Le championnat du Monde FIA GT a connu une période totalement délirante à la fin dans les 90’s. Les caisses qui se battaient dans la catégorie reine devaient avoir obligatoirement une version routière… Oui, des protos sur la route ! Et parmi ces monstres qui tentaient de faire croire qu’ils étaient devenus civilisés en passant de la piste à la route, la Mercedes CLK GTR…
Jamais l’étoile n’a été aussi violente ! Jamais la route n’a vu d’engins aussi ultimes que ces monstres des 90’s ! Nous sommes en 97, la FIA vient de prendre le contrôle du BPR, championnat spectaculaire imaginé en 94 par le trio magique composé de Jürgen Barth, Patrick Peter et Stéphane Ratel.
Le BPR devient alors le Championnat FIA GT, et donne rendez-vous aux voitures pour les 24h du Mans. Le règlement évolue, et est divisé en 2 divisions. Celle des voitures directement issues du BPR, et une nouvelle qui va être pire ! Il s’agit en fait de protos en habits de ville, car leurs caisses doivent s’inspirer de modèles routiers. Mais ça ne s’arrête pas là, Stephane Ratel (Véritable passionné de supercars) qui est alors seul aux commandes via sa structure SRO, décide que pour obtenir l’homologation, les voitures doivent avoir également, une version route de 20 exemplaires minimum… on peut effectivement s’attendre au pire ! Mais parfois, le pire peut devenir le meilleur…
Comme les ingénieurs sont loin d’être cons, ils vont prendre le problème à l’envers en concevant des protos de course, basés sur des extrapolations de modèles routiers en les modifiant pour les homologuer juste avec ce qu’il faut. Oui, du coup, on pouvait aller chercher le gamin à l’école en CLK GTR, se rendre chez le boulanger pour les croissants dominicaux en Porsche 993 GT1, aller au boulot en Elise GT1 et éventuellement faire les courses en Toyota GT1 ! Un truc de malade…
Les caisses étaient totalement inexploitables sur route ouverte. Juste inadaptées à une utilisation normale, mais putain, c’que c’était bon ! Des gros délires d’ingénieurs pour milliardaires en manque de sensations fortes… très fortes !
La Mercedes CLK GTR, c’est déjà une gueule… Un truc à vous pulvériser la rétine. C’est compliqué d’imaginer que ce genre d’engin puisse rouler sur la route. Elle n’a rien d’une routière, mais tout d’un proto ! Basse, large, avec son fond plat, son diffuseur XXL, ses appuis, ses prises d’air dont une immense sur le toit, des portes en élytres pour un accès exclusivement réservé à un contorsionniste. Elle a de quoi faire passer une F50, une Diablo, une EB110 ou une McLaren F1 pour des sportives de fillettes !
Dedans, y’a du cuir, ou éventuellement la sellerie à carreaux identique à celle des 300 SLR. Pour entrer, il faut enjamber des seuils de portes sont aussi larges qu’une Twingo ! Les sièges vous enveloppent. La direction est assistée, le volant a l’airbag, les vitres sont électriques et la clim essaye de garder un température ambiante inférieure à 40° !
L’autoradio ? Il est derrière le pilote. Vous savez, du genre où vous montez le son avec le pied droit ! Un V12 magistral et bestial. Pourtant, ses origines ne laissaient pas imaginer un tel caractère puisqu’il s’agit du moteur qui remuait le roadster 600 SL R129. Puissant, mais bien élevé pour ne pas effrayer les retraités de la Riviera ou de Palm Beach. Mais voilà, les sorciers de chez AMG vont se pencher sur son cas et aller lui chercher des noises… enfin, ils vont surtout les trouver !
La cylindrée passe de 5987 à 6898 cm3. Les bielles sont en titane, les pistons forgés, volant moteur allégé, gestion revue et corrigée, admission à rendre jalouse une F1, cullasse totalement retravaillée avec soupapes gros diamètre et arbres à cames plus pointus. La boite est désormais séquentielle et à crabots s’il vous plait ! Oubliez le décalage horaire pour monter les rapports… Ici c’est tu tire ou tu pousses en mode Kalach’ et coup de pied au cul quand le rapport est enclenché !
