Voilà, c’est clair. Toutes les R8 Gordini n’ont pas été bleues à bandes blanches… enfin, toutes celles qui ont eu droit aux autre coloris sont plutôt rares. Et celle de Gerard en fait partie. Alors installez vous confortablement, on va repartir en 1967…

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La R8 Gordini a vu le jour en octobre 64, et sans le savoir, Renault et Amédée Gordini viennent de donner naissance à  un nouveau concept qui, quelques années plus tard, allaient surement inspirer les ingénieurs de VW pour donner naissance à la Golf GTi. Vous allez me dire que Ford avait déjà lancé la Cortina Lotus en 63 et qu’au début de l’année 64, BMC avait dégainé sa Mini Cooper S et vous auriez raison. Si ce n’est que les anglaises étaient chères, très chères. A l’époque, pour avoir droit au sport, fallait en avoir sur le compte… et c’est sur ce point là que la R8 allait réellement faire la différence.

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A l’époque, l’arrivée de la Gord’ va permettre aux clients enthousiastes et amateurs de conduite sportive, de satisfaire leur passion sans pour cela devoir investir plus que le prix d’une voiture de grande série… En tout cas, c’est avec ces mots que Renault présente sa nouvelle vision de la voiture sportive. Rendre enfin accessible financièrement le sport auto à travers une base populaire tirée de la grande série. Ford et BMC avait fait la même chose, mais ils avaient oublié le mot « accessible » dans leur cahier des charges. Alors oui, la R8 est moins sexy qu’un coupé italien (quoique !) mais elle est surtout tout aussi performante, amusante et beaucoup moins chère.

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Forte d’un 4 cylindres 1108 cm3 associé à une boite 4 manuelle, la R8 Gordini 1100 offre 80 ch (ou 95 ch SAE en sortie de bloc) à 6500 trs. Sauf que la voiture pèse seulement 795 kg pour une architecture propu / moteur arrière, qui privilégie le comportement sportif. Les chiffres sont bluffants puisque la petite R8 bleue avec ses bandes blanches (seule couleur disponible) se permet de ridiculiser la reine de la route, la DS19 et ses 75 ch… D’autant plus que pour coller au ramage, Amédée Gordini s’est même permis de revoir le châssis en le renforçant, en y mettant des ressorts plus courts et plus raides, des nouveaux triangles, une direction plus directe, des amortos à l’arrière ainsi que des disques de freins un peu plus copieux. Dans l’habitacle, Renault n’a pas revu la dotation en mode discount… sellerie skaï, compte tours, mano de température d’eau, voyant de niveau du liquide de freins (!), chauffage à deux vitesses, poignée de maintien passager… c’est le grand luxe pour l’époque.

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Mais là où Renault va enfoncer le clou, c’est quand la marque validera le lancement de la Coupe Gordini et qu’une ribambelle de pilotes plus ou moins talentueux vont s’y engouffrer, assurant un spectacle qui va permettre d’asseoir la réputation de la R8 Gordini. Les pilotes achetaient un Gord’, roulaient avec la semaine, rejoignaient un rallye ou un circuit le week-end, gagnaient, puis rentraient chez eux tranquillement par la route avec la voiture ! Et malgré tout ça, ça ne faisait que commencer…

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Car en 66, Renault passe la 2nde ! En plus de son petit 1100, la petite berline compacte va recevoir le 1255 cm3 gavé par deux double-corps Weber 40 pour devenir R8 Gordini 1300. La puissance passe à 88 ch (110 SAE), accompagnée maintenant d’une boite 5 (obligeant un bossage sous la banquette arrière, signe distinctif des R8 Gord’ 1300) et de jantes plus larges. Avec 170 km/h en Vmax et le kilomètre abattu en moins de 32 secondes, la concurrence est larguée. D’autant plus qu’au passage la marque n’a pas sacrifié le rapport prix / sportivité / performances. Histoire d’encaisser, la caisse reçoit de nouveaux renforts. Pour ne pas pénaliser le poids, certains panneaux de tôles sont plus fins. Sous le capot avant, un second réservoir d’essence est installé… il permet d’apporter un peu d’appui au train avant et de recentrer les masses. Au niveau de son utilisation, on retrouve une petite vanne manuelle entre les deux sièges avant afin de basculer d’un réservoir à un autre. La face avant est maintenant passée en 4 optiques, grâce à l’ajout des anti-brouillards.

