylindrée de ces nouvelles voitures à 4.0 l.
En attendant, ils ne seront pas nombreux à dégainer. Ferrari va aligner sa 330 GTO, et son unique 330 TRI LM Spyder. Aston Martin va tenter sa chance avec un DP212. Enfin Maserati va développer deux Tipo 151 une pour l’écurie américaine de Briggs Cunningham et l’autre engagée par Maserati France.
La Tipo 151 va reposer sur un châssis fait de tubes ronds et ovales de grosses sections, rompant ainsi avec ceux des célèbres Birdcage que la marque faisait courir depuis 1959. Il est équipé de roues avant indépendantes et d’un pont De Dion modifié pour agir comme un bras oscillant. Le moteur est le V8 de la 450S ramené à 4.0 l de cylindrée puis équipé d’une distribution par engrenages, d’un carter sec, de culasses à double arbres et de quatre carbus Weber 45 IDM pour lui faire sortir 360 ch. Positionné derrière les roues avant, il donne à la Tipo 151 un profil particulier (dessiné par Giulio Alfieri) avec ce cockpit rejeté sur les roues arrière et cet avant hyper rabaissé et profilé avec ses deux ailes proéminentes de chaque côté. 100% alu elle affiche 850 kg.
Bien qu’elle accrochera les 315 km/h dans les Hunaudières, l’édition 62 se soldera par un abandon des deux Tipo 151, au 62ème et 152ème tour, et par la victoire de la Ferrari 330 TRI LM Spyder.
Celle de Cunningham part aux USA. Son look ne changera pas, ce qui ne l’empêchera pas de recevoir son lot de modifications mécaniques ainsi qu’un V8 de 5.7 l. Plus puissante mais moins agile, c’est un V8 de 7.0 l qui viendra la remuer en 1963 avant qu’elle ne soit détruite dans un accident. De son côté, Maserati France est persuadé par le potentiel de la Tipo 151. La voiture est renvoyée en Italie pour y recevoir différentes évolutions ainsi qu’un V8 de 4.9 l pour 430 ch, dérivé de la 5000 GT. Elle s’aligne au départ des 24h du Mans de 1963, où elle ne tiendra que 40 tours avant que sa transmission déclare forfait. Ces deux versions modifiées seront baptisées Tipo 151 /2.
Mais il en faudra plus pour décourager Maserati France qui fait lancer la fabrication d’une nouvelle Tipo 151 /3. Empattement plus long, voies élargies, V8 de 410 ch, carrosserie redessinée par Pierro Drogo, elle ne fera pas plus de 99 tours à l’édition de 64 des 24h !
Une dernière version Tipo 151 /4 va voir le jour pour 1965. Toujours sur demande de Maserati France ! Son V8 passe à 5.0 l pour 450 ch. La carrosserie est légèrement revue (hayon un peu plus incliné), la suspension avant est nouvelle, tout comme le freinage qui a pris du grade. Comme d’habitude, au printemps, la voiture est présente dans la Sarthe. Mais elle n’en verra jamais le départ. En mai, lors des essais officiels, lancé à fond à l’approche de Mulsanne, Lucky Casner perd le contrôle de la voiture qui part s’enrouler autour d’un arbre, le tuant sur le coup.
Considérée comme la plus belle de la famille Tipo 151, cette /4 a été reproduite sur demande en « recreation » par Motorima Coachbuilding of Sweden entre 2011 et 2013. Reprenant en grande partie les spécificités de l’originale, elle recevait un V8 4.2 l prélevé sur des Maserati Mexico, avant d’être complètement revu pour recevoir quatre carbus Weber et une boite 5 manu signée ZF.
Une approche sympa pour faire renaitre une voiture qui, si elle n’a surement pas le plus beau palmarès de l’histoire de la marque, reste probablement l’une de ses plus belles créations des 60’s…
© DSFM2005 via BaT
Superbe histoire et œuvre du début à la fin!!!
Belles photos, et bons commentaires. Juste une précision: Il y a eu 3 « 151 » aux 24 heures du Mans 1962. Deux pour Cunningham et une pour Simone. Les Américaines retournèrent chez elles, et l’une d’elles fut détruite dans l’année qui suivit au cours d’un accident (essais privés à Daytona).
Je tire ces informations de l’article « Les derniers monstres » (Auto Passion, mars avril 1998, n°118) signé de Marc Sonnery avec photos de lui-même et archives de François Sicard et de Christian Moity.
J’ai eu l’occasion de m’intéresser à ces autos quand j’ai traduit en français le « Maserati « de M Tabucchi (ETAI 2005).