Rolls Royce Corniche Jules Dakar Prototype… Toi aussi, dis non à l’alcool !
par Thierry Houzé | 2 mars 2023 | Racing |
Vous savez c’que c’est. Une soirée entre potes, on enchaine les verres, les discussions s’enflamment, la logique s’évanouit peu à peu, on finit par partir en vrille et le lendemain, on regrette un pari ou une décision farfelue qu’on a pas pu s’empêcher de prendre. Comme décider de faire le Dakar en Rolls Royce Corniche…
Avouez que l’idée peut paraitre bien chtarbée quand même. Pourtant, on l’a doit à deux hommes, Thierry de Montcorgé et Christophe Pelletier qui, à l’été 1980, ont commencé par refaire le monde autour d’un verre. Accompagnés de Jean-François Dunac, journaliste pour Auto Moto, il finissent par dériver sur la Rolls Corniche de Pelletier, une anglaise qui manifestement semblait à la hauteur de sa réputation désastreuse en terme de fiabilité. Je ne pourrais vous préciser ni le moment, ni la quantité de boisson ingurgitée, mais c’qui est sûr, c’est que la – longue – soirée s’est achevée sur un pari audacieux de participer au Paris Dakar (oui, c’est comme ça qu’on l’appelait) au volant d’un coupé Rolls Corniche.
Le problème c’est que le lendemain, généralement tu retrouves tes esprits et souvent, tu regrettes. Si ce n’est que sur ce coup là, pour Thierry de Montcorgé, ça va être tout le contraire. L’idée va se transformer en priorité. Il pause le projet, estime le budget et dès la semaine suivante, se retrouve déjà à la recherche d’un partenaire financier qu’il ira trouver auprès de la maison qui s’avèrera fort généreuse et permettra de lancer officiellement l’engagement, associé à Christophe Pelletier. Ne reste plus qu’à trouver la voiture, l’adapter aux contraintes du rallye raid et la fiabiliser… tout cela avant le 1er janvier, ce qui signifie qu’il ne leur reste qu’un peu moins de six mois.
Bon, autant le dire, mais finalement, la Rolls ne sera qu’un clone. En effet, plutôt que de sacrifier une Corniche, ils vont assembler un châssis tubulaire intégrant un arceau sur lequel ils vont greffer les trains roulants, le pont et la transmission d’un Toyota Land Cruiser HJ45. On est donc dans le monde des essieux rigides, des lames de ressorts avec double amortisseurs… c’est rustique mais indestructible.
Pour gagner de précieux kilos, chacun des éléments qui composent la caisse de la Corniche, à l’exception des portes, va être moulé en fibre, avant de recevoir les vitres, les pare-chocs chromés, les phares, les poignées et l’incontournable calandre surplombée du Spirit of Ecstasy. L’illusion est parfaite.
D’autant plus qu’elle se poursuit dans le cockpit. A l’avant, on retrouve le tableau de bord de la Corniche, habillé de ronce de noyer et de cuir, tout comme les panneaux de portes. Des baquets marquent quand même la touche racing. Derrière, la banquette a été remplacée par un réservoir de 400 l. Il faut au moins ça pour alimenter le gazier qui a pris place entre les ailes avant.
Là aussi, nos deux compères vont abandonner l’idée du 6,75 l d’origine Rolls pour y préférer un « vulgaire » V8 Chevy, emprunté à une Corvette, le 5.7 l fort de 350 ch et 530 Nm de couple. Histoire d’améliorer la répartition des masses, il a été reculé au maximum pour se retrouver quasiment sous le tableau de bord. Avec seulement 1440 kg à trimbaler, il est capable d’envoyer le proto jusqu’à 200 km/h, même si la vitesse de croisière est plutôt de l’ordre de 150 km/h.
Tout de blanche vêtue, arborant fièrement les couleurs du parfum Dior Jules et de Paris Match, celui qu’on va appeler Jules Dakar Prototype s’aligne le 1er janvier 1981 sur la place du Trocadero afin de prendre le départ de ce qui s’avère alors être le rallye le plus dur du monde. Le public n’en croit pas ses yeux… les médias non plus. Mais une fois de l’autre côté de la Méditerranée, la Rolls va souffrir. En Algérie le carter d’huile est perforé. Quelques jours plus tard, c’est le train avant qui casse. Enfin l’équipage termine la 9ème étape hors délai… une faute éliminatoire. Mais voilà, la Rolls est l’attraction du Dakar. Tout le monde en parle, les médias n’ont d’yeux que pour elle… les retombées sont fabuleuses, et en seulement 9 jours de course, elle a déjà à son actif presque 2000 articles publiés et plus de 150 heures de télé. Devant une telle ferveur, et un put*** de coup de pub, Thierry Sabine, l’organisateur, va préférer fermer les yeux et laisser la Rolls continuer l’aventure.
Thierry de Montcorgé et Christophe Pelletier verront bien le lac Rose de Dakar, mais en train. Dans l’une des dernières étapes, une sale rencontre avec un arbre finira par avoir raison de la Rolls Corniche. Peu importe, l’anglaise aura rempli son contrat. Dior remporte le prix du coup marketing de l’année pour son parfum Jules et le Dakar qui n’en est qu’à sa quatrième édition aura fait parler de lui.
De retour à Paris, Thierry et Christophe auront la surprise de trouver un courrier de Rolls Royce dans leur boite au lettres. Il stipule qu’on ne peut s’amuser ainsi avec l’image de la marque son concluant par un sympathique « Soyez gentils, à l’avenir, de ne pas renouveler ce genre d’expérience ! ». Ce sera chose faite, puisqu’après cet original Corniche Jules Dakar Prototype, aucune Rolls ne retrouvera les pistes du Dakar.
La lettre était une menace de procès dit de façon plus ouverte…