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La voiture n’est toujours disponible qu’en bleu de France. Il faudra attendre juillet 68, et la fin de la carrière de la R8 Gordini (juillet 70) pour voir enfin arriver d’autres teintes au nuancier, vert, rouge foncé, jaune, gris et blanc. Mais une fois encore vous allez me dire « Hola coco, tu nous dis juillet 68 alors que celle de Gérard est de 67 (mai 67 pour être précis), tu nous prends pour des saucissons ». Et vous auriez une nouvelle fois raison… décidemment, rien ne vous échappe. Sauf qu’à partir de 67, il était possible d’obtenir un de ces teintes, sur demande, et à partir du moment où le concessionnaire acceptait. En effet, pourquoi le client irait se faire chier à attendre des mois, une voiture qu’il fallait sortir des lignes de production, pour une question de couleur spécifique. Plus de temps pour livrer, plus de temps pour livrer, plus de temps pour encaisser le chèque… une logique implacable. M’enfin bon, même à l’époque, certains étaient prêts à faire preuve de patience pour rouler différent. C’est donc le cas, de celui qui a commandé neuve cette superbe R8 Gordini blanche début 67, une des première R8 Gordini 1300 blanches livrées en France, et que Gérard à achetée en 2000.

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Sa Gord’, il la bichonne, la connait sur le bout des doigts. Demandez lui de vous raconter son histoire, et vous êtes bon pour une soirée autour d’une table, d’un bon p’tit plat et d’une (ou plusieurs) bonnes bouteilles de vin, à écouter Gérard vous expliquer les anecdotes et détails qui ont forgé l’histoire et la réputation de la 8 Gordini. Histoire de, sa voiture est équipée d’une boite courte. Ca veut dire 110 km/h en Vmax… mais j’vous explique pas le caractère de teigne. Puis en y étant, il y a rajouté des jantes GT en 13″, un échappement Devil « trompette » et des rétros obus qu’il précise avec fierté avoir acheté au Manoir de l’Automobile à Lohéac. Il en a même profité pour faire signer le capot par Jean-Claude Andruet. Eh oui, Gérard, puriste parmi les puristes se fait plaisir en offrant à sa belle deux, trois équipements qui ne sont pas d’origine… et bim ! On a qu’une vie et on la vit pour soi, donc autant se faire plaisir.

Cherchez pas, il est littéralement amoureux de sa Gord’. Bien entendu de par sa rareté, mais aussi, de par le plaisir qu’elle lui procure. Derrière le volant, sur un petite route, c’est un hommage à une période ou sportivité rimait avec simplicité. Les sensations ! Il n’y a que ça de vrai. Ceux qui ne voient que par les chiffres, les performances, la puissance, l’efficacité pure et dure, l’image et l’apparence, devraient poser leur cul au moins une fois dans une R8 Gordini 1300. Le gabarit, l’équipement dérisoire, le poids, le caractère de ce petit 4 cylindres gavé aux double corps, le contact avec la route, tout ça, c’est du sans filtre. Vous faites corps avec elle et dès le ralenti, vous la sentez vivre. Au premier mouvement, vous redécouvrez des sensations, une ambiance, une atmosphère qu’on a oublié ou qui ont aujourd’hui complètement disparues. Le bonheur, le plaisir, ne se trouve pas sur une fiche technique, mais bel et bien derrière un volant et sur la route, surtout quand elle est bien sinueuse…

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© DLEDMV via TiTi (et merci François du club 4A qui a permis cette magnifique rencontre et au Domaine de Rhodes à la Barthelasse pour son accueil)