La Chrysler Airflow, c’est officiellement la première voiture sur laquelle les ingénieurs se sont penchés sur l’aéro. C’était dans les années 30. Le genre de caisse que certains imaginent délicatement exposées dans un musée pendant que d’autres les voient transformées en mode Street Rob avec un gros V8 7.0 l sous l’capot !
Oui, j’aurais pu vous trouver une Chrysler Airflow aussi d’origine que rutilante, fière d’afficher sa ligne aérodynamique sous les projos d’une collection privée ou d’un concours d’élégance. En même temps, son statut lui en donne la légitimité. C’est la première voiture à revendiquer le style Streamline. Derrière ce nom très corporate se cache en fait une tendance qui va chercher à arrondir les angles, donner naissance à la bouteille de Coca et inspirer plusieurs générations de designers.
Nous sommes en 1929, à Wall Street, c’est la guerre… un krach boursier va plonger l’économie mondiale dans une crise sans précédent. C’est la grande dépression. Certaines entreprises, pour sauver leur business, n’ont pas d’autre choix que d’innover en essayant de sortir du lot et comme le premier facteur d’achat est visuel (faut d’abord attirer l’oeil), les designers vont être mis à contribution pour apporter du sang neuf. Tous les biens de consommations vont y avoir droit, de la cafetière au vibromasseur, et l’automobile n’y échappera pas. D’autant plus que les ventes se cassent la gueule. En 1930 le marché américain représente 2,5 millions de voitures. Deux ans plus tard, il est tombé à 1,5 millions. Ca fait mal !
Si l’économie va en souffrir, le design va faire un bond en avant. Et la première voiture qui va se retrouver sous les projos pour afficher un style résolument nouveau, c’est donc notre Chrysler Airflow. Un style qu’elle affiche et revendique jusqu’à son nom. Vous m’direz, c’est toujours mieux que Chrysler Patato ou que la Chrysler Zeuby ! En tout cas, c’est au salon de New York en février 34 qu’elle va pointer le bout de sa calandre. Son dessin est le fruit de la collaboration de plusieurs experts. L’idée est venue en 1927 à Carl Breer, le directeur technique de Chrysler, qui, lors d’un repas familial, va apercevoir au loin, une escadrille d’avions militaires en exercice qu’il va d’abord confondre avec des oies. C’est à partir de ce moment là qu’il se dit que l’aviation pourrait être une source d’inspiration. Il va alors demander à William Earnshaw, un de ses ingénieurs, d’étudier l’incidence du dessin d’une auto en rapport à sa pénétration dans l’air. Pour ce faire, il va solliciter l’aide d’Orville Wright, un aviateur. Plusieurs études vont être réalisées et l’équipe va peu à peu être complétée d’Alexander Klemin, un spécialiste dans la résistance des matériaux et de Norman Bel Gedds et Oliver Clark, qui vont se charger d’interpréter les résultats scientifiques en affinant les courbes tout en gardant une réalité de production. Pour la première fois, le dessin d’une voiture est d’abord dicté par les ingénieurs et leurs travaux en soufflerie.
En 1932, le premier prototype est dévoilé… aussi moche que raté. Cela n’empêche absolument pas Walter Chrysler de croire au potentiel de la voiture. D’ailleurs initialement, elle devait être commercialisée exclusivement sous la marque De Soto. Elle s’appellera également Chrysler et l’équipe va avoir carte blanche pour la faire évoluer et l’embellir jusqu’à ce que la version définitive soit présentée en 1934. L’accueil est formidable, le public est séduit. Mais l’enthousiasme va vite s’arrêter là.
La production est compliquée, chère et des soucis de fiabilités viennent ternir le tableau. Avec l’Airflow, Chrysler produit 45% des voitures vendues sur le sol américain. Depuis l’Airflow, ce chiffre tombe à 31%. Les délais s’allongent, et pour ne rien arranger, le personnel de Chrysler se met en grève. Et le mauvais sort semble s’acharner, Walter Chrysler tombe gravement malade alors qu’en Europe, l’ingénieur Paul Jaray, concepteur de la Tatra T77, attaque Chrysler pour plagiat. 11000 voitures sont vendues l’année de sa sortie et même si chaque millésime recevra son lot de modifications et d’améliorations, jusqu’en 1937 qui signera la fin de sa courte carrière, les ventes ne feront que baisser. Au final, en seulement 4 ans, la Chrysler Airflow aura séduit un peu moins de 30000 clients.
Eh bien c’est l’une d’elle qui défile sous vos yeux depuis le début… une vraie. Acquise à une période où tout le monde s’en foutait, elle avait bien besoin d’une bonne chirurgie esthétique. Mais voilà, elle appartenait à un certain Harold Coker, propriétaire de la Coker Tire Company, spécialisé dans les pneus classiques et customs. Du coup, plutôt que de la confier au carrossier du coin, c’est Honest Charlie’s Speed Shop qui va s’en charger. Un taf qui va nécessiter deux ans pour en faire un Street Rod… soft !
La caisse est mise à nue. Niveau châssis, les trains roulants avant passent en double triangulation et l’arrière reçoit un pont Ford de 9″. Les suspensions sont réalisées sur mesure par Heidts. La direction est empruntée à une Mustang, le freinage compte maintenant quatre disques mordus par des étriers avec maitre cylindre Speedway. Quatre jantes tôles avec enjoliveurs chromés sont chaussées en Coker à flancs blanc…. forcément !
Pour l’habiller, la caisse habillée en noir brillant PPG, a été entièrement refaite avec quelques retouches aussi légères que subtiles. Le gros du boulot s’est notamment porté sur la calandre, le pare choc avant passé en deux parties et le capot qui s’ouvre sur un deuxième capot couvre moteur. C’est spécial, mais ça fait le job. Mais surtout, si tu ne sais pas, tu ne devines pas que cette Airflow sort d’un atelier custom.
Dessous, le gros 8 en ligne de 4.0 l pour 122 ch a laissé sa place à un plus moderne V8 GM de 350 ci accompagné d’un radiateur alu avec ventilo électrique, et d’une boitoto 700R4 avec overdrive. La puissance, on s’en tamponne. Ici, tout est réuni pour cruiser pépouze, le coude à la portière, tranquillement vautré dans le cuir et la moquette épaisse, bercé par les ronrons du V8 et une sono digne d’un concert des Stones. Clim Vintage Air, direction assistée, volant Grant, placages bois, sièges à réglage élec, compteurs Classic Instruments… juste l’essentiel, c’est sobre mais classe, presque de quoi rendre jalouse un pullman anglais.
Le paradoxe de cette Chrysler Airflow, c’est qu’elle a été revendue l’année dernière par Mecum et qu’elle a trouvé preneur pour 100000 $. Faisant d’elle l’une des Airflow les plus chères… même l’Airflow Imperial de Carroll Shelby n’a pas dépassé les 90000 $. Comme quoi, même modifiée, les ricains ont bien une autre vision de l’auto… non j’ai pas dit ouverture d’esprit pourquoi ?!
Franchement sublime dommage que le poste radio moderne face tache. Perso je l’aurais caché.