Les 70’s et 80’s représentent pour beaucoup l’âge d’or du sport auto. Les voitures avaient du charisme et les ingénieurs se sont lâchés obligeant même la FIA à revoir sa règlementation à partir du milieu des 80’s. Sur circuit, le Gr.5, c’est un peu le paroxysme de cette période et la Ford Escort Zakspeed qui arrive, l’une de ses dignes représentantes…
Depuis son apparition en 68, la Ford Escort est un véritable succès aussi bien commercial que sportif. Que ce soit en rallye ou sur circuit, la compacte devient une sérieuse candidate pour aller chercher les victoires et même les titres. A son volant, Dieter Glemser remporte le DRM en 73 et 74 pendant que Hans Heyer va accrocher celui du championnat d’Europe de voitures de tourisme en 74. Du coup, lorsque la Mk2 débarque en janvier 75, il est hors de question de changer un recette qui marche.
A l’époque c’est Zakspeed qui est en charge de développer les Ford alignées en touring car. Le sorcier allemand a carte blanche pour transformer la paisible Escort en monstre des circuits. Elle va faire ses débuts en Gr.2 dès la saison 75, aux côtés de sa grande soeur et de la Capri. Toute la saison, les Ford vont luter avec les BMW 2002 et 3.0 CSL pour un finish qui verra l’ovale bleu repartir avec le titre constructeur en Division 1.
En 76, la Mk2 Gr.2 est seule à porter les ambitions du constructeur. La concurrence est acharnée avec Porsche, Alfa Romeo, Lancia, BMW, Mazda… le titre échappe à Ford sur la scène européenne pendant qu’en DRM, Hans Heyer clos la saison avec le doublé pilote et constructeur.
Mais la grosse révolution va venir pour la saison 77. Le DRM officialise l’entrée en jeu des Gr.5 et Ford décide de franchir la pas. Le règlement est simple. Le capot, les portières et le toit doivent rester identiques à ceux du modèle de production. La largeur aussi. Attention, on parle de la largeur de caisse, pas de celle de la voiture. Et ça, ça va faire toute la différence puisque les ingénieurs vont alors imaginer des extensions XXL pour couvrir des voies ultra larges. Qui dit voies larges, dit pneus larges… et qui dit pneus larges dit envoie les watts !
Du coup, Zakspeed va prendre quelques Escort Gr.2 (cinq exactement) pour les transformer en Gr.5. La voiture prend du muscle, gagne une lèvre avant, des prises d’air et un aileron. A l’arrière, les jantes BBS cubent en 13,5 x 16’… presque aussi larges que hautes ! L’emploi de magnesium fait tomber le poids de 850 à 735 kg. Sous le capot on retrouve le 4 cylindres 1975 cm3 double arbre BDG signé Cosworth, gavé par une injection Lucas il est capable d’aller chercher 275 ch à 9100 trs. Une véritable pièce d’orfèvrerie.
Ainsi armée, l’Escort devient monstrueuse de perfs et d’efficacité. Mais ce ne sera pas suffisant pour aller chercher les Porsche 935 et leur 650 ch. Pour ne rien arranger, BMW prépare sa 320i Turbo. La saison 78 s’annonce plus que chaude. Il n’empêche que chez Zakspeed, on prépare déjà celle qui va venir jouer à arme égale, la Capri Turbo.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Lorsque les voitures survivaient aux courses et prenaient leur retraite, elles étaient soit revendues, soit détruites ou parfois, finissaient leur carrière au fond d’un hangar pour sombrer dans l’oubli. Ainsi, sur les cing Escort Gr.5 assemblées par Zakspeed, seulement deux auraient survécues. L’une aurait été démontée et ses pièces revendues. L’autre justement a fini au fond d’un bâtiment abandonné au sud de la Malaisie, enfouie sous un amas de ferrailles et d’ordures. En effet, après sa carrière européenne, elle a été vendue à Ford Malaysia où elle a couru quelques courses à Macao.
Il a fallu qu’en 1993, un certain Gary Wilkinson croise sa route, aille jeter un oeil sur l’épave pour se rendre compte au bout de 10 minutes qu’il était devant une vraie Z-Speed. Sachant que ce néo-zélandais, a connu une carrière de pilote sur Ford, Lotus et Mini, a géré une entreprise de préparation auto avant de partir à Singapour pour s’occuper en tant qu’ingénieur et pilote essayeur de la collection privée du richissime David Wong, qui compte notamment plusieurs voitures de BTCC comme la Mondeo de Paul Radisich, une Sierra RS500, ou encore une Lotus 23, des Lola, Civic Type R ou Mazda RX7, puisque l’homme est aussi en charge de l’écurie Petronas engagée en Asia Touring Car Championship.
En 2003, il retourne en Nouvelle Zélande avec sa femme et dans leurs bagages, la Ford Escort Zakspeed, dont il aura soigneusement gardé le secret et mis 10 ans afin de faire une offre de rachat. C’est aussi le début de la galère pour lui redonner vie, d’autant plus qu’il souhaite la refaire à l’image de ce qu’elle était en 1977. Mais notre homme s’y connait et possède un carnet d’adresse plus que fourni.
Il lui faudra 7 longues années d’acharnement, d’argent, de patience, se voyant même à deux reprises à deux doigts de tout abandonner avant qu’en 2010, elle pose enfin ses roues lors de la Skope Classic. La voiture n’est pas finie, mais elle se fait remarquer, notamment par d’anciens ingénieurs de chez Zakspeed, qui vont apporter à Gary l’aide qui lui manquait. Sachant que la voiture est officiellement la seule absolument conforme à celles sorties des ateliers du préparateur allemand, du BDG aux jantes BBS en passant par la boite ZF, le différentiel Atlas ou encore le boitier d’allumage Bosch HKZ.
Aujourd’hui la voiture apparait régulièrement dans les courses historiques en Nouvelle Zélande. Mais il ne reste plus qu’une étape à franchir pour que Gary puisse clore son histoire, l’amener en Europe pour la faire rouler sur le Nürburgring et à Spa, et ainsi, il pourra dire que la boucle est bouclée.
Grandiose histoire, patience, travail acharné et un peu de moyen, que du bon!!!