Ainsi armée, les pneus de la CLK GTR doivent composer avec 612 ch à 6800 trs et négocier avec 775 Nm à 5250 trs. Oui, un break familial fait aussi bien de nos jours… Mais niveau gueule et châssis, prenez le break… je garde 1000 fois la CLK ! Ce bloc il prend pas des tours, ils vous envoie des uppercuts dans la mâchoire pendant que le châssis joue à la ventouse à bitume ! Car la robe cache des dessous de voiture de course. Une coque centrale hyper-rigide en carbone qui affiche seulement 87 kg. A ses 2 extrémités, des caissons tubulaires. L’avant reçoit les liaisons à double triangulations superposées avec combinés horizontaux, réglables en 3D et réservoir d’huile déporté. L’arrière aussi, sauf qu’en plus, il intègre le V12 qui se retrouve arceauté dans un treillis métallique. Oui, oubliez la promenade romantique avec madame… elle trouverait un brouette bien plus confortable.
Mais vous avez compris que l’essentiel n’est pas là… Tout est fait pour virer les quelques babioles à la con, rajouter des stickers et aller gagner des courses. Les jantes forgées sont en 18′ et chaussent en 295/50 et 345/35 ! Même là c’est monstrueux ! Les freins sont du même niveau… Des disques percés et rainurés de plus de 350mm de diamètre et des mâchoires à vous faire mordre le volant au moindre effleurement de pédale. Pas de carbone céramique, que de l’acier aussi large et robuste qu’une champion du monde poids lourd !
Ce « truc », c’est du pur délire… les rares journalistes et essayeurs qui ont eu la chance d’y poser leurs fesses, n’en sont jamais sortis indemnes, et il parait même qu’il ne s’en seraient toujours pas remis ! La CLK GTR, malgré le statut de son étoile et son habitacle « luxueux », c’est compromis 0 ! Le moteur vous hurle dans le dos, la boite siffle, la prise d’air souffle, le bruit dans le cockpit est assourdissant. La voiture est posée sur des bouts de bois, vous êtes prisonniers des baquets et la violence de la poussée vous empêche de respirer. Là, vous n’êtes qu’en 3ème, à 200 et en ligne droite ! Tournez le volant, et les douleurs se font sentir, aux avant bras, aux côtes… C’est soudé à la route, et votre corps sert de fusible s’il n’est pas préparé. La sueur inonde votre dos, votre nuque, le coeur est à 2 doigts de lâcher et les G s’enchainent, sans filtre, si ce n’est ce que vous êtes capable de supporter physiquement ! Cette caisse c’est un monstre, tout autant effrayant à regarder qu’à piloter. En même temps, on ne peut rien lui reprocher, elle ne s’en cache pas.
Au niveau perfs, c’est 320 km/h et le 0 à 100 en 3,8 secondes, la barre des 200 en 9,9 et le kilomètre en moins de 20 secondes… Une E63 AMG S actuelle fait presque aussi bien, mais sans le style et les sensations ! Mais surtout, sans cette boule aux tripes, la peur et les douleurs. Et ça, ça change tout.
Mercedes en assemblera 22 mais n’en vendra que 19 de 97 à 99… à 11.000.000 F le morceau (1.700.000 €). En 2002 elle perdra le toit pour seulement 6 exemplaires, dont 1 seul sera mis en vente, les autres étant réservés avant et là aussi Mercedes en conservera 2. La même année, la marque à l’étoile osera la version SuperSport… qui verra sa puissance grimper à 720 ch et son poids chuter à 1 tonne. Mais assemblée sur commandes spéciales, impossible de trouver le nombre d’exemplaires sorti des usines AMG.
Sur la piste, la CLK GTR évoluera en CLK LM en 98 et troquera son V12 pour un V8 aussi puissant mais moins gourmand pour les courses d’endurance. Enfin en 99, elle sera également développée en CLR, homologuée en LMGTP et exclusivement adaptée aux 24h du Mans.
Enfin si l’envie vous en prend, et que votre banquier est votre meilleur ami, votre oncle, voir votre père, l’exemplaire N°5 va se retrouver ce week-end sous le marteau du commissaire priseur de la vente aux enchères RM Sotheby’s de Monterey… C’est l’heure de faire péter le PEL… ou un Euromillions !
© RM Sotheby’s via patrick Ernzen
C’est Ilmor qui se chargea d’augmenter la course de 80,2 mm à 92,4. Ce bloc 6.9 est, de loin, bien meilleur que toute autre configuration 7.3. Même Pagani n’y eut pas droit (seulement les 6.0, 7.0 et 7.3 AMG). Que dire d’autre? Même les super et hypercars actuelles sont à des années-lumière de cette Mercedes. Probablement la plus exclusive voiture jamais produite, même si la McLaren F1 fit, peut-être, mieux. Quoique …
D’accord avec votre conclusion et le reste aussi