L’Alfa Giulietta Spider, c’est le symbole de la sportive italienne des 50’s. Une bouille délicieusement craquante, un châssis moderne et efficace, pour un moteur plein de vigueur et de hargne à l’approche de la zone rouge. Le parfait jouet pour grands enfants… Mais quand il a fallu lui enlever le toit, Alfa eut l’idée de mettre deux designers en compétition, Pininfarina et Bertone…

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En 1954, la Giulietta allait montrer qu’une sportive pouvait devenir abordable. A l’époque, Alfa bénéficie toujours d’une très forte image sportive… même si les sportives au cuore sportivo ont du mal à renouveler leurs exploits sportifs de l’entre deux guerres. La concurrence est nombreuse et rude. Il n’empêche que marque au Biscione a parfaitement su se jouer de l’évolution du marché en rendant ses sportives abordables et accessibles pour aller séduire aussi bien les pilotes pros que les amateurs.

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De l’autre côté de l’Atlantique, elles séduisent les ricains en recherche de voitures différentes… les paquebots chromés c’est bien, mais pour s’amuser, il n’y a pas grand chose de local, si ce n’est ces petites teignes européennes, bien moins puissantes que les V8 élevés à Détroit, mais largement plus vivantes, efficaces et funs. A tel point qu’un certain Max Hoffman en a fait son business (et sa fortune), celui d’importer toutes ces sportives italiennes, anglaises et allemandes.

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Il va rencontrer un tel succès, et représentera un tel volume d’achat auprès des constructeurs qu’il représente, qu’il en arrivera à en imposer les modèles qu’il souhaite commercialiser… bien entendu, le Max a le nez fin et la vision affutée. Chaque voiture qu’il demande et commande est le gage d’un succès commercial. Et c’est ce qu’il va se passer avec l’Alfa Giulietta de 54 que Max imagine aussitôt en version spider. Il soumet l’idée à Milan… qui accepte, du moins le temps de développer le modèle.

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C’est là que les pontes d’Alfa Romeo vont avoir l’idée de mettre à contribution les deux designers qui se chargent de tracer les lignes des belles italiennes. Pininfarina et Bertone vont ainsi recevoir une Giulietta avec l’objectif d’y virer le toit. Quelques semaines plus tard, deux protos sont présentés a siège d’Alfa… l’histoire voudra que ce soit le projet de Pininfarina qui finisse par se retrouver dans les show room de la marque au Biscione.

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C’est donc là que notre histoire commence. Car si Pininfarina avait été plus conventionnel dans son approche stylistique, Bertone avait confié le projet à son designer Franco Scaglione, qui lui avait misé sur un dessin beaucoup plus radical. Il en sortira deux protos, un rouge et ce modèle blanc et or.

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L’empattement est court (2,2 m) pour une gabarit bien plus compact. La carrosserie est en alu. L’avant plonge sur une calandre affinée pendant que le cul reste bombé avec ses deux ailes proéminentes qui se prolongent jusqu’aux feux. C’est justement elles qui pousseront le choix des dirigeants d’Alfa et de max Hoffman vers la proposition de Pininfarina. Tous craignaient que la mise en production soit trop compliquée et engendre un prix de vente trop élevé. D’autant plus que dessin, dans son ensemble, fut jugé « trop futuriste »…

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L’habitacle se limite à l’essentiel, dans l’esprit de ce qu’avait fait Porsche avec sa 356 Speedster, déjà réalisée à la demande de Max Hoffman. Deux sièges, un volant, les compteur et un original levier de vitesse intégré à la colonne de direction. Sous le capot, on retrouve le 4 cylindres double arbres avec ses 1,3 l et ses 80 ch.

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Condamnés à rester à l’état de prototype, les deux voitures vont aussitôt être vendues. La première (châssis 0002) rejoindra le garage d’un amateur suisse pendant que la seconde (châssis 0004), celle qui défile devant vos yeux, sera rachetée par… Max Hoffman qu’il fera livrer à sa villa en Italie avant qu’elle ne disparaisse des écrans radar.

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En 1990, le jeune Corrado Lopresto – un des plus grands collectionneurs d’Alfa Romeo aujourd’hui mondialement réputé et respecté – a entendu parler d’une voiture originale et rare qui dormait au fond du hangar d’un entrepreneur italien. Devant la voiture, aucun des deux hommes ne sait réellement de quel modèle exact il s’agit. Rien de bien étonnant… elle avait été maladroitement repeinte dans un rouge que le temps avait fané et son intérieur était en piteux état. Mais l’intuition de Corrado lui faisait croire qu’il était bien devant une Alfa qui n’avait rien d’ordinaire. Une poignée de lires plus tard, l’affaire était conclue ! La sortie de grange rejoignait la collection de Corrado qui allait pouvoir commencer ses recherches afin de trouver les parents de l’orpheline.

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Peu à peu, il va retracer l’histoire du proto Giulietta Spider signée Bertone et lui offrir la restauration qu’elle méritait, à l’identique de ce qu’elle avait été à sa naissance. Mais voilà… fous de jalousie, les « experts » de la marques et les restaurateurs connus qui n’avaient pas pu mettre la main dessus, mirent en doute les origines de la voiture, niant même la présence qu’une soeur jumelle. Lopresto n’avait pas encore l’aura qu’il possède aujourd’hui… mais tenace, Corrado fournira tous les documents attestant l’ADN de la voiture, retrouvant même la femme du propriétaire suisse de la 0002, qui validera ses dires, photos à l’appui.

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Il n’empêche que ce proto Giulietta Spider a pris sa revanche quelques années plus tard. En 66 Alfa présente son nouveau Spider. Regardez bien le dessin… admirez les lignes. Oui, on y retrouve le regard, et le profil en os de sèche de Giulietta Spider Bertone… si ce n’est que le Spider sera une fois encore signé Pininfarina… probablement en manque d’inspiration à l’époque !

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© Kevin van Campenhout & Classic Driver