Alfa Romeo 8C 2900B Touring Berlinetta – Leggendario…
par Thierry Houzé | 2 mars 2019 | Street |
On oublie souvent à quel point Alfa Romeo était une marque prestigieuse, sportive et désirable. En même temps, quand on vit dans une société où ce qui séduit est dicté par l’image, le futile et l’inutile, faut pas forcément chercher à comprendre. Pourtant, il fut un temps où quand tu roulais en Alfa 8C 2900B Touring Berlinetta, t’étais le seigneur de la route !
Dans les années 20 et 30, le sport auto allait donner naissance à des voitures juste délirantes. Les constructeurs assemblaient des ensembles châssis / moteur que les carrossiers habillaient. Puis les propriétaires ou les écuries les engageaient en course. Bentley, Mercedes, Auto Union, Chenard et Walcker, Lorraine-Dietrich, Bugatti, Delahaye, Hotchkiss… On découvrait l’aérodynamisme, la puissance, la suralimentation, les liaisons au sol… et le courage des pilotes qui se battaient aussi bien avec leurs concurrents que le volant, en chemisette et « protégés » par un casque en cuir et des lunettes ! Oui mais voilà, aujourd’hui, on se dit que c’est vieux, périmé, ringard… Sauf les gars étaient quand même totalement barrés pour mener des engins aussi énormes, lourds et puissants, chaussés en pneus de vélos ! Alors un peu de respect s’il vous plait… Surtout que les gars à l’époque, quand ils se rataient, ils rentraient souvent en communion avec la nature qui prenait la forme d’un platane au bord de la route.
Dans les années 30, la marque à abattre, c’était Alfa… Elle allait être la 1ère à imiter les ricains qui faisait rouler des voitures à une place à Indianapolis depuis 1911. L’Alfa P3 devenait en 1931 la 1ère monoplace de course européenne. Puis l’année suivante, l’ingénieur Vittorio Jano allait avoir l’idée d’assembler deux 4 cylindres en alliage pour en faire un 8 en ligne. Avec une cylindrée de 2.3l, il se dit que pour aller chercher des watts, il fallait y greffer une paire de compresseurs… Oui, nous sommes en 1931, et l’Alfa 8C 2300 embarque un 8 en ligne de 2.3l shooté par 2 compresseurs Roots qui lui font sortir 175ch. Elle va littéralement écraser la concurrence en remportant 4 victoires aux 24h du Mans (31, 32, 33 et 34), 3 à la Targa Florio (31, 32 et 33), 3 aux Mille Miglia (32, 33 et 34) ainsi que 2 fois les 24h de Spa, le GP d’Italie et la Targa Abruzzi.
Mais Jano ne s’arrête pas là… Au fil des années, il fait grimper le 8 cylindres à 2.6l en 1934 puis à 2.9l l’année d’après. Indéniablement, la puissance grimpe avec la cylindrée. Ainsi l’Alfa 8C 2900A, réservée à la course auto, est présentée au salon de l’automobile de Londres en 1935. Avec 220ch elle va remporter à nouveau les 4 éditions des Mille Miglia de 35 à 38 (Et même celle de 47 au retour de la guerre !).
La 8C est la référence absolue de la course auto des années 30. Imbattable, elle s’impose quasiment dans chaque course où elle va poser ses roues. Et il n’en faut pas plus pour qu’en 1937, Alfa décide d’assembler la 8C 2900B qui n’est autre que la version Grand Tourisme de la 2900A. Elle propose 2 empattements, 2m80 et 3m, Corto ou Lungo. Le taux de compression du 8 cylindres est réduit pour baisser la puissance à 180ch, mais augmenter la fiabilité et le couple.
Alfa Roméo assemblera 30 châssis… 10 Corto et 20 Lungo. A part quelques exemplaires habillés par Pininfarina et Vittorio Jano, tous les autres seront confiés à la Carrozzeria Touring en Spider ou Roadster. Seulement 5 sortiront en tant que Berlinetta.
Surtout qu’en version route, la 8C 2900B garde le châssis du modèle de course… Treillis tubulaires en acier, roues à suspensions indépendantes avec ressorts et amortos hydrauliques, boite manuelle 4 vitesses associée au pont arrière (Oui déjà du transaxle !), et surtout, une carrosserie aluminium réalisée en Superleggera. Les lignes sont sublimes, élancées, musclées. Derrière ce long capot, l’habitacle est rejeté quasiment sur les roues arrière. Même à l’arrêt elle semble aller vite ! Et pour ne rien gâcher, elle ne pèse que 1250 kg, possède une tenue de route exceptionnelle et peut compter sur son moteur qui continue de pousser quand tous les autres cherchent encore leur souffle.
Voilà comment on rentre dans la légende… sachant qu’elle a été l’une des stars de Retromobile puisque une rare 8C 2900B Touring Berlinetta est passée sous le marteau de Maitre Poulain d’Artcurial. Après une carrière tumultueuse commencée en Italie, avant de changer 4 fois de propriétaires en Angleterre, elle rejoint le garage d’un amateur français en 1976… A l’époque, il a déboursé l’équivalent de 10.000 € pour s’offrir un de ces 5 mythes qui n’en est pas encore un. 43 ans plus tard, c’est son fils qui a décidé de s’en séparer… Un chef d’oeuvre qui a changé de mais pour 14,6 millions d’€ ! Sans les frais…
© Artcurial