Il fut un temps où les contraintes d’homologations et de productions de la course auto, nous ont offert des engins routiers totalement envoûtants. De quoi emmerder les ingénieurs qui se sentaient castrés et étouffés, contrairement aux fans qui pouvaient profiter d’une offre délirante !
Delta HF Integrale, Ford Cosworth, M3 E30, Celica GT4, 205 T16… Et bien plus encore… Nos légendes de la route, sont étroitement liées à leurs homologues « coursifiées ». A peine civilisées, tout juste disciplinées, elles quittaient le jogging mais gardaient quand même les baskets.
Dans les 80’s, le GrB est un vivier de monstres. Mais pour obtenir le sésame, chaque modèle doit découler d’une version routière produite à 200 exemplaires… Forcément, les routes ont vu débarquer des genres d’ORNI turbalisés, boursouflés et sauvages !
En 1982, Ford tarde à se décider sur celle qui représentera l’ovale bleu en GrB, avant de miser sur l’Escort (Plus pour des raisons de marketing que sportives !). Le proto RS 1700T voit le jour. Cosworth se charge du 4 cylindres 1778cm3 turbo, pour lui tirer 320 ch de ses entrailles, perchés à 8500 trs. Ford l’habille d’une caisse en alu et passe la compacte en propu. M’enfin pour gagner en GrB, il faut du 4RM, surtout depuis l’arrivée d’une certaine Audi Quattro. Ford change son arbre à cames d’épaule et l’Escort disparaît en mars 83. Attention la marque ne jette pas l’éponge pour autant. Elle décide juste de repartir d’une feuille blanche, mais surtout, d’une 4 roues motrices !
A la bourre par rapport à tous les concurrents, Ford réuni une équipe de spécialistes avec pour objectif un engagement en fin 1985. Ford Ghia à Turin se charge du dessin que l’équipe de Cologne peaufine en soufflerie. L’assemblage est confié à Reliant Motor Company, spécialisés dans les matériaux composites. Une partie des composants sont piochés dans l’immense stock de la maison, comme la Sierra qui va fournir son pare brise, ses poignées de portes, ses rétros et ses feux arrières.
Courant 84, 5 protos voient le jour. Les essaient peuvent commencer. La voiture définitive fait son apparition officielle au salon de Turin en novembre 84. La production commence, mais la mise au point donne du fil à retordre… Il faudra un an pour la rendre efficace, du coup, la 200ème voiture, synonyme du ticket d’entrée délivré par la FIA, sort de production le 30 janvier 86 alors que l’inspection d’homologation de la FIA a lieu le lendemain et que le RAC est passé depuis longtemps !
Exclusivement habillée en « Diamond White », la RS200 est affichée à 640.000 F (+/- 96000 €). De routière, elle n’en a que le nom et l’habitacle. Simple biplace, cela n’a pas empêché Ford de lui offrir une finition soignée. Pour tout le reste, c’est bel et bien un proto… sans aucun compromis.
Sous la capot, le Ford Cosworth BDT, directement dérivé du célèbre Kent, donne des ailes à la sportive. Lubrification par carter sec, Garrett AiResearch T.04 qui souffle à 0,75 Bars, échangeur air-air placé à l’arrière du toit, gestion Ford EEC IV et refroidissement optimisé, le bouilleur balance 250 ch à 6000 trs. Ford propose des kits usine de 300 et 350 ch pour la compétition… même si certains clients n’hésiteront pas à en équiper leur stradale.
Au niveau de sa conception, Ford a également poussé le développement. Le moteur est incliné de 15° pour abaisser le centre de gravité. Il est également décalé de 15cm sur la gauche pour garder la transmission rectiligne avec la boite située à l’avant. A ce propos, bien avant la moderne Nissan GTR, la Ford RS200 compte 2 arbres de transmission, le 1er du moteur à la boite et le 2nd de la boite aux roues arrières. 3 différentiels Ferguson gèrent la motricité. Le petit levier à coté de celui de la boite, permet de passer d’une répartition d’origine de 37/63 (Avant / Arrière) à du 50/50 ou quasiment, en pure propulsion.
Comme tout bon bloc turbalisé des 80’s, il existe un décalage horaire entre le pied droit qui soude le plancher et l’arrivée de la cavalerie. Surtout en dessous des 2500 trs… Passé ce cap, c’est la déferlante. Les 16 soupapes se réveillent et le turbo leur souffle dans la tête… et tout se petit monde s’énerve jusqu’à 7400 trs. Avec 1180 kg sur la balance, la poussée est physique.
En marge des 200 exemplaires, le règlement autorisait une poignée de modèles dits Evolution. Ce sera les cas de 24 exemplaires de RS200 E. Suspensions et freinage revus mais surtout, une cylindrée qui passe à 2,1 l gavé par une injection Bosch. En course elle passait les 500 ch… On parle même de plus de 600 pour certains d’entre eux !
En compétition, la RS n’a pas rencontré les espoirs que Ford avait mis en elle. Elle rate les 2 premières épreuves de la saison 86 pour débuter en Suède. Cela ne l’empêche pas de finir à la 3ème place, menée par Kalle Grundel (Ex Peugeot). Mais dès le rallye suivant, au Portugal, Joaquim Santos perd le contrôle de sa 200 qui finit sa course dans les spectateurs. Bilan, 3 morts et des dizaines de blessés ! Ford retire la RS200 du rallye suivant, le Tour de Corse, qui verra la mort d’Henri Toivonen et de son copilote Sergio Cresto à bord de leur Lancia Delta S4. Jean Marie Balestre, président de la FIA, signe l’arrêt de mort du GrB au terme de la saison 86. En parallèle, Marc Surer participe au rally d’Essen sur une RS200 privée… Il sort de la route, percute un arbre, coupant la voiture en 2. Son copilote, Michel Wyder meure sur le coup ! Ford annule tout projet de développement et finira la saison sur une 5ème place au RAC.
Mais voilà… (Oui, ce n’est pas fini…!). Il reste du stock ! Ford avait prévu 200 modèles plus 24 Evolutions (20 imposés au minimum) et 40 moteurs 2.1 l. Les châssis 41 à 200 étaient prévus pour le rallye. A l’arrêt du GrB, Ford écoule une partie de ses RS200 en rallycross. Les modèles routiers peinent à trouver preneur, jusqu’à ce que débarque un certain Murray, concessionnaire Canadien. Il commande 20 voitures destinées à la route, 16 en config 350 ch et 4 en Evo fortes de 450 ch, appelées RS200 S.
Pour l’histoire, Ford la commercialisait en tant que RS200 en fournissait le petit écusson « S » supplémentaire en demandant au client de l’apposer après la livraison. Cela permettait à Ford d’éviter de lourdes contraintes d’homologation et administratives ! Haaa la belle époque !
Sur les 20 modèles, en fonction des commandes, les voitures recevaient les vitres élec, des baquets Sparco avec harnais Sabelt, la clim, un pare brise chauffant, ou la direction assistée. 4 furent repeintes en rouge et 2 en bleu.
2 modèles traversèrent l’Atlantique avant que la commande fut annulée, et ce, malgré un acompte versé. Ford réussira finalement à vendre péniblement 158 RS200 jusqu’en 1990. Les 42 modèles restants furent alors désossés et servirent de stock pour assurer la garantie et le suivi en pièces détachées.
Enfin, la RS200 est restée pendant 12 ans, la détentrice du « fastest accelerating road car in the world », le Guiness Book ayant relevé un 0 à 100 en 2 secondes sur une des RS200 S…
© FordHeritage
© GoodingandCompany
‘legende’